Ils dansent sur de la country, portent le lasso à la ceinture et arborent des sur-pantalons de cuir épais avec le légendaire chapeau à larges bords des cow-boys du grand Ouest des États-Unis. Mais ils sont en Isan, dans le nord-est thaïlandais.

Aux antipodes des grandes plaines américaines, la légende de la conquête de l'Ouest a pris racine dans ces terres plutôt pauvres du sud-est asiatique, où un festival rassemble chaque année des milliers de familles.

Il y a quarante ans, en pleine guerre du Vietnam, des troupes américaines étaient installées en Thaïlande et surveillaient la frontière avec le Laos, où une guérilla communiste prenait peu à peu le pouvoir. La force de pénétration de la culture américaine a fait le reste.

«On peut dire que ça vient de la guerre du Vietnam, mais la plupart des gens découvrent les cow-boys dans les films», explique Surasak Sitawanamas, propriétaire de l'hôtel Cow-boy City, où le festival s'est tenu au début de l'année.

Vêtu d'une veste en peau de mouton avec une fourrure sur l'épaule gauche, Surasak explique que son hôtel de 65 chambres, entièrement dédié à la culture cow-boy, est un rêve de gosse.

«J'aime les cow-boys depuis que je suis tout petit. Mes copains d'école et moi, on regardait les westerns et j'ai décidé qu'un jour, j'ouvrirais mon propre hôtel», dit-il sans oublier de citer John Wayne au panthéon de ses icônes personnelles.

Beaucoup viennent au festival pour apprécier l'ambiance et arborer un déguisement soigné. D'autres n'hésitent pas à parler de choix de vie, et défendent l'élevage de bétail comme une profession de foi.

Wilai Chomchono a choisi une chemise violette surimprimée de crânes de vache avec foulard réglementaire. Il porte pas moins de trois revolvers à la ceinture.

«J'étais l'un des premiers cow-boys de la région. J'ai vécu avec des chevaux toute ma vie, c'est pour ça que suis un cow-boy. Je m'habille tous les jours comme ça», dit-il.

La sono crache du John Denver, un chanteur américain détenteur d'une certaine tradition de la country, et qui a largement essaimé dans les karaokés d'Asie du sud-est depuis quarante ans.

Wilai regarde ses deux fils s'exercer au lasso et propose des promenades à cheval. Partout autour, on discute autour de feux de bois dans les effluves de cochon à la broche.

Seule la chaleur, l'extrême humidité et les faciès asiatiques rappellent qu'on est bien quelque part en Asie du sud-est.

À quelques kilomètres de là, de petits restaurants de rues proposent des soupes thaïlandaises solidement épicées à des clients captivés par un rodéo au texas, retransmis par une chaîne de télévision satellitaire.

«La région se prête bien aux cow-boys car nous sommes sur un plateau», explique le promoteur du festival Boonsong Singha, qui publie aussi une revue consacrée à la culture du far-west.

«La région est propice à l'élevage», ajoute-t-il. «Le chapeau protège du soleil, les bottes et le jean sont parfaits dans les champs».

Tout est permis au festival, y compris de venir déguisé en Apache ou en Comanche. Un cadre gouvernemental qui se fait appeler M. Oh arbore une splendide coiffe de chef indien, une tunique en daim et une série de colliers.

C'est la dixième fois qu'il vient au festival, où il vend quelques souvenirs. «Dès la première fois, j'ai réalisé que j'aimais vraiment ça. C'est la liberté qui m'attire. Les cow-boys et les Indiens ont une vie d'hommes libres».