L'Inde produit plus de 1 million de tonnes de thé par année. Le darjeeling, très recherché, compte pour moins de 1% du lot. Une visite dans un jardin de thé de la région s'apparente à celle offerte par des vignobles en Europe. Séjour dans quatre jardins de thé, dont deux aux expériences contrastantes.

«Ce n'est pas du thé que vous buvez. C'est une infusion himalayenne magique et mythique!» lance l'excentrique gérant du jardin de thé Makaibari, Rajah Banerjee. Depuis plus de 150 ans, sa famille cultive le célèbre thé du «pays des orages», nom tibétain de la région où il pousse et de sa principale ville, Darjeeling.

Partout, dans cette région de l'État du Bengale-Occidental, des théiers touffus s'accrochent aux pentes escarpées des vallées de l'Himalaya près de la frontière indo-népalaise. Certains datent des années 1850, importés de Chine et plantés par les Britanniques qui en ont développé le commerce. Ils sont cultivés dans l'une des 87 plantations aux mille nuances de vert, situées de 400 à 2250 mètres d'altitude. Ces jardins de thé, qui comptent des petits villages où s'éparpillent les maisons colorées des employés, ondulent à perte de vue. La cime enneigée du Kangchenjunga, troisième sommet en importance au monde avec ses 8586 mètres, figure souvent en arrière-plan.

Une infusion himalayenne, d'accord. Magique? Les paysages le sont, bien sûr. Mythique? M. Banerjee, 68 ans, interrompt ma réflexion: «Alors, quels arômes détectez-vous?»

On déguste l'un des 15 échantillons de darjeeling qui s'alignent sur une longue table: feuilles sèches, infusées et le liquide ambré dans autant de bols. On ose: la pêche. Souriant, il explique chaque thé et ses nuances. Par la fenêtre de la pièce, on aperçoit la fabrique où le thé est transformé. Des femmes y déposent leurs lourds paniers remplis de feuilles fraîchement cueillies.

Vivre au rythme du thé et en comprendre les secrets, voilà l'expérience touristique promise par un nombre croissant de jardins de thé. «Même si le tourisme en est à ses débuts dans les jardins, certains sont devenus des lieux de retraite, affirme Raj Bhattacharya, fondateur du site Darjeeling-Tourism.com. On peut y séjourner dans des bungalows de l'époque coloniale, s'y promener, y démystifier la transformation du thé, participer à des visites guidées, manger bio, etc.»

À Makaibari, l'expérience se vit chez l'habitant. Une vingtaine de familles d'employés offrent des chambres dans leur modeste demeure. Shila, 46 ans, et son mari reçoivent des touristes depuis 2007. Ils m'accueillent à bras ouverts. «On aime partager notre culture, apprendre sur les autres», dit fièrement Shila, avant de poser sur la table le plat typique, du dal bhat, soit du riz, une soupe aux lentilles et un curry de légumes. Nos hôtes parlent un anglais limité et leurs enfants traduisent depuis le népalais au besoin. L'argent ainsi gagné sert d'ailleurs à payer leurs études.

«Accueillir des touristes favorise l'autonomie des femmes», soutient M. Banerjee, qui promeut des projets sociaux. Il envisage néanmoins d'offrir le gîte dans un futur établissement luxueux, ce que font déjà d'autres jardins.

C'est le cas à Glenburn, par exemple. On y boit le thé le petit doigt en l'air et on prononce «please» avec un accent british. Deux bungalows fastueux aux lignes coloniales sont ici perchés sur le bout d'une colline d'où déboulent les théiers. Les touristes se partagent huit suites avec vue sur les vallées et le massif du Kangchenjunga.

La plantation Glenburn couvre 7,5 km2 et les théiers en occupent les deux tiers. Près de 3800 personnes, les employés et leurs proches, y vivent. Il compte neuf communautés, sept écoles, trois garderies et deux infirmeries.

Ici, des cueilleuses récoltent de jeunes pousses en bavardant. Là, des enfants s'amusent. Plus loin, des hôtes pique-niquent près d'une rivière.

Aussitôt cueillies, les feuilles sont transformées dans la fabrique. Tandis que son gérant y guide deux touristes curieux de tout savoir sur la transformation, ceux-ci s'excusent en riant d'être des buveurs de café.

Au repas du soir, servi dans la salle à manger, les convives savourent des mets aux légers accents indiens, alors que tintent les couverts en argent.

Dehors, une brise souffle. Au fait, il y a bien au moins un mythe. Celui de la découverte du thé par l'empereur chinois Shen Nong, en 2737 av. J.-C. Le vent aurait fait tomber une feuille de thé dans l'eau chaude qu'il s'apprêtait à boire.

Makaibari

Ce sont chez des habitants fiers de nous ouvrir leur demeure que l'on séjourne au jardin de thé de Makaibari. Celui-ci se distingue par les choix de ses gestionnaires. Ils sont les pionniers du thé biologique à Darjeeling, misent sur la biodynamie et encouragent le développement humain.

Séjour chez l'habitant: 15$ par nuitée par personne. Supplément exigé pour les visites guidées.

makaibari.com

Goomtee

La splendeur de la nature environnante et la tranquillité du jardin Goomtee appellent à la détente. Les quatre chambres du bungalow à l'ambiance feutrée, construit il y a plus de 100 ans, sont meublées avec goût et simplicité. Dégustez-y des pakoras (beignets) à la feuille de thé! 175$ par nuitée pour deux personnes. Repas végétariens et visites guidées inclus.

goomtee.com

Singtom

Le bouddha veille sur les invités du jardin Singtom. Il figure un peu partout dans la décoration du bungalow construit en 1862. Ce dernier compte quatre chambres, aussi vastes qu'accueillantes, chacune avec son foyer. Le jardin est près de la ville de Darjeeling. Chambre de 175$ à 200$ par nuitée. Deux repas végétariens et visites guidées inclus. Cours de yoga organisés sur demande.

singtomresort.com

Glenburn

Le jardin Glenburn est l'un des plus somptueux de Darjeeling. Quelque 1200 visiteurs par année y coulent une paisible retraite dans l'un des deux bungalows. 600$ par nuitée pour deux personnes. Repas, transport avec chauffeur depuis l'aéroport ou lors d'excursions d'un jour, visites guidées, etc. inclus.

glenburnteaestate.com

Le thé est le liquide le plus bu au monde après l'eau. Visiter et séjourner dans une plantation permet de mieux comprendre cette boisson millénaire.