«Comme il fait un peu froid, je fais chauffer les tasses avant de servir le thé.» Quand les petits gobelets sont bien chauds et que le thé commence à prendre sa couleur dans la théière, Sheng-Ru Wang met son chrono en marche. Elle veut s'assurer qu'on laisse infuser les feuilles du thé oolong pendant la bonne durée. Et l'eau doit être à 95 degrés, précise-t-elle.

Chez les Wang, on fait du thé depuis cinq générations. Ici, les moindres détails comptent, comme l'explique Sheng-Ru, en dégustant le thé comme d'autres hument le vin. «Les troisième et quatrième théières sont meilleures. On peut voir que, maintenant, les feuilles ne sont pas encore ouvertes», explique-t-elle avant de nous inviter dans l'arrière-boutique, où des employés nettoient les feuilles de thé de leurs impuretés.

 

Nous sommes dans l'est de Taipei, mais on pourrait aussi être n'importe où en Chine continentale, là où, selon la légende chinoise, la consommation du thé aurait débuté, il y a près de 5000 ans.

D'ailleurs, une bonne partie de l'est de la capitale taïwanaise a des airs de cette grande soeur chinoise: des rues étroites, congestionnées et pleines de néons, qui jouxtent les autoroutes où roulent les voitures qui laissent leur pollution dans l'air de la ville. Il y a aussi ces marchés de nuit animés, où la distinction entre l'île et le continent est plutôt mince à première vue.

Au marché de la rue Hua Xi (métro Longshan Temple), on trouve de tout: des bébelles fabriquées ici ou en Chine, des jarrets de porc à déguster au coin de la rue, des serpents, des masseuses de pieds, des diseuses de bonne aventure... Un joyeux mélange qui justifie cette traversée du Pacifique, qui exige quelque 13 heures depuis Vancouver.

Quand on demande au directeur du Bureau de l'information gouvernementale, David Chen, d'expliquer ce qui fait la particularité de Taiwan, il insiste beaucoup sur ce qui a été conservé à Taiwan. «On a gardé les vraies traditions chinoises ici», dit-il, ajoutant, à propos de la Chine voisine, «ce qu'ils n'ont pas là-bas à cause de la Révolution culturelle».

Cette culture chinoise passe par une quasi-vénération du grand sage Confucius, qui a son temple à Taipei. Lors de notre passage, en février, des écoliers pratiquaient déjà la danse qu'ils exécuteront en son honneur (et celui de leurs enseignants) le 28 septembre prochain. C'est vous dire tout le sérieux qu'on y met...

En fait, la ville - ou plutôt l'île au complet - regorge de temples. En face de celui de Confucius, j'ai bien apprécié le temple Bao-an, qui grouille de gens venus faire leurs offrandes en espérant obtenir la santé en échange. Ici, on vénère le dieu de la médecine depuis 1830.

Il y a même une section du temple consacrée aux parents qui désirent avoir un enfant. «Pour une fille, on offre des fleurs blanches. Pour un garçon, ce sont des rouges», dit Wang Hsueh-er, comptable retraitée devenue bénévole.

Pour la culture qui offre, disons, une touche plus moderne, on se rend à la station de métro Ximen, à côté de Longshan. Comme les Coréens qui ont profité de folles décennies de croissance, les jeunes ici songent à l'avenir qu'ils espèrent radieux, éclairés par les néons de la ville.

Ximen, c'est le secteur qui bouge, où les étudiants débarquent le soir. Les rues du quartier sont pleines de boutiques de marques de moyenne gamme originaires de Hong Kong, comme Esprit, Baleno ou Giordano.

Les plus vieux - et plus fortunés - préfèrent l'ouest de la ville, le quartier autour de la fameuse Tour 101 qui, du haut de ses 508 mètres, a pu pendant un temps revendiquer le titre de plus haute tour du monde. Pour moins de 15 $, un ascenseur vous expédie à l'observatoire du 89e étage en 37 secondes. Autrement dit, la boîte de métal dans laquelle vous vous trouvez monte à environ 60 km/h!

Pour vous rendre là-haut, choisissez une journée où il fait un soleil radieux. Sinon, vous apprécierez comme moi... la vitesse à laquelle bougent les nuages! Pour la vue à couper le souffle, il faudra repasser.

Dans le complexe qui jouxte la tour, j'ai compté pas moins de six étages de Louis Vuitton, Gucci, Bulgari, Cartier, Dior et autres grandes marques. Les trentenaires friqués ressemblent dans leurs quartiers aux Tokyoïtes, férus de grandes marques qui déambulent avec leurs sacs à la main. Au pied de la tour, on trouve aussi un Maxim's de Paris pour casser la croûte.

Mais pour être honnête, pas besoin de Maxim's pour satisfaire son palais. Taiwan est un des endroits en Asie où j'ai le mieux mangé. Il y a bien sûr des plats de différentes provinces de Chine bien apprêtés, mais l'occupation japonaise - qui s'est terminée avec la Deuxième Guerre mondiale - a aussi laissé une influence plus que positive. J'ai ainsi pu savourer à Taipei des sushis aussi bons que ceux du port de Tokyo.

Ainsi, Taiwan m'a rappelé qu'un voyage, ça passe aussi par les papilles gustatives.

 

À la gloire de Chiang Kai-Shek

Difficile de passer à Taipei sans le remarquer. Le monument à la mémoire de Chiang Kaishek rappelle le passé pas si lointain où les communistes ont pris le pouvoir en Chine, en 1949. Pour y échapper, les leaders de Guomindang, avec Chiang Kai-shek à leur tête, se sont réfugiés dans la petite île de Taiwan. L'homme est devenu président et l'est demeuré jusqu'à sa mort en 1975. En quittant Pékin, les troupes de Chiang Kaishek ont apporté avec elles plusieurs objets précieux de la Cité interdite. Ces objets sont aujourd'hui exposés dans le nord de la capitale, au musée du Palais national.

 

Repères

> Nom officiel

République de Chine. À ne pas confondre avec la République POPULAIRE de Chine, celle de Mao, dont les côtes se trouvent à quelque 150 km au nord-ouest.

> Population

23 millions de Taïwanais répartis dans une île qui fait environ 400 km par 145 km, soit la moitié de la superficie du Nouveau-Brunswick.

> Monnaie

Nouveau dollar taïwanais. Un dollar canadien vaut environ 28 NDT.

> Langue officielle

Le mandarin. À quelques nuances près, il s'agit de la même langue qui est parlée à Pékin. Les Taïwanais utilisent toutefois les caractères chinois traditionnels, plus complexes. Les jeunes parlent suffisamment anglais pour aider les touristes perdus et les principales pancartes sur la route sont bilingues (mandarin-anglais).

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Les frais de ce reportage ont été payés par le Bureau d'information gouvernementale de Taiwan.