Il y a plusieurs moyens de visiter l'Île-du-Prince-Édouard.

En vélo, sur le sentier de la Confédération par exemple, qui traverse l'île d'un bout à l'autre sur près de 500 km d'une ancienne voie ferrée.

En visitant les plages de sable blanc ou rouge où l'on s'échoue et pour bouger le moins possible: Bassin Head à l'est, une préférée des Prince-Édouardiens; Brackley au nord, dans la quiétude d'un parc national et à 30 minutes de la capitale; et celles au sable rouge sur la côte sud, souvent négligées par les touristes au profit du celles qui bordent Cavendish, le village d'Anne... la maison aux pignons verts.

Et il y a la voiture. L'avantage d'un road trip dans la plus petite province du Canada est que tout est rapproché. D'est en ouest, le voyage est à peine plus long que la route entre Montréal et Québec. Et chaque point d'intérêt n'est séparé que par quelques kilomètres. Tellement, qu'on a parfois l'impression de remonter dans l'auto pour en redescendre aussitôt, photographier un nouveau paysage, essayer un nouveau restaurant ou relaxer sur une nouvelle plage, plus spectaculaire encore que la précédente.

Hors des sentiers battus ou plutôt, au bord des routes, les trésors de l'Île-du-Prince-Édouard semblent presque plus nombreux que ses habitants (143 800). Et parfois, il suffit d'en discuter quelques minutes accoudé à un bar, avec un voisin de table ou avec le vendeur dans un magasin pour que déboulent des avalanches de conseils. Les gens de la région sont toujours heureux de vous parler de leurs propres coups de coeur. Et leur enthousiasme est contagieux.

Clichés, souvenirs et portraits ramassés aux quatre coins de l'île, à bord d'une Chrysler blanche de location.

Photo: Hugo De Grandpré

Parc national de l'Île du Prince-Édouard - Greenwich, une vaste dune et sanctuaire d'oiseaux sur la côte nord. Des sentiers et une superbe plage de sable blanc.

Le médecin «moonshiner»

Au départ, on la manque presque, tant le paysage de l'autre côté de l'autoroute 2, à l'extrémité est de l'île, est spectaculaire. La petite maison bleue de Rollo Bay est entourée de vignes. Un signe invite à entrer: Myriad View Distillery.

Derrière la maison, dans un petit bâtiment rénové, une femme d'un certain âge est debout derrière un comptoir. Elle est entourée de bouteilles. D'une voix très rapide et avec un accent prononcé de l'Île, elle explique: «Le docteur Paul Berrow, venu d'Angleterre il y a une dizaine d'années, a ouvert ici la seule distillerie légale de "moonshine" de la province.»

«Le moonshine, c'est l'alcool artisanal fabriqué depuis longtemps par les gens de l'Île», précise-t-elle. Du temps de la tempérance, on le sortait de nuit, pour le boire sans crainte d'être pris. D'où le nom. Et la tradition.

Paul Berrow, médecin de famille dans le village voisin de Souris, est donc depuis près de cinq ans le seul «moonshiner» légal de l'IPÉ. Il ne fait pas que son Shine: les tablettes du petit magasin sont aussi couvertes de rhum, de vodka et de gin. Quant aux vignes, à l'extérieur, elles n'ont pas encore donné de grand vin, mais elles ont déjà permis de faire du brandy, l'an dernier.

Quand on repart de la distillerie, après avoir trempé les lèvres dans quelques verres d'alcool à plus de 50% - étonnamment bons - il nous prend comme une envie de danser... Mais il faudra attendre: il n'est pas encore midi.



Photo: Hugo De Grandpré

Derrière les vignes, la maison de Paul Berrow, médecin de famille de Souris, sur la côte est. La distillerie de Dr. Berrow, The Myriad View, derrière chez lui, est la seule distillerie légale de Moonshine.

Les francophones de l'Isle Saint-Jean

Dans les Maritimes, on associe le plus souvent Acadiens et francophones à la Nouvelle-Écosse ou au Nouveau-Brunswick. Mais le français est aussi présent dans l'Île-du-Prince-Édouard. Il ne faut pas oublier qu'avant de prendre le nom du père de la reine Victoria, la plus petite province canadienne a été la colonie française de l'Isle Saint-Jean.

Bien qu'ils forment moins de 10% de la population, les noms de famille Gaudreau, Arsenault ou Doiron sont encore présents ici et là dans la province. Mais c'est dans la partie ouest, qui est aussi la moins touristiquement développée, que leur présence se fait le plus sentir.

C'est aussi là, dans le village de Miscouche, près de Summerville, qu'on peut visiter le musée acadien de l'Île-du-Prince-Édouard. Celui-ci relate la déportation des Acadiens de cette partie du pays, trois ans après celle de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, et comment ceux qui y habitent aujourd'hui sont en majeure partie les descendants de ceux qui ont pu s'enfuir.

Un peu plus à l'ouest, le long de la côte sud, la région Évangéline, berceau de la culture acadienne de l'Île, s'étend sur quelques dizaines de kilomètres. À l'image de cette partie de la province, cependant, les attractions touristiques sont peu nombreuses - on est loin des go-karts et des montagnes russes de Cavendish. Entre les fermes et les bateaux de pêcheurs, on peut y visiter entre autres trois maisons de bouteilles de verre multicolores, construites par feu Adrien Arsenault derrière sa propre résidence.

Le reste du «comté de Prince» est à l'image de la région Évangéline: les paysages sont admirables, mais il faut fouiller un peu plus pour trouver les perles qui rendent un voyage mémorable: comme le Sea Weed Café, qui offre de la tarte aux algues, à l'extrémité ouest de l'île, dans le petit village de pêcheurs de Miminegash; ou le restaurant Boat Shop de Northport, où l'on peut déguster une exquise et généreuse poutine au homard à moins de 15$, en regardant les bateaux de pêche rentrer au port après une journée au large.



