Il est des voyages qui nous mènent dans des endroits dont on ne soupçonnait même pas l'existence. L'île indonésienne de Nusa Penida n'est pas facile à atteindre, mais les efforts pour s'y rendre valent le coup: elle recèle des trésors uniques, raconte notre journaliste qui a voyagé pendant six mois dans la région.

On m'avait parlé de Nusa Penida, de son état sauvage préservé des touristes, de ses récifs et de ses falaises. Mais surtout, de son temple hindou caché à l'intérieur d'une grotte assez grande pour accueillir tous les insulaires en cas de catastrophe. Le mystère de ce lieu fascinant m'a convaincue d'y déplacer mon sac pour quelques jours, ce qui deviendra le moment le plus marquant de mon périple de six mois.

Nusa Penida fait partie d'un trio d'îles situées entre celles de Bali et de Lombok, en Indonésie. Moins développée que ses soeurs Lembongan et Ceningan, Penida a conservé son authenticité, les touristes étant beaucoup moins nombreux à la visiter. 

S'y rendre est donc un brin plus complexe. De l'île de Bali, deux options se présentent : le traversier public qui part à 6 h, toujours bondé, qui sent le poisson mort parce que c'est un bateau multifonctions, mais pour lequel le passage coûte 60 000 roupies (6 $), ou marchander directement avec les propriétaires de petites embarcations et se faire soutirer 300 000 roupies (30 $). J'ai choisi la deuxième option.

Invoquer les dieux six pieds sous terre

Le temple, Goa Giri Putri de son vrai nom, valait le détour. Après avoir gravi jusqu'au sommet de la colline les longs escaliers qui offrent une vue époustouflante sur l'horizon, avoir enfilé les habits traditionnels de cérémonie et avoir reçu la bénédiction pour y entrer (moyennant quelques roupies), on accède au temple par une petite ouverture dans le roc, étroite au point d'être discriminatoire pour les fidèles et les visiteurs obèses ou moins flexibles.

Aucun adjectif n'est assez fort pour qualifier l'intérieur de ce lieu sacré. C'est si vaste que la claustrophobie n'a même pas le temps de s'installer. La grotte est divisée en sections dans lesquelles différentes cérémonies se déroulent au son des prières des fidèles. L'expérience transcendante de la visite de ce lieu unique vaut à elle seule le périple dans cette île éloignée du Pacifique.

Mais... pourquoi ne pas pousser l'expérience jusqu'au bout et dormir dans une cabane en bambou au sommet d'un arbre en plein milieu de la jungle? Ce que j'ai fait.

C'était la petite annonce la plus farfelue de Booking.com, le site où j'ai l'habitude de réserver mes premières nuits lorsque j'arrive dans un nouvel endroit. «Rumah Pohon: Treehouse in Nusa Penida». La «cabane dans un arbre» venait d'ouvrir. 

Chargée comme un mulet, je suis montée derrière Ketut, mon chauffeur de taxi-scooter. Je compris rapidement qu'il ne parlait pas un mot d'anglais. L'«adresse» fournie par Booking me donnait un point GPS au milieu de la jungle, au sommet d'une montagne. Une route semblait y mener. On s'y est dirigés. La mobylette de Ketut fonctionnait à plein régime et montait difficilement la côte de gravier.

Déterminé, Ketut négociait les courbes en s'aidant de ses pieds, même s'il lui manquait déjà une gougoune perdue lors d'une collision avec un chien plus tôt ce jour-là. Pas question que mes deux sacs et moi débarquions pour alléger le poids et lui donner une chance.

Après avoir demandé à tous les villageois qu'on a croisés «Rumah Pohon?» (qui signifie «Cabane dans un arbre», en indonésien) et nous être fait indiquer de continuer de monter, nous ne sommes finalement parvenus à... rien.

Crier pour s'annoncer

Au milieu de la jungle, Ketut a arrêté le moteur et m'a pointé des arbres au loin, sur une butte derrière une petite vallée. Et c'est là que j'ai vu, au sommet de l'un d'eux, une petite cabane. Ketut s'est mis à crier en indonésien. Une réponse avec un écho est venue de la cabane. Un autre Indonésien - dont l'anglais était aussi embryonnaire que celui de mon dévoué chauffeur de scooter - est venu me rejoindre et m'a fait signe de le suivre.

J'ai alors espéré que mes prières faites au temple la veille me protègent de mes idées folles et que je ne ressorte pas trop amochée de cette aventure.

Après une marche sous un soleil de plomb en terrain accidenté, nous sommes arrivés au campement aussi rudimentaire que charmant : une toilette turque et un bac d'eau pour la douche derrière une bâche bleue en guise de salle de bains; un hamac et un rond de feu comme séjour; et une table avec une boîte de carton pour garde-manger en lieu et place de la cuisine. Et ma chambre: la cabane!

C'était à en rendre jaloux tous les Louveteaux de ce monde. Une petite cabane de bambou hissée au sommet d'un arbre, à laquelle on accède par une échelle de bois. Le minuscule balcon était à flanc de montagne avec, au loin, une vue de la côte de l'île et l'océan à perte de vue. Que demander de plus? Pourquoi pas un coucher de soleil et des incantations religieuses provenant d'un temple au fond de la vallée...

Cette nuit-là, je me suis dit que cette vue et ce moment de zénitude n'avaient pas de prix. 

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Note: Depuis ma visite, une véritable salle de bains commune a été aménagée et ma petite cabane est devenue la doyenne d'un campement modeste. Et l'annonce en ligne indique qu'il y a maintenant... du WiFi.

Photo Audrey Ruel-Manseau, collaboration spéciale

Rumah Pohon signifie «cabane dans les arbres».