Chaque jour je consultais la météo. Et chaque fois le même constat s'imposait: le week-end serait froid, venteux et pluvieux à Lake Placid. Il était même question de neige, en plein mois de mai.

Un collègue habitué de rouler dans la région avait cru bon de m'effrayer davantage, m'informant que «quand il vente et qu'il pleut là-bas, ça devient vraiment, vraiment froid». Fin blagueur, il est même allé jusqu'à parler d'amputation, avant d'offrir de me prêter ses couvre-chaussures. «T'en auras plus besoin que moi...»

 

Tout ça n'avait rien pour me rassurer, mais il était impossible de me défiler. Ce voyage de deux jours dans les Adirondacks, organisé par l'agence de voyages à vélo Sur la route, était prévu depuis longtemps. Coûte que coûte, il fallait y aller.

Au rendez-vous, tôt le samedi matin, nous n'étions que trois à répondre à l'appel. Une douzaine de cyclistes s'étaient désistés à la dernière minute. Restés au lit, peut-être, à faire des cauchemars de pluie, de grêle et de neige. Les trois guides et leurs trois clients - quel luxe! - sont entrés dans l'autocar désespérément vide, en direction de l'État de New York, avec un ciel gris et menaçant comme toile de fond.

Les montagnes tout au loin

Il est midi et nous roulons dans une forêt dense, sur une route immaculée. Les arbres disparaissent parfois pour céder le pas à des fermettes aux granges en piteux état. Au loin, on aperçoit les monts Adirondacks. Il ne pleut pas.

L'apocalypse n'est finalement jamais venue. Les prévisions météo n'avaient pas prévu cette fenêtre de beau temps, en milieu de journée. L'air frisquet offre en fait un climat quasi parfait pour rouler.

Après quelques kilomètres, les appréhensions de la veille avaient disparu. Ne reste plus que le plaisir de découvrir la belle région du comté d'Essex, située entre le lac Champlain et le village de Lake Placid, à moins de 150 km de Montréal.

Premier constat, le coin regorge de routes de campagne aux paysages verdoyants. Des routes qui ressemblent en tout point à celles qu'on trouve dans les Cantons-de-l'Est, le bitume parfait en plus.

Deuxième constat, dans le parc des Adirondacks, rien n'est tout à fait plat. Le samedi, nous sommes partis des environs de Plattsburgh, presque au niveau de le mer, en direction de Lake Placid, à 549 m d'altitude. Ce dénivelé d'environ 500 m, réparti sur un trajet de 94 km, n'a rien de brutal. Mais il a le mérite de faire chauffer les jambes.

Après avoir emprunté de petites routes dans les bois, après avoir longé la belle rivière Ausable, nous arrivons enfin à Lake Placid. Ce lieu pittoresque protège jalousement son passé olympique. Peu de villages de 2600 habitants peuvent en effet se targuer d'avoir accueilli deux fois les Jeux d'hiver (1932 et 1980).

C'est l'heure de boire une bière, d'engouffrer un repas hautement calorique (ah, l'Amérique!), et d'espérer que les prévisions météo se trompent encore le lendemain.

Un air yankee

Au réveil, Lake Placid est blanc. Il a neigé dans la nuit. Les guides nous avancent de quelques kilomètres en autocar, afin de descendre en altitude. Loin du village, la route est sèche, il fait presque beau. Nous pouvons partir.

Après avoir roulé du lac Champlain à Lake Placid la veille, nous retournons aujourd'hui vers le lac. Mais au sud de Plattsburgh cette fois, dans une région aux airs de Nouvelle-Angleterre.

Un chapelet de villages borde notre route: Moriah, Port Henry, Westport, Essex... Leur rue Principale semble avoir été posée au milieu d'un champ. Leurs bâtiments de brique rouge datent d'une époque où la région était encore prospère, riche en gisements de fer.

À Essex, où nous terminons notre journée, le village semble complètement endormi. La belle église anglicane est silencieuse. La vieille station d'essence, aux pompes rouillées, est fermée. Un parc donne sur le lac Champlain, où il ferait bon flâner un jour d'été, sous la chaleur du soleil.

Je me promets de revenir à Essex et d'affronter encore les belles routes des Adirondacks. Je me promets aussi de ne plus trop m'en faire avec les prévisions météo. Il paraît que durant le week-end, il a fait plus froid à Montréal. Comme quoi...

Les frais de ce reportage ont été payés par Sur la route.

De plus en plus de cyclistes

Même si elle reste méconnue, la région de Lake Placid reçoit la visite d'un nombre grandissant de cyclistes. Une hausse qui s'explique par la beauté des lieux, mais aussi par la qualité des routes.

«J'ai roulé au Vermont et au Québec, et en comparaison, je trouve qu'on a ici un nombre impressionnant de belles routes peu fréquentées par les voitures», explique Tom Gerner, cofondateur de l'Adirondack Cycling Team, un club cycliste.

La région accueille un nombre important de cyclistes au mois de juillet, durant le triathlon Ironman de Lake Placid, qui a lieu depuis 10 ans. Il n'est pas rare alors de voir des pelotons de dizaines de cyclistes. À tel point que des conflits entre automobilistes et cyclistes ont parfois été rapportés aux autorités, menant à une campagne de sensibilisation auprès de la population locale.

«Mais ce sont des événements isolés, tient à préciser M. Gerner. Notre club organise plusieurs activités et jamais nous n'avons eu de problèmes avec des automobilistes. La majorité est tout à fait courtoise.»

Ce qu'il faut savoir

- Comment s'y rendre : tout simple, il s'agit de prendre l'autoroute 15 en direction sud, qui devient la 87 aux États-Unis. Comptez 100 km pour rejoindre Plattsburgh et 180 km pour se rendre à Lake Placid (par la 9N).

- Le parcours : la région comprise entre Port Henry au sud, Plattsburgh au nord, Lake Placid à l'ouest et le lac Champlain à l'est contient des dizaines de belles routes.

- Difficulté : intermédiaire. À l'est de Lake Placid, il y a des côtes, mais rien qui soit trop long ou pentu.

- En groupe : l'agence Sur la route va organiser une sortie de deux jours dans la région à l'automne, avec hôtel, transport des bagages et guides à votre disposition (surlaroute.ca).

 

Photo: Gabriel Béland, La Presse

Dans le parc des Adirondacks, rien n'est tout à fait plat.