Autrefois paisible et paysanne, l'île tropicale de Hainan attire aujourd'hui des millions de Chinois. Le boom touristique y est phénoménal... mais ne fait pas que des heureux.

Michel Goguet nous entraîne chez Paul&Shark, une boutique de luxe italienne rattachée à son hôtel cinq étoiles. Il farfouille dans les vêtements griffés. «Regardez, une simple casquette coûte 2000 yuans (350$). C'est fou!»

Autour de nous, les étagères de Louis Vuitton, Prada et Tod's regorgent d'étoffes, de chaussures et de sacs à main aux étiquettes de prix stratosphériques. M. Goguet, un Français d'origine, a roulé sa bosse aux quatre coins du monde. Depuis six ans, il est gérant du somptueux Ritz-Carlton de Sanya, à Hainan. Le jour de notre visite, des clients débarquaient en Lamborghini et en Rolls-Royce Phantom. À l'aéroport, les jets privés atterrissent à un rythme régulier. Bienvenue dans l'île des millionnaires chinois.

Une métamorphose

Il y a 20 ans, Hainan était encore une île tropicale habitée par des paysans et des pêcheurs.

«Quand je suis arrivé à Sanya, il y avait un seul feu de circulation, raconte M. Goguet. Aujourd'hui, c'est une grande ville, remplie de voitures.»

En quelques années, l'île s'est métamorphosée en une destination touristique de luxe pour les nouveaux riches chinois, qui n'hésitent pas à afficher leur train de vie princier sur ses terrains de golf, dans ses marinas privées et sur ses plages de sable fin.

Le communisme, ici plus que nulle part ailleurs en Chine, est mort et enterré. À Hainan, les gens n'ont pas seulement le droit d'exhiber leur fortune; ils sont encouragés à le faire.

Le Quotidien du peuple s'est d'ailleurs scandalisé plus d'une fois de ce paradis de l'excès et de la culture bling-bling.

Qu'à cela ne tienne: le marché est alléchant. Et gigantesque. «Près de 400 millions de Chinois ont les moyens de s'offrir une maison, une voiture et des vacances. Et le milliard qui reste regarde la télé en se demandant quand arrivera son tour», dit M. Goguet.

Le premier complexe hôtelier a été construit en 1999. Aujourd'hui, l'horizon de Sanya est obstrué par une forêt de grues. Autour de l'île, pas moins de 19 baies sont en cours d'aménagement.

On y construit 70 nouveaux hôtels, qui s'ajouteront aux 223 déjà existants. «Renaissance, Grand Hyatt, Kempinski... nommez-les, ils sont tous là!» Le boom est impressionnant. On ne compte plus les tours à condos en chantier.

L'aéroport a du mal à suivre

L'aéroport de Sanya n'arrive pas à tenir la cadence. Construit pour 5 à 7 millions de passagers, il en accueille 12 millions par an. Un nouvel aéroport est prévu d'ici deux ans, selon M. Goguet, aussi président de l'Association touristique de Sanya.

Mais tous ne se réjouissent pas de cette folie immobilière. «L'an dernier, louer un espace commercial sur la rue principale de Sanya coûtait 10 000 yuans (1650$) par mois. Cette année, c'est 30 000 (4950$)! Et on demande de payer deux ans de location à l'avance», se désole Marc, guide dans cette ville du sud de Hainan.

Les magnifiques baies d'eau cristalline, autrefois accessibles au public, ont été vendues aux plus offrants.

«Les résidents ne sont plus les bienvenus sur les plages», peste Marc, un ancien militaire qui s'est installé à Hainan il y a 20 ans pour son calme et sa beauté sauvage.

Aujourd'hui, il ne reconnaît plus son île.

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REPÈRES

Comment s'y rendre?

En passant par Pékin, Singapour, Hong Kong ou Macao.

Combien coûte une chambre?

De 150 à 400$ la nuitée.

Quand y aller?

Éviter les mois de janvier et de février, où les régions côtières se couvrent d'un épais brouillard. La visibilité peut être réduite à 50 m pendant des jours. Bye bye soleil...