Trois mois après sa plus forte éruption en un siècle, le volcan indonésien Merapi attire des milliers de curieux chaque fin de semaine, un tourisme un peu macabre, mais qui offre des débouchés bienvenus aux rescapés ayant tout perdu.

Arbres arrachés, maisons éventrées, champs couverts de cendres: Kinahrejo n'est que l'ombre du village paisible et luxuriant qu'il était avant le début de l'éruption fin octobre.

Situé à quatre kilomètres seulement du cratère, sur la pente sud, il a été dévasté par les nuages de cendres et les nuées ardentes, qui ont provoqué la mort de plus de 350 personnes avant que le volcan le plus actif d'Indonésie ne retrouve son calme.

Suwarni, 26 ans, a perdu son beau-père et sa maison, tandis que ses lopins de terre, habituellement très fertiles, ne donneront ni légumes ni fruits cette année.

Repartie de zéro ou presque, la jeune mère a trouvé un moyen temporaire pour survivre: elle vend des DVD artisanaux sur la catastrophe aux touristes qui se pressent dans son village désormais célèbre.

«C'est une étrange impression que de faire ce commerce. Mais je n'ai pas le choix. Il faut que je ramène de l'argent à ma famille», explique Suwarni. Chaque DVD est vendu 40 000 roupies (3,3 euros), ce qui lui donne juste assez d'argent pour joindre les deux bouts chaque jour. L'un de ses clients du jour, Kyle Miller, étudiant américain en géographie, avoue sa surprise d'être entouré d'autant de touristes.

«Il semble que des milliers de personnes soient venues juste pour voir une zone dévastée», s'étonne le jeune homme de 21 ans. «J'espère que l'argent récolté par les gardiens du stationnement, les marchands de souvenirs et de nourriture va permettre d'accélérer la reconstruction».

La tâche est énorme, constate Hans Van Der Weide, un touriste néerlandais de 62 ans, pour qui «il est incroyable que tout ait été ainsi détruit» par la force de la nature.

A Kinahrejo, les visiteurs confluent vers la maison de «Grand-père Marijan», le «gardien spirituel» du Merapi, mort sous les cendres le 26 octobre après une vie consacrée à apaiser «la montagne de feu».

L'octogénaire avait ignoré les appels à évacuer les lieux. Sa mort a provoqué une forte émotion dans tout le pays et a fait de lui un héros.

L'une de ses filles, Panut, 59 ans a ouvert à proximité de la maison en partie détruite un stand de vente de cigarettes, de nouilles instantanées et de boissons.

«Malgré le grand nombre de touristes, je suis pauvre, car je n'ai plus de maison», se désole Panut. «Le gouvernement doit nous aider en nous donnant de nouveaux logements», ajoute-t-elle.

Comme de nombreux sinistrés, elle se plaint de la lenteur de l'aide officielle, même si un vaste mouvement de solidarité s'est formé dans tout le pays face à l'ampleur de la catastrophe. Les autorités évaluent à quelque 5 500 milliards de roupies (environ 500 millions d'euros) les dégâts provoqués par l'éruption, survenue dans l'une des régions les plus peuplées d'Indonésie.

La facture devrait continuer à grimper à cause des lahars, ces torrents de boue volcanique qui dévalent la montagne lorsqu'il pleut. Ils ont dévasté plusieurs axes et détruit des ponts ces dernières semaines.

Sachant que le Merapi entre en éruption tous les quatre ans environ, le gouvernement a proposé, sans grand succès jusqu'à présent, de reloger les habitants des zones les plus menacées loin du volcan, leur offrant notamment des terrains sur l'île de Bornéo.