L'audacieux bâtiment du Centre national de musique, recouvert de 220 000 tuiles aux reflets cuivrés, saute aux yeux dans l'East Side Village, un quartier en pleine reconstruction du centre-ville de Calgary. De part en part - et même au-dessus - de l'ancien hôtel King Eddy, haut lieu local du blues à une certaine époque, le complexe bâti pour la jolie somme de 191 millions de dollars s'adresse pourtant d'abord à vos oreilles, car il se consacre à «toute l'histoire de la musique au Canada».

Celle de Joni Mitchell et de k.d. lang, bien sûr, de Leonard Cohen, de Céline Dion et de Bryan Adams, d'Arcade Fire aussi, mais encore celle de Gilles Vigneault, de Félix Leclerc ou de Ginette Reno... ce qui pourrait étonner un visiteur venu du Québec.

Mais voilà, l'homme derrière ce musée bilingue et franchement captivant est justement venu du Québec. Natif de la région de Montréal, Andrew Mosker a mené à bout de bras ce projet depuis ses balbutiements en 2007. «Il n'y avait pas de lieu pour raconter l'histoire de la musique de notre pays.» Depuis l'an dernier, donc, ce lieu existe enfin. Et il mérite un détour si vous êtes de passage en Alberta.

La collection d'instruments du Centre national de musique, appelé aussi Studio Bell, compte quelque 2000 pièces qui couvrent environ 450 ans d'histoire musicale. Voilà une excellente base muséale. Or, «il n'y a rien de plus triste que des instruments muets, qui amassent la poussière derrière des parois de verre», raconte Andrew Mosker.

Le musée s'est donc donné pour mission de garder au moins 20 % de ses instruments en état de marche, parfois au prix d'efforts obstinés. Et d'encourager les visiteurs à faire de la musique. 

Ici dans une grande salle remplie de pianos, par exemple, là en maniant une guitare et des instruments de percussion. Ou encore dans de mini-studios où ils peuvent entonner quelques-uns des grands succès des chanteurs d'ici, en anglais ou en français.

Souvenirs musicaux

Musique, bien sûr, rime avec émotions. De salle en salle, toutes rebaptisées «scènes», le musée invite donc aussi les visiteurs à revivre et à faire partager leurs souvenirs liés à la musique. Les verres fumés de Corey Hart (Sunglasses at Night, ça vous rappelle quelque chose?), l'harmonica d'Alanis Morissette ou le piano sur lequel Elton John a composé Tiny Dancer en feront sans doute fredonner plus d'un. Le musée explore aussi le pouvoir rassembleur de la musique, en évoquant notamment son rôle dans l'éveil nationaliste québécois des années 60.

Une autre salle est entièrement consacrée à l'un des instruments les plus étonnants de la collection du musée: un orgue de cinéma Kimball. Improbable succession de tuyaux et de percussions, l'instrument datant de 1927 a été conçu pour accompagner en musique et en effets sonores les films muets. Condamné par l'arrivée du son au cinéma, l'instrument a repris vie au musée. Un employé du musée en joue même au moins une fois par semaine devant public.

Photo Yannick Fleury, La Presse

La collection d'instruments du Centre national de musique compte quelque 2000 pièces qui couvrent environ 450 ans d'histoire musicale. Le musée s'est donné pour mission de garder au moins 20 % de ses instruments en état de marche.

Le centre de 160 000 pi2 compte aussi une superbe salle de spectacle de 300 places. Et des installations pour la restauration d'instruments, notamment de claviers électroacoustiques, souvent des pièces uniques et parfois d'une effarante complexité. Des baies vitrées donnant sur l'un de ces espaces permettent d'ailleurs de prendre la mesure de la tâche...

Trésors cachés

Enfin, dans une aile pour l'instant fermée au public, le bâtiment accueille aussi des artistes en résidence (Safia Nolin devrait passer par là au cours des prochains mois) qui peuvent profiter de studios à la fine pointe de la technologie. 

Cette aile, appelée Bloc ouest, abrite aussi l'un des plus grands trésors du musée, le studio mobile que les Rolling Stones ont fait construire sur mesure dans un camion à partir de 1968. Le musée l'a déniché dans un entrepôt aux États-Unis et l'a ramené à Calgary. Une belle prise quand on pense à tous les albums qui ont été enregistrés sur la console du camion, parmi lesquels Sticky Fingers et Exile on Main St. des Rolling Stones, mais aussi Burn de Deep Purple, Houses of the Holy de Led Zeppelin, Live! de Bob Marley and the Wailers ou Moonflower de Santana. Le studio a été complètement retapé et est redevenu tout à fait fonctionnel.

Le Centre national de musique espère lancer cet automne des visites guidées dans cette partie du musée. Une raison de plus d'y aller.

Photo Yannick Fleury, La Presse

Le Studio Bell qui héberge le Centre national de musique (CNM), situé dans le quartier East Village à Calgary.