Difficile d'avoir le coup de foudre pour la plus grande ville birmane: bruyante et peu reluisante, l'ancienne capitale n'est pas belle. Il faut prendre le temps de flâner dans ses rues bordées d'immeubles coloniaux pour que son charme opère. On y découvre alors une ambiance délicieusement surannée, qui a disparu de bien des métropoles asiatiques. Portrait en sépia.

Yangon est la porte d'entrée de la majorité des touristes en Birmanie. Et les premières impressions réservent quelques surprises. À commencer par les sourires qui illuminent, ici, même le visage des douaniers, et les jupes (des longyis plus précisément) que portent la plupart des hommes. Ensuite, les voitures qui roulent à droite avec un volant à droite. Et puis l'absence totale de motos, interdites dans cette ville de 5 millions d'habitants, une véritable anomalie en Asie. Les fruits de décisions d'un pouvoir autoritaire pas toujours reconnu pour la logique de ses idées. De «drôles» de décisions qui ont culminé en 2006 lors du déménagement de la capitale 300 km plus au nord, à Nay Pyi Taw. Mais revenons à Yangon, capitale déchue, bien vivante depuis 1755.

Héritage colonial

Un siècle de domination britannique et de longues décennies de gouvernance d'une junte militaire repliée sur elle-même ont eu au moins l'avantage de dresser une architecture coloniale qui dessine encore de nos jours le visage de Yangon. Les tours modernes poussent en périphérie, mais n'assombrissent pas, pour l'instant, le ciel de la ville. Dans le centre, il faut se balader un oeil en l'air pour admirer la beauté des bâtiments aux couleurs défraîchies, un oeil par terre pour éviter d'être englouti dans les trous béants qui remplacent parfois les trottoirs. On croise alors de nombreux immeubles d'habitation à colonnades, mais aussi de plus impressionnants bâtiments, tels l'ancienne gare (Bogyoke Aung San Road, face au Traders Hotel) ou l'ancien gigantesque office ministériel (300, Theinbyu Road), maintenant abandonnés derrière des barbelés. Cet héritage architectural attend toujours une véritable politique de préservation. Pour se faire une idée de la grandeur passée sans effort d'imagination, il convient de visiter des adresses privées, comme le Strand Hotel (92, Strand Road).

Inévitables pagodes

Dans un pays où foisonnent les toits dorés des pagodes bouddhistes, Yangon n'est pas en reste. Immense et certainement la plus belle du pays, Shwedagon Paya pourrait à elle seule justifier une escale dans la ville où elle trône majestueusement. Avant même d'accéder à l'esplanade sacrée, les monumentaux escaliers de ses quatre entrées préparent à l'émerveillement, même s'ils sont encombrés de marchands d'articles touristico-religieux. La stupa principale, haute de 99 m, daterait du VIe siècle. Autour, les dizaines d'autres pavillons, autant de temples, les centaines de statues de Bouddha (souvent agrémentées de clignotantes ampoules colorées) et l'ambiance si sereine qui y règne rendent l'ensemble absolument fascinant. Les autres principaux stupas de Yangon (dont Sule Paya, qui doit figurer en tête de liste des plus beaux ronds-points du monde) sont à visiter au préalable, histoire de ne pas être blasé.

Une ville bien vivante

Il n'est pas aisé de se frayer un chemin sur les trottoirs des rues principales du centre (Mahabandoola Road et Anawrahta Road, entre autres), qui grouillent de marchands et de petits restaurants de rue. Sans compter les vendeuses ambulantes aux joues fardées de thanaka, qui chantent leurs produits, un panier de fruits ou de légumes frais en équilibre sur la tête.

Guère plus calmes, les marchés regorgent de tout ce que le pays peut offrir : denrées fraîches et tissus à bon prix au Theingyi Zei ; vêtements plus chics, antiquités et souvenirs touristiques au Bogyoke Aung San Market. Pour se déplacer entre ces endroits, emprunter un rickshaw birman, un side-car à pédales où les passagers sont assis dos à dos, est une expérience sympa, économique et qui réserve en prime quelques émotions fortes dans le trafic (en plus d'une bonne dose de gaz d'échappement).

Les maisons de thé

Après avoir flâné dans la ville, rien de mieux que de se poser dans une maison de thé traditionnelle. Véritable institution birmane où l'on se retrouve, assis sur des tabourets lilliputiens, à discuter pendant des heures en sirotant du thé vert (gratuit) et en grignotant de petites bouchées (samosas, beignets vapeur, riz gluant, soupes, salades de nouilles...), apportées par des serveurs dont la moyenne d'âge ne dépasse pas 10 ans. Installé jamais très loin d'amateurs de bétel qui crachent à intervalles réguliers leur rouge substance, on prend ainsi le temps de voir passer des écoliers, des ménagères, des moines qui viennent faire remplir leur boîte en laque de leur pitance quotidienne... Et Yangon devient plus calme, nonchalant, attachant.

Carnet pratique

Formalités: les choses changent vite en Birmanie depuis l'ouverture du pays à plus de démocratie, en 2011. Les touristes affluent, les prix augmentent; en contrepartie, les règles s'assouplissent (mais il est toujours nécessaire d'obtenir un visa avant d'arriver au pays), les zones interdites aux étrangers se réduisent et on trouve désormais des guichets automatiques dans la plupart des agglomérations.

HÉBERGEMENT

Governor's Residence

Pour un séjour de luxe dans une superbe résidence coloniale. Comptez un minimum de 300$ la nuit.

May Fair Inn

Un agréable petit hôtel familial, bien tenu et bien placé. Chambre pour deux personnes à partir de 30$ la nuit.

57, 38th Street, Yangon

RESTAURANTS

Shwe We Htun

Les maisons de thé offrent une restauration rapide qui permet de goûter à de nombreuses spécialités locales, dont la mohinga (soupe traditionnelle de poisson et de nouilles agrémentée de coriandre fraîche), qui se déguste le matin et remplace avantageusement les petits-déjeuners offerts gratuitement dans la plupart des hôtels. Shwe We Htun est une excellente adresse, pleine d'atmosphère et de bons plats.

81, 37th Street, Yangon

Monsoon

Un superbe restaurant installé dans une maison coloniale, parfait pour goûter à la variété de la cuisine birmane, si vous ne voulez pas vous aventurer à la restauration de rue (abondante et de bonne qualité).

BONNES ADRESSES

Lokanat Art Gallery

Une galerie d'art qui permet d'admirer les oeuvres d'artistes locaux, et un vieil immeuble colonial vu de l'intérieur.

62, Pansodan Street, Yangon

Pomelo

Une boutique qui se fait la vitrine de petits artisans birmans. On y trouve quantité d'objets de déco, de vêtements et de bijoux, tous plus originaux les uns que les autres.

89, Theinbyu Road, Yangon