Photo: Hugo De Grandpré

Les maisons de verre d'Egmont.

Le Québécois de Victoria-by-the-Sea

À son arrivée au Centre de la Confédération pour les arts, vers le milieu des années 90, Eugene Sauvé a exigé que le musée devienne bilingue. Il a aussi monté une exposition formée d'artistes souverainistes québécois, faisant du sculpteur montréalais Armand Vaillancourt l'artiste en résidence. Dans la foulée du deuxième référendum, l'exposition Visions du Québec n'a pas fait l'unanimité: «Des gens écrivaient des lettres dans les journaux. Il fallait qu'on se défende», se souvient-il aujourd'hui en souriant, racontant l'histoire avec son faible accent anglais.

Eugene Sauvé est le propriétaire du Landmark Café, le populaire restaurant de Victoria-by-the-Sea, à une demi-heure de Charlottetown. Cet artiste, comédien, restaurateur, qui a grandi un peu partout au Québec, a acheté l'ancien magasin général et bureau de poste pour, à la fin des années 80, en faire en un incontournable de l'Île, tant pour ses visiteurs que ses habitants. C'est en jouant dans une pièce au théâtre de l'autre côté de la rue qu'il a décidé de s'établir ici: «Il y avait une maison à vendre à 15 000$ et ça cadrait dans mon budget», s'amuse-t-il.

Mais les années passées entre l'Île et le reste du monde ne lui ont pas fait perdre son goût pour la langue et la culture de Raôul Duguay. Dans la salle de bains, une affiche intitulée «Les deux solitudes» montre une photo de Lucien Bouchard et de Jean Chrétien côte à côte, s'ignorant souverainement. Un petit drapeau du Québec trône au sommet d'une étagère, au milieu des bibelots rapportés d'Asie et d'ailleurs. Et dans la vitrine, dehors, Eugene montre fièrement un écriteau qui annonce, en grosses lettres vertes: «Service en français.» En plus petites lettres, en dessous, on peut lire: «Service en anglais aussi.»



Photo: Hugo De Grandpré

Vue sur la côte nord, près de French River et non loin de Cavendish.

Des plages, des parcs et des homards

La côte nord est la région la plus populaire de l'Île-du-Prince-Édouard. Malgré tout, elle conserve des destinations agréables, que les Prince-Édouardiens eux-mêmes continuent de recommander chaudement.

C'est le cas du parc national de l'Île-du-Prince-Édouard à Greenwich. La pointe qui sépare la baie St. Peter's et le golfe du Saint-Laurent renferme une biodiversité précieuse, comme le grand pic, ce pic-bois que l'on croyait disparu sur l'île jusqu'à tout récemment. Et sa longue plage de sable blanc est l'une des plus belles de la province.

Le parc national de l'Île à Dalvay-Brackley est plus central et offre encore plus de possibilités. Des plages superbes, évidemment. Mais aussi de la pêche ou de la dégustation de fruits de mer à partir du port de Covehead; de la location de vélos; et même un ciné-parc avec mini-golf adjacent... Dans les environs, l'endroit le plus surprenant demeure le Dunes Café, qui renferme une galerie d'art, un jardin étonnant, un magasin de bijoux, de meubles et de vêtements et, apparemment, l'un des meilleurs restaurants de l'Île-du-Prince-Édouard.

Vers l'ouest, en se rapprochant de Cavendish et des hauts lieux d'Anne... la maison aux pignons verts, on croise North Rustico, un petit village de pêcheurs où l'on peut louer des kayaks de mer, manger dans un autre restaurant primé de l'Île, le Pearl Café et, selon une Charletonnienne rencontrée dans la capitale, «cueillir des homards de ses mains au bas d'une falaise». Mais pour ça, il faudrait s'informer... C'est peut-être une légende urbaine.



Photo: Hugo De Grandpré

Les Acadiens sont aussi présents à l'Île-du-Prince-Édouard. Plusieurs se sont établis dans la région Évangéline, dans le sud-ouest de la province.

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LECTURES UTILES

Prince Edward Island Book of Musts-The 101 Places Every Islander Must See-Ce petit livre d'une centaine de pages écrit par des gens de l'Île pour des gens de l'Île répertorie une centaine de coups de coeur, souvent hors des sentiers battus. Intéressant aussi pour les visiteurs, il est plus difficile à trouver que les guides ordinaires; mais on l'aperçoit ici et là, à côté de la caisse enregistreuse d'un magasin ou d'un restaurant.

Guide des visiteurs de l'Île-du-Prince-Édouard-C'est le guide officiel de la province. Il est gratuit et on peut le commander par la poste, le télécharger sur l'internet ou le trouver dans tous les bureaux de tourisme de l'Île. Présenté sous forme de catalogue, c'est une mine d'informations à jour.

Prince Edward Island, de la collection Color Guides-Un autre guide écrit par des gens de la place, mais celui-ci, légèrement différent du précédent. Plus dense, il offre des textes suivis d'une demi-douzaine de pages chacun, avec photos en couleur. Il demeure pratique pour offrir un point de vue local sur vos plans de voyage et donner quelques idées.

The Buzz-L'équivalent des hebdomadaires Voir, Mirror ou Hour, mais en mensuel. Liste les spectacles, les concerts, les expositions et tout le reste. Aussi accessible à l'adresse: www.thebuzzon.com.

Photo: Hugo De Grandpré

Phare de Souris. C'est là que le dernier gardien de phare de l'île a habité.