Il y en a qui font du yoga, d'autres de la méditation, d'autres encore qui s'offrent une journée au spa ou qui partent courir ou faire de la marche en montagne. Et puis, il y a celles qui, pour fuir la folie quotidienne de nos vies à 100 à l'heure, s'offrent quelques jours de pêche à la mouche. Visite en rivière au coeur de l'État de New York.

Il est 17h. Tout le monde, à peu près, a pris du poisson, sauf moi, et il n'est pas question que j'abandonne même si nos guides sont déjà rentrés. Je prends donc ma canne, mes mouches et je repars vers la rivière Ausable où, grâce à mes bottes et à mes immenses culottes de pêche, je peux aisément avancer dans l'eau presque jusqu'à la taille. Et là, après avoir lancé, lancé et relancé encore mes mouches, je réalise que je suis en train de pêcher ce que je cherche le plus, dans le fond, la paix.

À chacun sa méthode pour décrocher. Moi, donnez-moi une canne à pêche et mon cerveau laisse tomber tous ses stress pour se préoccuper d'une seule chose: que la ligne tombe le plus droit possible, et à la bonne place, pour maximiser les chances de prendre du poisson.

«La pêche demande toute notre concentration, mais une bonne concentration», me confirme Nancy Murphy, propriétaire de la boutique d'équipement de pêche à la mouche Hungry Trout à Wilmington, sur les rives de la rivière Ausable, dans la région du lac Placid.

Nancy, elle-même grande pêcheuse et gérante d'une équipe de guides pilotée par une femme, Rachel Finn, accueille un groupe de femmes qui, pour la plupart, n'ont jamais pêché à la mouche. Nous sommes de vraies débutantes, à la limite des débutantes avancées pour certaines. Mais tout le monde est là pour découvrir ce sport dans les Adirondacks, région de pêche idéale pour la mouche et qui a l'avantage, contrairement à la Gaspésie ou à la Côte-Nord, d'être à deux heures de route de Montréal.

Traditionnellement, la pêche est, chez nous, un sport plus prisé par les hommes que par les femmes. Le savoir-faire s'est donc souvent très bien transmis de pères en fils, mais pas de mères en filles.

Depuis quelques années, cependant, les femmes découvrent cette activité et tombent amoureuses des aurores brumeuses à taquiner la truite ou de l'effet calmant du lancer à la mouche. Sauf qu'elles sont souvent confrontées à leurs lacunes pratico-pratiques en la matière et n'ont pas d'amies pour aller pêcher.

Photo: Marie-Claude Lortie, La Presse

Au Québec, la Fédération québécoise des pêcheurs et chasseurs est totalement sensibilisée à ce problème, explique Claudie Brisson, responsable des relations publiques. C'est pourquoi, la Fédération organise chaque année des activités réunissant uniquement des femmes, sortes d'incubateurs de réseaux d'amitié de pêche. La Fédération offre aussi généralement de la formation pour permettre aux débutantes de progresser et, plus tard, de voler de leurs propres ailes. Parmi les activités, cette année, on compte le week-end Fauniquement Femme Plus au pavillon Portes de l'enfer, dans le parc des Laurentides, à la toute fin du mois d'août.

Chez Nancy Murphy, près de Lake Placid, pas besoin d'être autonome comme pêcheuse pour acheter des forfaits, dont certains comprennent guide, repas et logement au motel Hungry Trout. Sans oublier la location de l'équipement. La pêche, ainsi, n'est plus réservée uniquement à ceux qui en sont déjà férus. Et de plus, les femmes sont accueillies par une femme. Et elles peuvent même aussi demander d'avoir une guide. «Et ça fait une différence, explique Mme Murphy. C'est important de se sentir comprise.»

Prendre ça «relax»

Pour attirer la clientèle féminine, la région de Lake Placid fait valoir en outre qu'elle n'est pas unidimensionnelle. On peut aller là pour pêcher à satiété, mais on peut aussi en profiter pour découvrir autre chose. Ainsi, entre deux séances de pêche quotidiennes - aux aurores et à la brunante -, on peut grimper la magnifique montagne de ski Whiteface, à pied (ouf!) ou, pour une bonne partie, en voiture. Le point de vue, du sommet, est plus que spectaculaire. Nuances de verts et de bleus à satiété.

