L'atmosphère de la station balnéaire de Coney Island est menacée par un projet de rénovation vécu comme une catastrophe pour les habitants de ce quartier new-yorkais à la fois sordide et suranné.

Située à l'extrémité sud du quartier de Brooklyn, Coney Island s'est fait connaître au début du XXe siècle pour sa plage et son parc d'attractions insolites, attirant des badauds venus frissonner devant la femme poisson ou la vache à deux têtes.

En déclin depuis une cinquantaine d'années, les lieux dégagent désormais une atmosphère sordide. L'odeur des hot-dogs se mêle aux relents d'urine et d'ordures, les terrains vagues côtoient des petits commerces, comme un fameux restaurant réputé pour accueillir chaque année une compétition mondiale d'ingestion de hot-dogs, une spécialité qui aurait vu le jour à Coney Island.

Pour remédier à ce délabrement, le conseil municipal a voté mercredi un plan de réhabilitation, notamment du front de mer.

Une fois le plan voté, le maire de New York, Michael Bloomberg, a promis que «Coney Island retrouvera sa gloire passée, aura un brillant avenir en tant que destination touristique tout au long de l'année et sera plus agréable à vivre pour ses résidents».

Mais quand la municipalité parle de «revitaliser» le quartier, les habitants, artistes et forains notamment, l'entendent d'une autre oreille.

«Ils vont détruire la magie des lieux», s'alarme Stephen Baker, un moustachu qui revendique un record du monde pour avoir enfoncé des clous dans son nez avec un marteau. «C'est un projet fait uniquement pour les riches».

Si tout le monde, lui compris, s'accorde à penser que les lieux ont besoin d'un sérieux rafraîchissement, les autochtones craignent de voir leur quartier transformé en machine à sous sans âme.

Le projet immobilier promet de recréer «un lieu de divertissement», grâce à une restructuration totale du quartier: création de parcs de loisirs, de grands hôtels et d'habitations, mais dans le respect «du charme unique de Coney Island».

Les habitants craignent pourtant que le projet ne tombe entre les mains d'un puissant promoteur immobilier, Thor Equities, déjà propriétaire du centre du quartier, et redoutent la construction de grands immeubles et de gigantesques centres commerciaux.

«Des aides financières sont offertes à ceux qui veulent détruire les rares bâtiments historiques de Coney Island», fulmine Dick Zigun, maire autoproclamé de l'île.

La ville assure pourtant vouloir racheter les terrains de Thor Equities et entamer des discussions pour décider comment reconstruire, avec éventuellement une plus large place accordée aux traditionnels divertissements en plein air.

Mais l'esprit de Coney Island n'est déjà plus le même. Pour les avaleurs de sabres et les «femmes éléphants», le rideau menace bientôt de tomber.