Oubliez les bikinis, les parasols et les serviettes cordées les unes à côté des autres. C'est plutôt une vision de fin du monde qui attend le visiteur qui débarque sur la plage de Lincoln City, en Oregon, par un matin de juillet. La bonne nouvelle: la fin du monde est de toute beauté.

À travers la brume du matin, les immenses troncs délavés par la mer qui s'empilent au fond de la plage semblent avoir été jetés là par des forces surnaturelles. Le sable, strié de grains noirs, trahit le passé volcanique de l'endroit.L'Oregon? Si on vous demandait d'énumérer les 50 États américains, les chances sont bonnes que celui-là figure sur la liste de ceux qui vous échappent.

À corriger.

Entre la Californie au sud et l'État de Washington au nord, l'Oregon présente 585 kilomètres de littoral le long de l'océan Pacifique.

La mer, ici, est trop froide pour la baignade. Un inconvénient... qui peut aussi être vu comme un avantage. Parce qu'en Oregon, il y a toujours moyen de se dégoter un bout de plage, une falaise ou une dune déserte d'où contempler et écouter l'océan.

Parce qu'on vient ici pour ça : se remplir les yeux de paysages grandioses. Des jumelles, une pile de bons romans, un iPod bien rempli et des souliers de jogging pour fouler le sable et vous voilà équipés pour un décrochage de premier ordre qui laissera la frénésie du quotidien très loin derrière.

Le pèlerinage se fait toujours le long du même chemin: la route 101, qui traverse l'État du nord au sud en longeant la mer.

Un coup d'oeil sur une carte routière suffit pour comprendre tout le potentiel de l'endroit. Non, personne ne s'est amusé à barbouiller des sapins sur la carte.

Ce sont les symboles indiquant les State Parks les parcs d'État.

On en dénombre plus de 70 des deux côtés de la route 101, dont 26 entre les 125 kilomètres qui séparent Lincoln City de Florence.

Quelques kilomètres de conduite et on arrête la voiture pour découvrir un nouveau point de vue sur la mer ou un phare à grimper.

À Yaquina Head, l'odeur vous prend au nez en débarquant de l'auto. Puis, ce sont les cris aigus qui emplissent les oreilles. On finit par découvrir un rocher où

des colonies d'oiseaux marins ont élu domicile. Cormorans, goélands, macareux: sept espèces différentes se disputent le moindre espace de roc.

Avec tant de beauté à proximité, la route est relativement fréquentée. Mais il y a toujours moyen de semer les touristes en garant la voiture pour arpenter le bord de l'eau ou se taper une petite marche dans les magnifiques forêts qui s'étendent de l'autre côté.

À travers ça, un chapelet de petits villages au charme touristico-kitsch où chaque resto sert la meilleure clam-chowder au monde (c'est écrit en grosses

lettres sur la devanture) ou des fish&chips bien huileux.

Ne soyez pas trop raisonnable

Il vous est sûrement déjà arrivé de faire un voyage et de vous dire que vous auriez dû le faire autrement. Ce sentiment nous a frappés par une radieuse journée de juillet dans une petite ville du nom de Florence, en Oregon.

Nous avions planifié notre voyage en étouffant nos idées de grandeur. Mieux vaut explorer une partie de la côte comme il faut plutôt que d'essayer de l'embrasser au complet en la survolant, avions-nous pensé. Et de toute façon, ça doit se ressembler partout.

Résultat: un itinéraire paresseux de 125 kilomètres qui nous laisserait tout le loisir d'apprécier le magnifique coin de pays entre Lincoln City et Florence.

Mais sur place, nos certitudes ont été ébranlées par les locaux. «Les paysages les plus dramatiques sont au sud, juste avant la Californie», nous a dit l'un d'eux. «La côte évolue, nous a dit un autre. Elle change de mille en mille.»

Ça nous trottait dans la tête. Et rendus à Florence, au milieu de l'après-midi de notre dernière journée, nous avons cédé. Déviant de notre plan, nous avons poussé la bagnole le plus au sud possible, brûlant les milles de bitume de la US 101 jusqu'à Gold Beach avant de refaire tout le chemin inverse et revenir à la noirceur à Florence... là où notre hôtel était réservé.

Le résultat? Entre Winchester Bay et Sixes, un grand bout d'un ennui mortel alors que la route quitte la côte pour plonger dans les terres et relier quelques bleds sans intérêt. À vous donner le goût de chanter du Michel Rivard («Je voudrais voir la meeeer...»).

Mais avec ça, le plaisir de rouler et de voir autre chose. Et la satisfaction, à Port Orford, de retrouver l'océan au large d'une côte toujours grandiose, mais plus ouverte, moins tortueuse - et moins touristique - qu'au nord.

Si c'était à refaire? Nous partirions d'Astoria, à l'extrême nord de l'État. Et nous conduirions jusqu'à voir la pancarte qui dit: Welcome to California.

Avaler du sable en se dilatant la rate

Pêche en haute mer, randonnées dans les montagnes, croisières sur l'océan: quand les plaisirs de la contemplation s'essoufflent, il y a plusieurs moyens de se changer les idées sur la côte de l'Oregon.

Pour notre part, nous avons choisi de faire grimper notre taux d'adrénaline par une expérience complètement délirante: une balade sur les dunes en dune buggy, des véhicules spécialement conçus pour sillonner le sable à toute vitesse.

Le terrain de jeu, d'abord, est tout simplement hallucinant. L'Oregon Dune National Recreation Area est le plus vaste système de dunes côtières de l'Amérique du Nord. Une bande de sable de 60 kilomètres remplie de dunes sculptées par le vent, dont certaines s'élèvent à 150 mètres au-dessus de la mer.

Le sable a recouvert une ancienne forêt de conifères géants; il n'en subsiste aujourd'hui que quelques «îles», de petits massifs de forêt qui émergent au milieu du sable. De toute beauté.

Si l'accès à certaines zones est restreint pour protéger la faune, on a choisi d'en réserver d'autres au plaisir. On y dévale les dunes en surf des sables, en véhicule tout-terrain ou en buggy avec l'une des deux entreprises qui offrent des randonnées.

Le programme est simple: un bolide qui atteint des pointes de 120 km/h, un chauffeur complètement taré et six passagers hilares qui avalent du sable.

De notre côté, c'est aux soins de Crazy Dave qu'on nous a confiés. On ne sait pas ce que le gars mange le matin, mais son spectacle est réglé au quart de tour. Un signe de croix et le voilà qui lance son véhicule à l'assaut d'une dune à pleine vitesse, avant de retomber de l'autre côté dans un dérapage qui, on l'espère, est contrôlé.

Après quelques minutes, le journaliste avait du sable plein la bouche et notre photographe riait comme un gamin. Avec 35 d'expérience à La Presse derrière la cravate, Robert Mailloux déclarera par la suite qu'il s'agissait de sa deuxième poussée d'adrénaline en carrièreaprès une balade en avion à réaction pour un vol acrobatique.

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Les frais de ce voyage ont été payés par Travel Oregon