Sublime melting-pot de culture américaine, française, créole et espagnole, La Nouvelle-Orléans est une ville mythique dont l'histoire, même récente, a toujours été marquée par de grands bouleversements. Mais il semble bien que rien n'empêchera jamais qu'on y «laisse les bons temps rouler», comme disent les Cajuns. Et même l'ouragan Katrina, qui a fait plus de 1200 morts (croyez-le ou non, le bilan n'est à ce jour toujours pas définitif...) et qui a inondé plus de 80 % de la ville en 2005, n'est pas venu à bout de l'éternel optimisme des habitants de la plus grande ville de la Louisiane.

La Nouvelle-Orléans ne fait définitivement pas partie de ces villes qu'on peut décrire en quelques clichés. En parcourant ses quartiers, on découvre rapidement qu'il y a là plusieurs villes en une, comme autant de facettes d'une réalité diverse et étonnante : celle du Quartier français, animée, festive et chargée d'histoire; celle du Garden District, à l'architecture somptueuse, bourgeoise et évoquant le vieux Sud; celle du faubourg Marigny, jeune, hip et cosmopolite; celle du Lower 9th Ward, qui a encore des airs d'apocalypse trois ans après le passage de Katrina. Et il y a plus encore au détour de Tremé, de Fontainebleau ou de Gentilly, là où vit le citoyen ordinaire.

 

Une histoire complexe

Pour comprendre La Nouvelle-Orléans, il faut se plonger un tout petit peu dans son histoire, une affaire très complexe. Les grandes lignes? La ville a été fondée en 1718 et elle fut d'abord une colonie française très olé olé, où il y avait peu de structures sociales, religieuses et politiques, d'où son image sulfureuse qu'elle a su bien entretenir au fil des siècles. Son accès au golfe du Mexique en a vite fait un port important et l'un des principaux points d'entrée des Créoles en Amérique. En 1762, la France cède le territoire à l'Espagne. Les colons français et les Créoles n'apprécient pas ces nouvelles manières et se révoltent. La France reprend donc La Nouvelle-Orléans en 1800. Puis - coup de théâtre - , trois ans plus tard, Napoléon décide de vendre la colonie aux Américains. S'ensuit une arrivée en masse d'immigrants créoles affranchis et d'esclaves qui fuient la révolution d'Haïti. Puis il y a la guerre de 1812, puis la guerre de Sécession...

Il faudrait aussi aborder l'arrivée des Cajuns, l'esclavagisme, les nombreuses épidémies et les ouragans qui ont façonné la ville. Devant tant de bouleversements, ses habitants ont décidé qu'il ne restait plus qu'à faire la fête, quitte à remplacer au passage le chapelet par un collier de Mardi gras...

«Laissez les bons temps rouler»

Même si on se dit a priori que ce doit être forcément un piège à touristes, il est difficile de ne pas tomber sous le charme du Quartier français. C'est dans ce tout petit quadrilatère de 7 rues sur 14, délimité par le Mississippi au sud, les rues Rampart au nord, Canal à l'est et Esplanade à l'ouest, que les Français se sont d'abord établis. Bien que le caractère français, présent dans l'architecture et dans la toponymie, y soit indéniable, ne vous faites pas d'illusions. Les chances qu'on vous y aborde dans la langue de Molière sont infinitésimales. Tout au mieux, vous donnera-t-on du «Eh! chère» de temps en temps.

On trouve dans le Quartier français des dizaines de restaurants (dont certaines des meilleures tables de tous les États-Unis), un nombre incalculable de bars, plusieurs musées, des boutiques d'antiquaires et des galeries d'art exceptionnelles.

À La Nouvelle-Orléans, aucune loi ne détermine l'heure de fermeture des bars, et il est permis de consommer de l'alcool dans la rue, pourvu qu'il soit servi dans un verre en plastique. Conséquemment, de nombreux touristes y viennent particulièrement pour faire la fête. La plupart d'entre eux s'agglutinent dans la légendaire rue Bourbon, qui, avec son enfilade de bars et de cabarets, est le chef-lieu de tous les débordements, au propre comme au figuré. Ceci étant, même à l'extérieur de la rue Bourbon, il règne dans le Quartier français une atmosphère de désinvolture et de fête perpétuelle à laquelle il est bien difficile de résister.

