Juste derrière la plage bordée de palmiers, les grues s'activent pour construire un nouveau complexe hôtelier de luxe. Sera-t-il l'un des derniers à Bali, une île qui cherche à freiner son boom touristique pour conserver son authenticité?

Lorsqu'il sera terminé, le «Beach Walk» offrira deux hôtels de luxe, des restaurants huppés, un centre de conférence et des boutiques. D'un coût de 70 millions de dollars, ce «lieu de villégiature» témoigne de l'optimisme des investisseurs quant à l'avenir touristique de l'île indonésienne.

Mais jusqu'où aller? s'interrogent aujourd'hui les autorités en commençant à évoquer, après des années de laissez-faire, la crise d'identité qui menace «l'île des dieux». «Les touristes viennent à Bali pour se relaxer», résume Perry Markus, secrétaire général de l'Association hôtelière de Bali. «J'imagine leur frustration s'ils se retrouvent totalement coincés dans des embouteillages». C'est déjà parfois le cas sur les routes étroites et défoncées qui relient les stations balnéaires de Kuta, Sanur et Nusa Dua, ainsi qu'à Ubud, la «capitale» artistique au milieu des rizières. Pour tenter de réduire la pression, le gouverneur de l'île, Made Mangku Pastika, a annoncé en janvier un moratoire sur l'ouverture de nouveaux hôtels dans les trois districts les plus touristiques, où se trouve la majorité des chambres disponibles de Bali.

Ces dernières années, le sud de l'île s'est en effet couvert d'hôtels de toute catégorie, du «bed and breakfast» au «cinq étoiles», ainsi que de «villas à louer». «L'offre touristique y est de plus en plus concentrée. Il faut favoriser l'ouverture des hôtels dans les autres régions», comme la côte du nord ou les collines luxuriantes du centre, souligne Nyoman Suwirya Patra, chef de l'Agence locale des investissements. Le défi des autorités est d'appliquer cette nouvelle politique, une tâche toujours difficile lorsque d'importants intérêts sont en jeu.

Elles devront aussi mener à bien les projets d'un second aéroport international dans le nord et d'un terminal de croisière à l'est. Il y a 10 ans, Bali accueillait environ un million de visiteurs par an. Ce chiffre avait même chuté après le terrible attentat perpétré par des militants islamistes ayant tué 202 personnes, dont de nombreux touristes, à Kuta en 2002. Ayant depuis retrouvé la sérénité, Bali est devenue l'une des destinations les plus prisées d'Asie, avec 2,3 millions de touristes en 2010 et 2,5 millions attendus cette année. Chérie traditionnellement par les Australiens, les Japonais et les Européens, elle attire de plus en plus les Chinois et les Russes. Cet engouement menace la réputation de «tourisme de qualité» que s'est forgée Bali, estime M. Markus. Qui met en cause l'arrivée récente de chaînes hôtelières à prix cassés, comme Tune Hotels.

Dans ses deux premiers établissements, cette enseigne malaisienne offre des chambres, propres, mais standardisées, à 15 dollars la nuit. Soit nettement moins que 80% des hôtels de l'île dont les prix s'échelonnent de 50 à 200 dollars, mais souvent dans un environnement typique et de superbes jardins. «Nous ne souhaitons pas que Bali soit perçue comme une destination pas chère, car l'île est trop petite pour un tourisme de masse», affirme M. Markus.