En atterrissant à Skardu, au Baltistan, on a l'impression de manquer de souffle. L'effet de l'altitude, peut-être - on est à 2500 m -, mais plus probablement celui du paysage.

La capitale de la région pakistanaise loge au fond d'une vallée verdoyante où notre petit avion à hélice arrive en frôlant les majestueux pics enneigés qui surplombent la ville et ses 200 000 habitants. Petit moustique d'acier aux pieds des géants abrupts et rocailleux de la chaîne du Karakoram, petite soeur de l'Himalaya.

Sur le tarmac, la pureté de l'air saisit autant que le panorama. Peu de touristes en profitent, pourtant: le Pakistan est surtout connu pour les violences qui secouent certaines régions du pays. Mais Skardu, perché dans les montagnes du nord, a jusqu'ici été épargné, au grand plaisir des quelques curieux qui s'y aventurent, notamment les plus téméraires, tentés par l'ascension du K2. Le deuxième sommet en importance de la planète est à quelques centaines de kilomètres au nord.

Mais pas besoin d'être alpiniste pour goûter aux charmes de ce «petit Tibet», surnom donné au Baltistan pour son relief qui rappelle celui du «grand» Tibet, mais qu'on peut aussi lire sur les visages de ses habitants, descendants des envahisseurs tibétains établis ici au VIIIe siècle.

De Skardu, nous partons en 4X4 le long d'une route tortueuse qui gravit la montagne vers le sud. Direction: le plateau de Deosai, au deuxième rang mondial avec ses 4000 m d'altitude. En chemin se succèdent des villages accrochés aux flancs rocheux, surplombant des cultures en terrasses où poussent le blé, l'avoine, mais aussi de prolifiques arbres fruitiers, marques de commerce de la région: amandiers, pommiers, abricotiers... On dit que le Baltistan produit 60 variétés d'abricots!

Notre ascension se poursuit et l'asphalte cède bientôt place à la roche, là où l'on croise le village de Sadpara et son lac de barrage, immense miroir turquoise où se mirent les pics escarpés. C'est aussi à Sadpara que se trouve l'entrée du parc national de Deosai. On nous impose alors un voyageur supplémentaire: un policier armé. Ici on ne lésine pas sur la sécurité. Après tout, le Cachemire, pour le contrôle duquel le Pakistan et l'Inde se sont livré deux guerres, n'est pas très loin.

Encore quelques kilomètres de montée sur cette route devenue étroite et escarpée à faire blêmir et nous atteignons enfin Deosai, la «terre du géant». La légende locale veut qu'un colosse ait tenté jadis de se lancer ici dans l'agriculture. Une entreprise vaine vu la brièveté de l'été et la rigueur de l'hiver.

Deosai, c'est 3000 km2 de vallons couverts d'herbes hautes qui ondulent sous le vent. Pas un arbre à l'horizon. En juillet apparaissent des tapis de fleurs, dont plusieurs variétés ne poussent nulle part ailleurs. Dans cet endroit calme et sauvage, des populations de marmottes, d'ibex, d'ours bruns et même, dit-on, de léopards des neiges s'abreuvent à l'eau cristalline descendue des glaciers. Pendant les deux mois que dure l'été, on croise des bergers baltis, venus à pied ou à cheval faire profiter leurs vaches, chèvres et moutons de ces riches pâturages.

Le parc national de Deosai a été créé en 1993 dans l'espoir de protéger cet endroit unique, et en particulier sa population d'ours bruns de l'Himalaya, une sous-espèce proche de l'ours polaire et du grizzly en danger d'extinction. Avec une vingtaine d'individus recensés à la création du parc, puis une soixantaine en 2011, l'ours semble reprendre du poil de la bête malgré la menace des braconniers. Une bonne nouvelle pour les amateurs de légendes et de géants: il paraît que le Yéti, ce serait lui!

Repères

Comment s'y rendre

De Montréal, on vole jusqu'à Islamabad. La compagnie aérienne nationale pakistanaise, PIA, fait la liaison Islamabad-Skardu. Attention aux annulations dues aux intempéries, surtout hors saison.

La meilleure saison

De mai-juin à septembre.

Où loger

À une heure de Skardu, dans le fabuleux fort de Shigar, bâti sur un rocher au XVIIe siècle et complètement restauré il y a une dizaine d'années.

Visa

Le Pakistan exige un visa touristique d'un mois. Compter quelques semaines pour l'obtenir.

Photo Gaëlle Lussiaa-Berdou, collaboration spéciale