Pour aller de Vancouver à Halifax, il faut franchir près de 4500 km. Par la voie des airs, par la route... ou en train. Notre journaliste a choisi de traverser le Canada en voie ferrée, ajoutant même un trajet dans le nord de la Colombie-Britannique et de l'Alberta, à l'image des pionniers de ce vaste pays... et à la rencontre de ceux qui le découvrent avec émotion encore aujourd'hui.

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Troisième d'une série de trois voyages en train à travers le Canada:

Le Skeena

> Départ: gare de Prince Rupert, 8h

> Arrivée: gare de Jasper, le lendemain, à 18h30

> Durée: près de 20 heures

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Le train de seulement quatre wagons n'est même pas à moitié plein. Dommage. C'est à n'y rien comprendre tellement le panorama est unique sur les rails. Probablement l'un des plus beaux au pays.

Les passagers sont montés à Prince Rupert aux aurores, sur les berges de ce qu'on nomme par ici l'«Alaska Marine Highway». Tout juste à côté de la gare, des voyageurs sont partis pour une croisière vers les îles de la Reine-Charlotte. Prince Rupert marque la fin du chemin de fer, en plus d'être la porte d'entrée touristique de la côte du Pacifique.

Un vieux couple du Texas a fait le trajet en voiture à partir de Seattle pour monter dans le train qui va les conduire à Jasper en deux jours. Ce soir, il y aura halte pour la nuit à Prince George. D'ici là, on croisera une trentaine de hameaux, où l'on ne compte parfois qu'une quarantaine de résidants. On voit des bateaux de pêche ancrés au port du village Port Edward. Plus loin, il y a la rivière Skeena. En tsimshian, le nom signifie «eau des nuages». Et pour cause, des chutes à couper le souffle jalonnent la voie ferrée. Il y a encore de la neige au sommet des montagnes.

Notre train s'arrête à Terrace, une municipalité de 11 320 résidants, à la croisée d'un noeud ferroviaire. Deux jeunes hommes montent pour aller travailler à Prince George. Le train redémarre. On traverse quatre tunnels le long d'un canyon. Puis, de jeunes amoureux descendent à Doreen pour un voyage de pêche. Une série de pics que l'on nomme les Seven Sisters attend les voyageurs à la sortie d'un tunnel d'une longueur de 200 mètres. Il y a un silence contemplatif à bord du train numéro six.

Moins populaire

C'est l'heure du repas. Le personnel, d'une gentillesse exceptionnelle, sert des sandwichs aux passagers de première classe. Avec tristesse, un habitué du trajet explique que Via Rail ne fait plus ses frais avec ce trajet. Autrefois, il y avait à bord une salle à manger, la possibilité de réserver une couchette. «Via Rail devrait faire la promotion de la région», suggère-t-il.

Début de l'après-midi. Le train est en avance. On croise la montagne de la baie Hudson et contemple un des plus beaux glaciers qu'on puisse voir. On a ensuite droit à une pause à Smithers, dont la rue principale rappelle celle de Banff ou Jasper. La gare de la municipalité date de 1918. L'endroit est prisé par les amateurs de plein air et est une plaque tournante pour les industries forestière, minière et agricole.

Le train reprend sa cadence. On traverse Rose Lake, Burns Lake, le lac Fraser et Fort Fraser, où un poste de traite de la fourrure avait été construit en 1806 par l'explorateur Simon Fraser. On longe ensuite Vanderhoof, un petit paradis considéré comme le centre géographique de la Colombie-Britannique. Au passage, un arc-en-ciel fait son apparition sur la rivière Nechako.

Arrêt pour la nuit

Il est 20h. La gare de Prince George est fermée. La rue principale est déserte, même si les voyageurs du train s'arrêtent pour la nuit.

Joyce et Ted Clarke, propriétaires de l'un des bed&breakfast du coin, trouvent déplorable le peu de services mis en place pour les voyageurs du train. «Ils ont installé des téléviseurs dans la gare il y a quelques années, mais le câble n'a jamais été branché», donne pour exemple Ted en venant m'accueillir à la gare.

Le Grateful Bed est l'un des nombreux gîtes dans le genre à Prince George. Joyce n'a pas hésité à donner en souvenir des graines de l'un des pots fleuris de son jardin. Pour terminer le séjour d'une nuit, Ted m'offre une visite guidée des environs.

Lendemain matin, 9h45

Les voyageurs montent à bord, destination Jasper. À l'heure du dîner, on doit s'arrêter une bonne demi-heure sur la voie ferrée bordée d'une montagne pour laisser passer deux trains de marchandises. Un passager en profite pour cueillir des baies sauvages. Personne ne veut y goûter. Mais les langues commencent à se délier. Le voyageur australien raconte comme il aime la couleur de la végétation du Canada, particulièrement des conifères.

Le train repart. Arrêt de quelques minutes à Penny, où vivent cinq personnes. Le train est le seul lien vers la ville. Il prend leur courrier deux fois par semaine, le lundi et le mercredi. Le train doit encore s'arrêter pour laisser passer des trains du CN d'une longueur de plusieurs kilomètres. On a pris du retard. L'heure du thé à bord du wagon panoramique fait passer le temps.

Encore quelques heures et ce sera la frontière avec l'Alberta. Nos montres vont devoir être avancées d'une heure. Le train traverse Yellowhead Pass. Le col est la partie la plus élevée du parcours en train. Les passagers ont le nez collé aux fenêtres. C'est époustouflant. On annonce bientôt l'entrée en gare du Skeena à Jasper. La rue principale est jolie avec ses boutiques et restaurants. Les passagers sortent du train un peu étourdis par le balancement, et par tous ces paysages que le coeur n'a pas fini d'encaisser.

Les prix

Les tarifs par personne pour un aller simple varient de 100$ à environs 200$ selon la classe de sièges. Il n'y a pas de couchette, mais le train est équipé de sièges spacieux et d'un wagon panoramique pour admirer le paysage. Il faut s'occuper soi-même de l'hébergement lors de l'escale d'une nuit à mi-chemin, à Prince George. Dans le train, on sert un déjeuner froid de même de des sandwichs et des boissons.

Photos.com

Prince Rupert, en Colombie-Britannique.