Pour aller de Vancouver à Halifax, il faut franchir près de 4500 km. Par la voie des airs, par la route... ou en train. Notre journaliste a choisi de traverser le Canada en voie ferrée, ajoutant même un trajet dans le nord de la Colombie-Britannique et de l'Alberta, à l'image des pionniers de ce vaste pays... et à la rencontre de ceux qui le découvrent avec émotion encore aujourd'hui.

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Premier d'une série de trois voyages en train à travers le Canada :

MONTRÉAL - HALIFAX

L'OCÉAN

Départ : gare centrale de Montréal, 18 h 45


Durée : près de 24 heures



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Des équilibristes sur rails

Halifax - Les voyageurs tanguent de droite à gauche.

On dirait qu'il y a de la houle. Un bruit sourd se met de la partie.

Le soleil disparaît au loin sur Montréal. Tranquillement, on se dirige vers le wagon de queue en se tenant aux murs.

Le couloir est étroit. Une dame tend un verre de bière à un vieux monsieur tiré à quatre épingles. C'est sa fille. Le tandem anglophone se rend au large d'Halifax pour un voyage de pêche père-fille. Une tradition annuelle.

Steve, l'animateur du train, sort le mousseux et dépose des verres sur un plateau. Il semble être le seul à savoir jouer à l'équilibriste sur des rails. Les gens commencent à parler. Il y a soudain tous ces sourires, tous ces regards complices. Chacun a son anecdote du jour. La petite Marilou, 5 ans, veut déjà dessiner le paysage.

Nos épaules se font bercer de droite à gauche par le train. Ça devient réconfortant comme la vieille chaise berçante de grand-mère. Laurel Arsenault, un voyageur de Sherbrooke, raconte. Il était gamin quand il a pris le train pour la première fois. C'était en Gaspésie. Ça l'a touché droit au coeur. «Je m'en souviens comme si c'était hier, dit-il. C'était un gros train noir avec la cheminée. Un train au charbon. Il y avait cette odeur, ce son, cette ambiance. Depuis, c'est dans mes tripes. Je remonte en train le plus souvent possible, au moins deux à trois fois par année», explique-t-il le poing serré sur sa poitrine.

La marche des pingouins

Nos corps prennent de la cadence. C'est l'heure du souper. Encore le long couloir. Il y a une bonne dizaine de couloirs à traverser. Quand un voyageur arrive en sens contraire, on doit se coller au mur. Sinon, on apprend à marcher comme des pingouins.

Les serveurs y vont d'un chassé-croisé dans la salle à manger aux nappes blanches. La lumière est tamisée. Chaudrée de palourdes, saumon de l'Atlantique. On est loin des menus d'avion. Le chef n'est pas à bord, mais le menu gastronomique va de concert avec le trajet vers la Nouvelle-Écosse.

Il est l'heure d'aller dormir si on ne veut pas manquer le lever du soleil sur la baie des Chaleurs. Il y a deux couchettes superposées dans le compartiment de première classe muni d'une douche et de toilettes. C'est petit, très petit. Nous passons la nuit à tourner de droite à gauche. C'est sûrement l'excitation ou le mouvement du train. Mais le sommeil ne vient pas. Il est 5h du matin, le réveil sonne.

Comme des pingouins que nous sommes devenus, nous nous rendons vers le wagon avec vue panoramique. Nos yeux sont bouffis. Nous ne sommes pas les seuls à ne pas avoir fermé l'oeil de la nuit. Heureusement, il y a du café corsé et du thé. Steve nous apprend qu'on ne dort jamais la première nuit en train.

On dirait que le ciel a pris feu. Il est strié de lignes bleues. Jamais un paysage ne s'est autant dénudé. On croise un pêcheur à la mouche. Il y a cette grosse grange qui semble tout droit sortie d'un film. Ce pont couvert. Tous ces arbres. Ces vallons. Le train se fraie un chemin dans des paysages auxquels il est le seul à avoir accès. Les voyageurs ont maintenant des regards de gamins, comme la petite Marilou.

Encore quelques heures et nous serons à Halifax. Nous sommes maintenant à l'heure des Maritimes, quelque part entre Campbellton et Moncton. C'est aussi l'heure du déjeuner. Des oeufs, du bacon, des saucisses, et une montagne de fruits qui font oublier la nuit d'insomnie.

On croise des Australiens qui traversent le Canada en train d'un bout à l'autre. Il y a peu de Canadiens à bord. Mais il y a cette femme de Toronto qui fait le trajet chaque année, et qui lit chaque fois un tome d'Harry Potter. «C'est le moyen que j'ai trouvé pour me ressourcer, retrouver mon équilibre, le bien-être», dit-elle.

C'est presque la fin. Les voyageurs sont invités à déguster des vins et du fromage de la Nouvelle-Écosse. Une jeune fille de la Colombie-Britannique commence à chanter en jouant de son banjo. Elle voyage gratuitement en échange du divertissement à bord.

Soudain, une certaine nostalgie s'installe dans le train. Les voyageurs se sont habitués à tanguer et vont mettre le pied à terre un peu à reculons.

Les prix

Les tarifs pour un aller simple varient de 165$ à environ 500$ par personne selon la classe de wagon, qui va du simple siège à une couchette double comprenant les toilettes et la douche privées. Le forfait avec compartiment comprend tous les repas et la dégustation d'après-midi.

Les aubaines

La compagnie Via Rail offre fréquemment des aubaines ou forfaits spéciaux sur son site internet. Les amateurs de train peuvent aussi se munir de différentes cartes voyage pour économiser. Les tarifs sont moins élevés pour les gens de 25 ans et moins, ceux de 60 ans et plus, et les réservations en groupe. Les enfants de 2 à 11 ans ont un rabais de 50%.

À noter que les tarifs peuvent être légèrement plus élevés durant l'été.

Les prochains voyages

Montréal - Vancouver (Colombie-Britannique)

Montréal - Jasper (Alberta)