La rivière Ausable, celle où l'on pêche, est aussi belle à longer, car elle est parsemée de chutes, toutes plus impressionnantes. Les plus célèbres sont celles d'Ausable Chasm, mais il y a aussi celles de High Falls Gorge, que l'on visitait déjà au XIXe siècle.

Photo: Marie-Claude Lortie, La Presse

Évidemment, on peut aussi faire un peu de shopping à Lake Placid ou luncher sur une des terrasses surplombant le lac. Et, comble du voyage de fille, on peut même aller au spa! Recommandé: celui du magnifique Mirror Lake Inn, un hôtel cossu, totalement Adirondacks (oui, il y a même un quai avec les célèbres chaises face au lac), avec sa décoration mariant les thèmes pêche et ski, déclinée sur des tons de bois chaleureux et de vert forêt.

Un petit massage entre deux truites, les amies? Ou un soin des pieds?

Les frais de voyage de ce reportage ont été payés par le Bureau of Sustainable Tourism de Lake Placid.

REPÈRES

> Il faut compter environ deux heures en voiture, à partir de la région de Montréal.

> Les forfaits pêche varient beaucoup, certains commencent autour de 150$ par jour, par personne, comprenant chambre, droit de pêche et repas. Pour être accompagné d'un guide, il faut compter plus, par exemple un petit groupe de trois personnes peut passer la journée à pêcher avec un guide pour 425$. On ajoute une cinquantaine de dollars pour louer l'équipement complet pour la pêche à la mouche. Et il faut acheter un permis de pêche, qui est de 15$ pour la journée. (Prix en dollars US)

> À Montréal, on peut se procurer de l'équipement de pêche à la mouche dans toutes sortes de magasins de pêche et de plein air (Le Baron notamment), mais difficile de parler de pêche à la mouche sans mentionner la boutique spécialisée dans ce type de pêche, Orvis Salmo Nature (110, rue McGill, 514-871-8447).

Alors, on mange quoi?

> Pour préserver les truites de la rivière Ausable, plusieurs zones sont protégées et ne peuvent y pêcher que ceux qui adhèrent à l'approche «catch and release», qui consiste à rejeter les poissons à l'eau rapidement après les avoir attrapés. Les amateurs de poissons frais peuvent toutefois pêcher dans les zones où les prises sont permises. Paradoxalement, les restaurants du coin servent pour la plupart de la truite, mais d'élevage.

> Si on veut manger des produits de la région, on peut se rendre au restaurant Generation, au village de Lake Placid, qui a fait le virage locavore et s'efforce de s'approvisionner dans un rayon de 300 milles (ce qui inclut quelques érablières québécoises). Ainsi, le fromage de chèvre, la viande, les légumes viennent des alentours. Le restaurant a aussi décidé de virer au vert, de l'éclairage aux contenants de nourriture pour emporter biodégradables, en passant par son toit vert, visible de la salle à manger, où pousse de la ciboulette... Le chef, David Hunt, offre en outre un service spécial pour les gens qui viennent faire le tour des fermes de la région: on peut lui apporter les produits frais qu'on a achetés (ou pêchés) durant la journée et en échange d'un prix forfaitaire, il les cuisine. Lors de notre passage, le chef était encore à la recherche d'une ferme capable de lui fournir suffisamment d'oeufs frais pour maintenir le rythme de son restaurant, qui a notamment une bonne clientèle au petit-déjeuner. «Mais je tiens à en trouver une car j'ai moi-même maintenant des poules dans mon jardin chez moi et je sais que ça fait toute une différence!».

> Les dents sucrées apprécieront les chocolats de la boutique Candy Man Adirondack Chocolates à Wilmington. Recommandées: les truffes au chocolat noir et à la noisette et les écorces de chocolat noir aux amandes.

Photo: Marie-Claude Lorite, La Presse