À 20 ans, Ilya Klvana, Québécois d'origine tchèque, construit son propre kayak et se donne comme défi de traverser le Canada en entier, d'un océan à l'autre, en une seule saison et en solitaire. Un voyage extraordinaire de 9000 km, qui le mènera de Prince-Rupert, en Colombie-Britannique, jusqu'à l'Anse-aux-Meadows, à Terre-Neuve, pagayant dans les lacs et rivières sur les traces des pionniers. Plus de 10 ans après avoir accompli cet exploit, il relate son expérience dans un livre intitulé Coureur des bois, qui vient de paraître chez un éditeur français.

Lors de son départ, l'aventurier, qui habite aujourd'hui à Mingan, sur la Côte-Nord, a très peu d'expérience en plein air, mis à part quelques expériences de ski hors-piste et de canot-camping. Mais son désir de partir est plus fort que tout. «Je n'avais pas de loyer, pas de copine, pas de travail, c'était le moment idéal pour le faire», raconte-t-il, joint par téléphone en Gaspésie.

Il entame sa réflexion, délaisse le canot pour le kayak pour une question de vitesse et de sécurité et décide de construire lui-même son embarcation en cèdre et en fibre de verre! «J'avais besoin d'un kayak répondant parfaitement à mes exigences, c'est-à-dire suffisamment grand pour transporter tous mes bagages et pouvant être portagé sur de grandes distances», dit-il.

En 1998, il est prêt pour le grand départ. Son objectif: partir de Montréal vers l'ouest. Après quelques jours sur l'eau, il se rend à l'évidence: son esquif ne tient pas la route. Il rentre aussitôt à Montréal, se met à bâtir un deuxième kayak et mûrit son projet. L'année suivante, dès l'obtention de son baccalauréat en biologie, il s'envole vers la Colombie-Britannique pour faire la traversée d'ouest en est. De cette façon, il profitera au maximum des courants et des vents dominants.

Le voyage s'annonce ardu. Première difficulté: franchir la barrière des Rocheuses. Des portages de plusieurs dizaines de kilomètres sont nécessaires. Il doit aussi affronter la neige, le froid, les ours et les moustiques. Jusqu'au lac Winnipeg, au Manitoba, son parcours se déroule principalement en territoire sauvage. «Sur ma route, je ne croisais que des villages constitués d'anciens postes de traite, habités par des autochtones», dit-il. À l'évidence, en deux siècles, le paysage avait peu changé.

Sa principale motivation: suivre, autant que possible, les traces des explorateurs sur les autoroutes du Nord. Son mentor: Alexander Mackenzie, premier Européen à traverser le continent nord-américain. «C'était extraordinaire de lire, sur place, ses descriptions de paysages et d'emprunter les mêmes portages.

C'était comme me replonger à son époque», raconte-t-il.

Bien qu'il ait dû faire des portages de 50 km et affronter les vagues du lac Supérieur, la plus difficile section de son odyssée a été la navigation sur le Saint-Laurent. «J'étais un marin d'eau douce et, soudainement, je devais apprendre à naviguer avec les marées. Cet apprentissage a été difficile», admet-il. Autre difficulté: il termine son voyage en octobre et novembre, sous des vents glacials. «Le pont de mon embarcation se couvrait de glace et mes pieds gelaient! Mais d'un autre côté, c'est sur la Côte-Nord que j'ai fait mes plus belles rencontres. L'accueil des habitants a été extraordinaire», dit-il.

À son retour, Ilya Klvana met 10 ans à écrire et à peaufiner son récit. Vu le peu d'intérêt des éditeurs québécois, l'aventurier se tourne vers la France. Un petit éditeur parisien, Transboréal, qui se spécialise dans les récits de voyage, lui donne sa chance. «Il m'a fallu tout réécrire, mais je crois que le résultat en vaut la peine», dit-il. En effet, c'est un livre prenant, déjà vendu en l'espace d'un mois à 900 exemplaires en France, sans aucune publicité.

Coureur des bois - Une traversée du Canada en kayak, d'Ilya Klvana, Transboréal, 305 p., 29,95$