Les étrangers ont fui, les Japonais ne sortent plus, les entreprises évitent les rassemblements: depuis le séisme du 11 mars et la crise nucléaire qui a suivi, les grands hôtels de Tokyo traversent une période noire, au point pour certains de fermer provisoirement leurs portes.

Le hall est immense, mais il est peu éclairé et vide. Une quinzaine d'employés attendent patiemment le client au guichet de l'Imperial Hotel de Tokyo, mythique établissement de luxe, en plein coeur de la capitale. Las, seulement quelques pimpantes Japonaises âgées, assurément des habituées, font appel à leurs services

«Depuis le 11 mars, tout a changé: séminaires, banquets et réservations de chambres ont été en grand nombre annulés, particulièrement les nuitées d'étrangers», déplore Uko Komatsuzaki, responsable des relations publiques de l'Imperial Hotel.

«En cette saison, le taux d'occupation des chambres est généralement de l'ordre de 80%, mais, actuellement, c'est environ moitié moins», confie-t-il.

«Pour les étrangers, c'est la peur de la radioactivité, pour les Japonais, dans un premier temps du moins, il s'agit plutôt des craintes de répliques sismiques, des difficultés pour venir jusque dans la capitale ou de l'empêchement familial», explique M. Komatsuzaki.

Les Nippons n'ont pas non plus envie de se rassembler pour faire la fête dans de telles dramatiques circonstances.

Les mariages ont lieu quand même, car ils ont été prévus depuis belle lurette, mais le nombre d'invités est plus faible que celui prévu, certains, sinistrés, ne pouvant se déplacer.

La chute des réservations est telle que le Shangri-La, dans le quartier d'affaires de Marunouchi, a mis son personnel en congés payés et affiche portes closes, en attendant des jours meilleurs.

Où qu'ils soient situés à Tokyo, dans les quartiers branchés (Grand Hyatt ou Park Hyatt), les abords des bâtiments officiels (New Otani), près des banques et institutions financières (Mandarin Oriental) ou à proximité des artères commerçantes et chics (Peninsula), les hôtels de luxe ont réduit l'envergure de leurs prestations. Leurs restaurants, bars et boutiques ont raccourci les horaires d'ouverture ou suspendu leur activité.

Désertés, les hôtels sont aussi obligés de diminuer leur consommation électrique et subissent les effets indirects des coupures de courant auxquelles sont soumis une partie de leurs fournisseurs d'aliments et consommables divers, en raison de la mise hors services de plusieurs centrales électriques à cause du tsunami.

Les établissements accueillant une clientèle étrangère sont les plus frappés, les Européens et Américains étant partis plus vite que prévu et ne revenant plus, comme le confirment les agences de voyages.

«2011 s'annonçait brillante, une année exceptionnelle avec un tourisme individuel en très forte progression: nous n'avions jamais connu un tel engouement que celui de ces derniers mois», affirme Claude Saulière, gérant de Vivre le Japon.

«Le reflux est terrible, je pense que quelque 90% des personnes qui prévoyaient de partir au Japon en ce printemps vont annuler», précise-t-il.

Ce vétéran de l'offre de voyages au Japon craint un renoncement pur et simple des séjours prévus dans l'année à venir.

«Nous craignons hélas que les clients étrangers ne reviennent pas rapidement, surtout si la contamination radioactive d'aliments s'aggrave. Pour tenter de compenser le manque à gagner, nous envisageons des offres spéciales pour les Japonais, y compris des personnes qui n'habitent pas très loin de Tokyo», indique M. Komatsuzaki de l'Imperial Hotel.