Dans la nuit noire et pluvieuse, sur le chemin Whiffen Spit à Sooke (à 45 minutes à l'ouest de Victoria), on se demande bien où nous mènera cette plongée dans les contrées sauvages de l'île de Vancouver. À l'issue d'une route sinueuse, nous échouons sur un paisible domaine où s'impose une splendide maison blanche enveloppée d'une chaude lumière et d'une délicieuse odeur de mer.

Réputé pour la finesse de sa cuisine, la diversité de ses jardins et son souci de mettre en valeur le travail des artistes locaux, le Sooke Harbour House est un havre de paix et un hommage à l'art et la flore de l'île de Vancouver. Des visiteurs de partout y viennent pour goûter un menu variant chaque jour, y trouver le repos (pas de télé dans les chambres!), s'y marier et surtout communier avec un art de vivre en voie de disparition dans notre monde de performance.

Dès sa naissance en 1929, la maison en bois blanc construite par un immigrant tchèque avait la double identité de maison familiale et d'auberge. Lorsqu'elle est passée aux mains du couple Frédérique et Sinclair Philip, à la fin des années 70, elle s'est graduellement transformée en lieu de pèlerinage recherché par des voyageurs en quête d'authenticité, de repos et de gastronomie locale.

Dans le chaleureux séjour de l'élégante auberge - qui en 2002, a fait le palmarès des «10 meilleures auberges au monde» du magazine Travel and Leisure - la patronne Frédérique Philip nous raconte la petite histoire de cette aventure familiale.

«J'ai rencontré Sinclair en 1967. Il passait quelque temps en France et prévoyait ensuite voyager en Afrique. Au bout du compte, nous nous sommes mariés et avons vécu 10 ans à Grenoble.»

De retour au Canada, le couple Philip rêvait d'un cadre paisible et harmonieux où élever leurs quatre enfants. Sinclair Philip a «trouvé» le Sooke Harbour House lors d'un périple dans l'île de Vancouver. «Au début, quand nous l'avons acheté en 1979, ce n'était qu'un petit bed and breakfast. Pendant les années de récession, nous vivions dans le sous-sol de la maison avec les quatre enfants. Mais nous étions quand même heureux», relate l'élégante dame qui depuis ses premiers jours à Sooke, s'est donnée comme mission de mettre en lumière le travail des artistes locaux.

Une posture esthétique qui se manifeste de la chaleureuse salle à manger à la réception de l'auberge, ainsi que dans chacune des 28 chambres de l'établissement.

La présence artistique s'étend même jusqu'au stationnement du Sooke Harbour House, où une grande installation en bois fait office de clôture séparant les jardins des voitures. Cette sculpture chapeautée de totems marins, une création signée Derek Heaton et Renaat Marchand, imite le mouvement de l'océan.

Culture locale

Le luxe à l'échelle humaine: c'est ce que prône le Sooke Harbour House, qui transmet la philosophie de ses propriétaires, des gens aussi politisés que civilisés. Le bois est omniprésent dans cette maison où tout est de seconde main, retapé, transformé. «Je n'achète jamais rien de neuf. À part des oeuvres d'art!» soutient Frédérique Philip.

«Tous les êtres humains ont besoin de créer et de bien se nourrir avec des aliments frais et locaux», songe celle qui ouvre ponctuellement les portes de son auberge à des ateliers avec des artistes. Le très affable et érudit jardinier de la maison se rend quant à lui disponible pour les friands de botanique qui veulent découvrir les quelque 300 plantes comestibles de la maison. On peut même prendre part à des leçons de cuisine avec les chefs internationaux qui sévissent aux fourneaux.

«Notre idée de base était d'offrir une cuisine locale et de saison, en s'approvisionnant dans notre jardin et chez les fermiers de la région», raconte Frédérique Philip. Précurseurs, Frédérique et Sinclair Philip ont, au fil des années, développé un réseau de cueilleurs d'aliments sauvages et participé à l'essor d'une culture culinaire typique de Sooke.

Sinclair Philip, mycologue érudit qui tient un blogue sur les champignons, a ouvert les cuisines aux cueilleurs d'algues comme Diane Bernard et aux récolteurs de sels marins. L'ancien candidat du NPD est en outre très actif dans la Slow Food Society. «Nous voulons changer le monde», lance-t-il, mi-ironique, mi-utopique.

Rien de tel que de goûter au calme exquis d'une immersion dans un bain chaud en plein air, en admirant le clair de lune, les étoiles et en écoutant les vagues. Le reste du monde peut bien s'étourdir et s'essouffler: le temps s'arrête au Sooke Harbour House.

Photo fournie par le Sooke Harbour House

Le propriétaire, Sinclair Philip, est un mycologue érudit.