La Birmanie dispose de quelques uns des plus beaux sites d'Asie du sud-est, mais son industrie touristique tourne au ralenti, en raison de la désastreuse réputation de la junte militaire au pouvoir qui pousse de nombreux touristes à boycotter la destination.

Depuis quelque temps, on peut survoler en ballon la plaine de Pagan (nord) et ses 4.000 temples, dont certains datent du 9e siècle. On repart rarement déçu de l'ex-capitale, Rangoun, porte ouverte sur le sous-continent indien saupoudrée d'architecture coloniale britannique.

Et le charme agit toujours sur les rives du lac Inle, au pied des massifs de l'Etat Shan (nord-est), autour duquel les minorités ethniques de la région échangent leurs produits.

Mais le tourisme, année après année, piétine: pas plus de 230.000 visiteurs étrangers l'an passé à l'aéroport de Rangoun, dont plus de la moitié étaient des touristes, selon des estimations officielles.

Car derrière la beauté se dresse l'uniforme et les lunettes noires du généralissime Than Shwe, le chef de la junte qui maintient en détention l'opposante et prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi, comme plus de 2.000 autres prisonniers politiques.

Certains, pourtant, refusent le boycottage. «Si personne ne vient, le pays sera encore plus pauvre, j'imagine. Donc je n'ai aucun problème à venir ici. Ca ne veut pas dire que je soutiens le régime», explique Dirk, un touriste belge.

«Je suis venu avec l'idée qu'autant que possible, j'éviterai les établissements d'Etat et n'irai que dans les pensions de famille privées», justifie de son côté Yasmin, une jeune Allemande. «C'est une façon de me faire ma propre idée sur ce qui se passe ici».

Les appels au boycottage se sont multipliés après la répression de la révolution de safran, en 2007. Mais les Birmans eux-mêmes questionnent cette stratégie.

La troupe de théâtre des Frères Moustaches, connue pour son ironie politique et dont l'un des comédiens, Par Par Lay, a déjà fait trois séjours en prison, n'a plus le droit de se produire devant les Birmans.

Mais il lui reste les étrangers. Les militaires «nous ont stoppés trois fois mais on n'écoute pas. Leurs ordres entrent par une oreille et sortent par l'autre», revendique Lu Maw, un autre membre de la troupe.

«Les appareils photos des touristes, les yeux des touristes, les oreilles des touristes, c'est ce dont nous avons besoin».

La junte sans doute l'a compris, qui limite au maximum les allées et venues des étrangers sur son sol, n'autorisant que l'accès à quelques sites choisis. «Ici (...), les touristes ne viennent pas. Ils passent dans le village sans s'arrêter. Seul le gouvernement en profite», regrette un pêcheur près de Rangoun.

Après avoir longtemps choisi l'isolement, les adversaires du régime prônent aujourd'hui l'ouverture, pour confronter la société birmane au monde extérieur. Mme Suu Kyi, depuis quelques mois, parle de nouveau avec la junte et milite pour une levée des sanctions occidentales. Les Etats-Unis et l'Union européenne ont eux aussi rouvert le dialogue.

Le tourisme participe du même objectif, estime Jacques Ivanoff, chercheur à l'Institut de recherche sur l'Asie du sud-est contemporaine (IRASEC), à Bangkok.

«Le boycottage renforce l'idéologie de la Birmanie, qui veut se renfermer sur elle même et ne pas s'ouvrir sur l'Occident», estime-t-il. «Le tourisme est une nécessité pour ouvrir le peuple birman aux réalités du monde extérieur».

«Même s'il n'est pas, selon moi, un bon vecteur de communication, s'il n'y a que ça, c'est mieux que rien».