Déjà accablée par des mouvements politiques en 2008 et 2009, l'industrie touristique en Thaïlande s'inquiète de nouveau d'un rétrécissement de l'activité, après cinq jours de manifestations à Bangkok susceptibles de ternir l'image du pays.

Les amateurs de massages, cuisine épicée et autres temples bouddhiques n'ont guère goûté le déploiement de 50 000 membres des forces de l'ordre pour contenir les manifestants, qui réclament la chute du gouvernement.

Encore moins le déversement dans des endroits stratégiques de la ville de litres de sang censés symboliser le combat du peuple pour la démocratie.

Les «chemises rouges», partisans de l'ex-premier ministre en exil Thaksin Shinawatra, n'ont montré aucune animosité envers qui que ce soit.

Mais le mouvement s'inscrit dans la continuité des manifestations violentes d'avril 2009 (2 morts), et du blocage des aéroports de Bangkok pendant neuf jours fin 2008, par le fait cette fois des «chemises jaunes» royalistes, viscéralement anti-Thaksin.

Selon Surapol Sritrakul, président de l'Association des agents de voyage thaïlandais, l'activité du secteur a chuté de 20 à 30% par rapport à la même période l'an passé, notamment par le fait des voyageurs asiatiques.

«Le sang fait peur. Beaucoup de gens pensent que les manifestations pourraient devenir violentes. Ce n'est pas une bonne image pour la Thaïlande», regrette-t-il.

Selon l'Autorité du tourisme thaïlandais, 38 pays ont émis des messages de prudence à l'égard de leurs ressortissants à l'approche du week-end dernier.

Depuis le coup d'État militaire de 2006 qui a renversé Thaksin sans effusion de sang, la réputation du pays est plus fragile. Le «pays des 1.000 sourires» est aussi devenu celui des actions politiques imprévisibles, même si les touristes ne sont pas pris pour cibles dans les joutes internes thaïlandaises.

«La tolérance des touristes diminue. Ils se disent qu'ils vont être bloqués, qu'il y aura encore des problèmes. C'est toujours une question de sécurité. Je pense que c'est vraiment néfaste sur le long terme», estime le cadre d'une grande marque hôtelière sous couvert de l'anonymat.

Avril, en Thaïlande, est le mois du nouvel an traditionnel ou «Songkran», une période très festive. Mais les réservations pour 2010 ne sont pas brillantes.

«On a perdu 25 millions de bahts (54 000 euros) depuis le 11 mars. Mais ce qui m'inquiète, ce sont les réservations pour avril. Leur rythme est à la baisse. Il est encore supérieur au nombre d'annulations, mais ce n'est pas très dynamique», ajoute le responsable hôtelier.

Parfois, les groupes parviennent à convaincre leurs clients, en particulier les entreprises, de délaisser Bangkok pour les plages de sable blanc du sud du pays, relève Bill Barnett, patron d'une entreprise de consultants installée sur l'île de Phuket.

Mais il confirme que l'industrie aurait sérieusement besoin d'un peu de calme. La Thaïlande est aussi restée dans les mémoires de certains voyageurs comme un pays touché par le SRAS (Syndrome respiratoire aigu sévère), une pneumonie foudroyante, et surtout par le tsunami de 2004, qui a fait presque 5.400 victimes en Thaïlande.

«Les chiffres du tourisme suivent en général des cycles, mais ici c'est très volatile. À la place des sommets et des trous, on dirait un électro-cardiogramme après un infarctus», résume Bill Barnett.