Qu'est-ce qu'on mange dans le meilleur nouveau restaurant au pays? Nous sommes allés jusqu'à Terre-Neuve pour le découvrir. Et nous n'avons pas été déçus.

De beaux produits? Une exécution impeccable? C'est toujours apprécié, mais ça ne suffit plus à se distinguer. Aujourd'hui, le resto qui veut s'élever au-dessus de la mêlée doit offrir davantage. Quand vous parcourez 2500 km pour aller manger quelque part, vous souhaitez être un peu dépaysé. Surtout à Terre-Neuve.

Adossée aux Maritimes et tournée vers le Royaume-Uni, cette île longtemps coupée du monde a inventé une culture culinaire fort différente de la nôtre. Des influences qu'on découvre avec bonheur chez Raymonds. Dans la morue fraîche, proposée à la fois en soupe et en plat principal. Dans les légumes racines, omniprésents sur le menu. Dans cette glace au scotch Laphroaig accompagnant un gâteau. Et jusque dans le classique filet mignon, qui prend une tout autre tournure avec son accompagnement de yorkshire pudding.

La morue poêlée est un voyage en soi. Fraîche, puisqu'ici, on la pêche encore pendant une bonne partie de l'année - et quand il n'y en pas, Raymonds n'en sert pas. Quand il y en a, elle est posée sur une purée de rutabaga intensément vanillée, qui s'accorde étonnamment bien avec la chair de ce poisson, et entourée d'un mélange de chou et de porc effiloché fumé maison, de carottes glacées et d'un raviolo farci de pois jaunes. Le choix d'accompagnement n'est pas fortuit. Chou, carotte, navet et pois jaunes sont les ingrédients de base du «jiggs diner», un classique des dimanches en famille. La chair de jarret de porc (pork hock), autre incontournable de la cuisine locale, remplace habilement les chorizos, prosciutto et autres charcuteries souvent servies avec la morue.

Le menu varie avec les arrivages locaux. Certains soirs, on y trouvera du lapin sauvage ou de l'orignal, ou comme lors de notre visite, de superbes pétoncles de Trinity Bay. Les produits «du continent», comme on dit ici (fromage de l'Ontario, caviar du Nouveau-Brunswick, crevettes de la Colombie-Britannique, etc.), figurent aussi au menu.

Si vous voyez le chef dans la salle, n'hésitez pas à le saluer. Formé à Montréal, à l'Institut culinaire St. Pius X (de la commission scolaire English-Montréal, dans le quartier Ahuntsic), Jeremy Charles parle un excellent français. Il a fait ses premières armes au Québec, notamment au Med et comme chef privé pour les familles Molson et Bronfman, dans un camp de pêche de la Côte-Nord. Il a ensuite travaillé à Chicago et à Los Angeles, avant de retourner sur son rocher.

C'est la deuxième fois qu'il amène un resto terre-neuvien en première position du classement des nouvelles tables canadiennes du magazine enRoute. Il l'a d'abord fait en 2007 aux fourneaux d'Atlantica, à une vingtaine de minutes de Saint John's. Puis dans son nouvel établissement, ouvert en 2010 avec son associé, le sommelier Jeremy Bonia.

Logée dans un bel édifice de 1915, la somptueuse salle à manger de Raymonds offre une vue impressionnante sur le port de Saint John's. Le genre de décor qui, en d'autres endroits, ferait craindre une soirée terriblement coincée. Rien de tel ici, heureusement, grâce au service chaleureux et détendu. Moins formel et tout aussi élégant, le bar compte quelques tables où l'on peut apprécier la même cuisine.