Au coeur du Thar, contrée aride du nord-ouest de l'Inde, de drôles de rencontres vous guettent : géants de métal, tapis de sable, diamants nocturnes... Autant de rêveries à découvrir à dos de chameau, en compagnie d'un guide local.

Aux aurores s'est produit une sorte de mirage. Semblant surgir du soleil naissant, trois silhouettes noires se profilent à l'horizon : un homme, flanqué de deux chameaux, avance langoureusement dans notre direction. Où sommes-nous, au juste ? Pas tout à fait au milieu de nulle part, mais plutôt au milieu du désert indien du Thar, à quelques kilomètres du Pakistan. Une jeep partie de la ville fortifiée de Jaisalmer nous y avait déposé, dans un silence matinal frisquet, peu auparavant.

Parvenu à notre hauteur, Punja, un guide natif de l'un des hameaux du désert, nous présente Papou et Lalou, nos placides montures pour les deux jours à venir. Mais pas question de monter sur les bêtes avant d'avoir accompli le rituel du chaï matinal. 

Le guide allume un feu, jongle avec les épices et en tire un thé des plus succulents, parfaite mise en bouche avant notre conquête du désert.

Sitôt en selle, les fantasmes de vallons sahariens s'évanouissent : ces tapis de sable indiens s'avèrent infiniment plats. 

« Les dunes représentent seulement une petite zone du Thar. On y passera la nuit », annonce Punja, tout en aiguillant nos chameaux dociles. À défaut de monticules, les lieux arborent diverses nuances ocre et rougeâtres, rehaussées par des rayons solaires toujours plus étouffants. À grandes gorgées, nous engloutissons des litres d'eau à la chaîne, emmitouflés dans nos vêtements protecteurs. La soif gagne également les bêtes qui, parvenues à une rigole formée par une récente averse, blatèrent et se désaltèrent.

DON QUICHOTTE INDIENS

Pour les aventuriers en quête de terres totalement vierges, le Thar est un lieu... à déconseiller. Il est non seulement émaillé de nombreux villages, mais il exhibe surtout une ribambelle d'éoliennes, dressées aux quatre coins du désert. Quand le soleil cognera trop dur, hallucinerons-nous tout comme Don Quichotte - lui qui partit à cheval combattre des moulins, croyant voir des géants ? Quoi qu'il en soit, ces ventilateurs cyclopéens ne semblent pas rafraîchir l'atmosphère.

Heureusement, peu avant midi, nous atteignons un secteur où la végétation a supplanté l'aridité, idéal pour se réfugier à l'ombre d'un kair - arbre désertique dont les branches épineuses font le régal de Papou et Lalou. « On utilise les baies et les feuilles pour préparer des currys, c'est une spécialité du Rajasthan », précise Punja, en mitonnant de savoureux thalis pour le déjeuner, tout en tâchant de garder à distance un troupeau de moutons qui passait par là, alléché par ces odeurs épicées.

SOUPER SUR LE THAR

Après une sieste torride, notre convoi commence à serpenter entre les dunes tant attendues, tandis que le soleil, au soulagement général, décline derrière l'une d'elles. Des monstres, eux, s'éveillent : de massifs scarabées noirs s'invitent sur nos serviettes, aussitôt le campement monté.

Désormais libres, les chameaux préfèrent prendre la poudre d'escampette. « Où sont Papou et Lalou ? », s'inquiète-t-on. Punja, avec un geste évasif de la main, badine : « Wof, là-bas, ils sont passés au Pakistan... » En effet, la frontière n'est plus qu'à quelques kilomètres de notre campement.

Quant à notre chambre, nul besoin de la chercher, nous la foulons depuis la matinée ; nous dormirons à la belle étoile, sur des lits pliables, munis d'épaisses couvertures. 

Au ciel scintillent une myriade de diamants, conjugués au halo et aux échos d'un village à la fête, au loin. Décidément, le Thar, vivant à tout instant, aime se coucher tard.

Mais peu à peu, le désert impose son silence glacial, qui s'étirera jusqu'aux premières gorgées du savoureux chaï, servi à l'aube. Et sous ce soleil encore timide qui ne tardera pas à devenir ardent, une fois en selle sur nos chameaux, on se demande quels autres mirages nous attendent sur le retour.

PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, LA PRESSE

Au coeur du Thar, pas question de monter sur les bêtes avant d'avoir accompli le rituel du chaï matinal.

PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, LA PRESSE

Des troupeaux de moutons gambadent parfois dans le désert.

EN BREF

RÉSERVER SON EXCURSION

Les agences affluent et les prix fluctuent, généralement entre 2000 et 2500 roupies (de 40 à 50 $) pour deux jours et une nuit dans le désert. Se méfier des tarifs trop bas, pour lesquels on a sabré les denrées, y compris l'eau, pourtant indispensable. Les tours peuvent être réservés à Bikaner ou à Jaisalmer. Dans le second cas, nous recommandons l'agence Trotters Independant Travels, qui fournit eau à volonté et repas copieux, et fait appel à des guides issus des villages du désert.

JUSQU'À TROIS SEMAINES

L'excursion peut s'étirer d'une demi-journée à trois semaines. La traversée typique consiste à rejoindre la ville de Bikaner, à quelque 300 km de Jaisalmer. Ces longues excursions sont déconseillées aux néophytes, dont le postérieur souffrira dès les premiers jours.

SE PRÉPARER

Pour éviter que l'excursion ne vire à la galère, prévoir : 

• des vêtements légers, mais couvrants ;

• des lunettes de soleil ;

• un couvre-chef ;

• un châle pour se couvrir nuque et visage ;

• une couverture à glisser sur la selle pour minimiser les frottements.