Avant de commencer une tournée des grands ducs, il n'est pas inintéressant d'effectuer le Cocktail Tour de Joe Gendusa (sur réservation au 504 569-1401), un historien bourru mais passionnant, qui vous fera découvrir des endroits inouïs où vous pourrez vous adonner aux plaisirs de la dive bouteille.

 

Photo: Marie-Andrée Lemay

Un tramway nommé désir? Non, mais presque. Celui-ci parcourt l'avenue St. Charles du Quartier français au Garden District. Celui de la rue Desiree, qui a inspiré Tennessee Williams, a cessé ses activités depuis des lustres.



Musique et gastronomieL'aéroport de La Nouvelle- Orléans s'appelle le Louis Arm- strong International Airport. Voilà qui permet à la ville de célébrer son fils prodige tout en donnant le ton. La Nouvelle- Orléans est un véritable paradis pour les amateurs de musique. On y trouve un peu de tout, mais surtout du blues, de la musique cajun, du zydeco, un peu de rock et, bien sûr, du jazz, un style qui, à l'instar des Sydney Bechet, des frères Marsalis et autres Fats Domino et Harry Connick de ce monde, est justement né à La Nouvelle-Orléans.

Le vrai fan de jazz atteint vite un état d'extase proche de la confusion en se rendant dans la Big Easy. Chaque soir, il est contraint de choisir entre plusieurs bons spectacles présentés dans des salles-cultes. Opter pour le légendaire Preservation Hall du Quartier français, le branché Snug Harbour sur Frenchmen Street au coeur du Faubourg Marigny ou encore le très typique Sweet Lorraine's sur St. Claude? Dilemme gordien.

Le gourmet fera face au même problème. Les très bonnes tables sont trop nombreuses pour pouvoir espérer les essayer toutes en un court séjour d'une semaine. Toutefois, pour bien manger, il faut y mettre le prix. Malheureusement, les bons petits restos pas chers ne courent pas les rues à La Nouvelle-Orléans.

Quelques adresses méritent qu'on délie les cordons de sa bourse (et prenez de l'avance, déliez la ceinture aussi) : Besh Steak au Casino Harrah's, où on sert bien sûr des steaks, dont l'énorme Cowboy de 38 onces (!), mais aussi une cuisine cajun fusion réinterprétée avec brio; Mr. B's Bistro sur Royal Street, où les crevettes barbecue sont un incontournable. Elles sont présentées entières, tête incluse, dans une sauce au beurre très épicée (papilles sensibles s'abstenir) et tout simplement accompagnées de pain baguette pour tremper; il y a aussi Galatoire's sur Bourbon Street, qui, depuis 1905, ravit la bourgeoisie néo-orléanaise avec sa cuisine créole classique.

Quand viendra l'heure du dessert, il sera difficile de résister à la tentation d'une part de pouding au pain ou d'un Banana Foster (des bananes cuites dans une sauce au beurre et au rhum), deux desserts typiquement louisianais. Si possible résistez et rendez-vous plutôt au Café du Monde à côté du French Market. Vous ne vous y prendrez pas la tête, il n'y a guère qu'un choix au menu de cette institution du Quartier français établie en 1862 : des beignets chauds et du café au lait. Vous en rêverez la nuit, c'est promis.

En outre, vous risquez peut-être d'y croiser Brad Pitt, Angelina Jolie et leur tribu, qui habitent dans une charmante petite maison située tout près, sur Governor Nicholls Street.

Repères

La Nouvelle-Orléans est la plus grande ville de la Louisiane. Son climat subtropical humide est caractérisé par des hivers courts et doux et des étés torrides. Elle est encadrée par le lac Ponchartrain au nord et par la rivière Mississippi au sud qui mène au golfe du Mexique.

° La ville est protégée par des digues, puisqu'environ la moitié de sa superficie est située sous le niveau de la mer.

° La Nouvelle-Orléans comptait 239 124 habitants lors du recensement de 2007 (484 674 en 2000).

° Plus de 35 000 immeubles de la ville figurent au registre national des lieux historiques. C'est 15 000 de plus que Washington...

° L'industrie du tourisme emploie plus de 67 500 personnes (85 000 avant Katrina) et génère des revenus annuels moyens de 5 milliards $, soit plus que n'importe quel autre secteur économique.