Le Canada est né le 3 juillet 1608 à Québec. On a bien fêté ça l'an dernier. Un an plus tôt, le 26 avril 1607, trois navires anglais atteignaient les rives d'une terre américaine pour y fonder la première colonie britannique du Nouveau Monde. Ce groupe de 105 entrepreneurs de la Virginia Company of London et de 39 membres d'équipage allait commencer la construction, ce jour-là, d'un fort qui allait prendre le nom de Jamestown, en l'honneur du roi d'Angleterre. La petite rivière qui passait tout près allait aussi être baptisée James River. Et toute la région serait baptisée Virginia... du nom de la compagnie londonienne qui finançait le voyage.

Quatre siècles plus tard, des dizaines des milliers d'Américains visitent le site historique de Jamestown. La reine Élisabeth elle-même s'y est rendue, en 2007, pour célébrer le 400e anniversaire de l'érection de cette première colonie britannique en Amérique.

Jamestown fait partie du «Historic Triangle» américain. Les deux autres pointes de ce triangle sont Williamsburg, qui devait succéder à Jamestown comme capitale de la Virginie, et Yorktown où, en octobre 1781, le marquis de La Fayette et ses 1200 combattants remportèrent une victoire historique sur les troupes britanniques, victoire qui devait consacrer l'indépendance des États-Unis quelques mois plus tard. Cette journée devait devenir, pour les poètes américains, celle où le monde se retrouva sens dessus dessous (when the world turned upside down).

C'est dans ce triangle historique qu'au début du mois d'avril, Le Soleil a été invité à accompagner un groupe de femmes diplômées des universités de la région de Québec. «C'est un voyage culturel. On ne va pas là pour magasiner», avait déclaré la responsable du voyage, la Dre Suzanne Lemire. Et personne n'a eu le temps de magasiner entre le 2 et le 7 avril. L'agenda était très chargé. Lever à 7 h et coucher vers 22 h.

On a visité le beau petit village d'Intercourse, où vivent les amishs, en passant par la Pennsylvanie; le superbe jardin botanique de Norfolk et la base navale du même nom, la plus grande du monde, en Virginie. Puis, au retour, la magnifique résidence de Monticello, le domaine que Thomas Jefferson s'est fait construire près de Charlotteville, en Virginie. Un autre arrêt était prévu au fabuleux musée de Sterling et Francine Clark, les héritiers de la famille Singer.

Il est regrettable que le triangle historique de la Virginie soit complètement ignoré des snowbirds qui vont et reviennent de Floride. Il ne suffirait d'un tout petit détour de quelques kilomètres pour découvrir des trésors.

Jamestown

Jamestown, la ville, n'existe plus, mais vous y trouverez, en lieu et place, un superbe musée qui raconte l'histoire de la découverte de l'Amérique. Une triple histoire tissée serrée avec les Blancs d'une part, les Peaux Rouges d'autre part et les Noirs qui allaient développer la Virginie et le sud des États-Unis comme esclaves. Ce long musée est jouxté à trois autres attractions intéressantes : un village indien parfaitement réaménagé, un fort construit de la même manière que ceux qu'on faisait à l'époque, c'est-à-dire avec une grande muraille de pieux entourant quelques bâtiments, et un port dans lequel les répliques des trois navires ayant servi au transport des marchands britanniques, le Susan Constant, le Godspeed et le Discovery, peuvent être visités. En fait, les voiliers sont accostés à peu près au même endroit où ils ont jeté l'ancre il y a 402 ans.

Williamsburg

Si Jamestown est la ville de James, Williamsburg est le bourg de William. Williamsburg est née quelques années après Jamestown, soit vers 1674. Son église de briques a été construite en 1683. Dix ans plus tard, le collège William and Mary obtenait sa charte royale du roi William et de la reine Mary, ce qui en fait la deuxième plus ancienne université américaine après Harvard. Le collège existe encore, en plein milieu de Williamsburg.

Williamsburg a vécu et survécu grâce aux trois C : Church, College et Capitol. On vient de mentionner les deux premiers. Le troisième C est celui du Capitol. Lorsque le statehouse ou la maison de l'État qui avait été construite à Jamestown a brûlé, en 1698, c'est à Williamsburg que l'on construisit un nouveau Capitol. Ainsi devait débuter la déchéance de Jamestown et l'éclosion de Williamsburg. C'est à Williamsburg que les Américains proclamèrent la première déclaration des droits de l'homme (12 juin 1776).

Williamsburg se présente un peu comme une ville reconstruite autour de l'église, du collège et du Capitol. Le collège - l'université, en fait - est toujours fréquenté. Quelques dizaines de maisons ont été déménagées dans les rues principales; d'autres ont été restaurées. L'ensemble, qui a à peu près les dimensions de la cité universitaire de Québec, présente une perspective historique incontestable. Les habitants (sauf les étudiants) sont costumés comme à l'époque et seule la circulation hippomobile est permise dans les rues principales. Il faut compter au moins deux jours pour visiter Williamsburg et une journée pour Jamestown. Il y a des hôtels partout. On s'y loge à peu de frais.

Yorktown

Nous ne sommes pas allés à Yorktown, la troisième pointe de ce triangle historique. L'organisatrice a préféré une visite de la plus grande base navale du monde, celle de Norfolk, et surtout celle de son immense et extraordinaire jardin botanique.

Mais que s'est-il passé à Yorktown en octobre 1781? Pendant que le général britannique Charles Cornwallis combattait les forces continentales en Caroline, le général Georges Washington était à New York et au New Jersey pour combattre d'autres Britanniques secondés par des forces auxiliaires germaniques. Britanniques et indépendantistes américains se retrouvèrent finalement à mi-chemin, à Yorktown, et Washington gagna la bataille. Mais heureusement que l'armée française, sous le commandement du marquis de La Fayette, était déjà sur place pour lui donner la victoire. La victoire de Yorktown fut décisive mais pas finale. La guerre ne devait s'arrêter qu'à la signature du traité de Paris en 1783.

Ce traité mit fin à la guerre d'indépendance américaine. Par ce traité, la Grande-Bretagne reconnaît l'indépendance de ses 13 colonies et leur accorde le territoire jusqu'au Mississippi. Cela nous regarde puisque la province de Québec a ainsi perdu la partie sud des Grands Lacs qu'elle avait obtenue par l'Acte de Québec de 1774. Les marchands de Montréal, qui avaient des comptoirs de traite dans cette région, ont dû les évacuer dans les deux ans suivant le traité. La question des frontières n'était pas complètement réglée. On s'était entendu pour faire passer la frontière comme on peut la voir aujourd'hui, soit au milieu des Grands Lacs, le lac Michigan étant entièrement en territoire américain. Cependant, à l'ouest du lac Supérieur et entre le Québec, le Nouveau-Brunswick et le Maine, la question sera réglée plus tard.

Yorktown mérite elle aussi une visite d'une journée. Le magnifique monument de la Victoire vaut à lui seul trois belles étoiles. Certaines résidences de la ville de Yorktown vous feront écarquiller les yeux. La Maison Nelson est sans doute la plus impressionnante.

Bref, la prochaine fois que vous passerez par là pour aller à Miami ou à Fort Lauderdale, prenez donc le temps de vous y arrêter un jour ou deux. Vous ne le regretterez pas. N'y allez pas l'été. Il fait trop chaud et il y a trop de visiteurs. Allez-y à l'automne ou au printemps. Hors saison, le prix des chambres est plus abordable dans les hôtels, les motels, les auberges et les gîtes touristiques.

Il arrive même qu'à l'occasion, on accepte l'argent canadien au pair. Informez-vous bien!