«Attention! Regardez à droite dans l'arbre en face de la bouée, c'est un martin-pêcheur à ventre roux. Il a un poisson dans le bec», lance le guide.

D'une taille beaucoup plus grande que notre martin-pêcheur du Québec, l'oiseau au long bec et à la poitrine rougeâtre est spectaculaire. Nous sommes au début de notre excursion d'observation d'oiseaux, mais notre attention est plutôt attirée vers ce pétrolier d'au moins 300 m de long qui navigue tout près de nous sans que la faune ailée ne semble dérangée. Derrière lui, pas très loin, suit un immense cargo, haut comme un édifice, qui transporte des centaines de conteneurs provenant de Chine. Sur le canal de Panama, notre embarcation de 7 m paraît microscopique.

Loin d'être une ligne rectiligne où passent de gigantesques bateaux 24 heures sur 24, le canal devient une véritable mer intérieure qui compte une multitude de baies et d'îles à la végétation luxuriante et extrêmement variée. Les nombreuses excursions sur l'eau permettent de découvrir cette autre facette de l'ouvrage titanesque. S'il est possible de traverser en partie ou en totalité les 77 km du canal, un trajet d'une durée de 10 heures, on peut aussi participer à différentes excursions, certaines en kayak, pour observer la faune. Ses eaux sont également prisées des pêcheurs sportifs, notamment pour ce «peacock bass», un poisson d'origine sud-américaine qui ressemble à s'y méprendre à une perchaude géante.

Là où tout n'était que jungle 

Nous sommes à Gamboa, à l'entrée du lac Gatun, créé lors de la construction du canal, il y a 100 ans. À l'époque, ce territoire n'était que jungle. Le nouvel écosystème a été formé lors de la construction du barrage empêchant la rivière Chagres de se jeter directement dans l'Atlantique. Le bassin de 400 km2 permet de maintenir un niveau d'eau suffisant à la circulation des bateaux, particulièrement en saison sèche. Chaque passage de navire dans les trois réseaux d'écluses exige... 236 millions de litres d'eau soustraits du réservoir.

Gamboa est un minuscule village qui compte quelques hôtels et d'où partent un grand nombre d'excursions. Bon nombre de travailleurs affectés au dragage du canal logent ici. Des travaux presque quotidiens sont menés à l'aide de dragueurs équipés de pelles, d'aspirateurs et de tuyauteries impressionnants, des équipements omniprésents le long du canal. La Chagres charrie des tonnes d'alluvions, surtout pendant la saison des pluies. Il faut donc nettoyer constamment la voie principale. D'ailleurs, le dragage a repris de plus belle avec l'agrandissement du canal, qui devrait permettre à des géants encore plus géants de traverser le continent.

Nature grouillante

Mais en s'éloignant de la voie empruntée par les gros transporteurs, le canal dévoile son autre personnalité. Une eau plutôt claire, des forêts tranquilles mais grouillantes de vie. C'est le cas de ces mignons tamarins à nuque brune, des petits singes de la taille d'un gros écureuil, qui ne se gêneront pas pour quémander un fruit si votre embarcation accoste. Là-bas, sur un arbre, le guide nous montre un paresseux et, plus loin, ces minuscules chauves-souris grises qui sommeillent. Quant aux oiseaux, ils sont innombrables. Le Panama est l'une des destinations les plus prisées au monde des ornithologues amateurs.

Sur les rives, les nombreux échassiers se laissent observer comme ces courlans bruns aux becs démesurés, étrangement familiers, ou encore ces majestueuses aigrettes bleues. Là, c'est un groupe de vanneaux qui se donne en spectacle. Les pattes et les becs sont rouge vif, la poitrine noire et la tête dotée d'une jolie petite huppe. Tiens, une talève violacée, une espèce de poule d'eau aux coloris spectaculaires.

Plusieurs rapaces sont aussi au menu, comme le milan des marais, très abondant, une présence qui prend de l'ampleur avec la progression d'un gros escargot envahissant. Le milan l'adore. Là où l'eau est peu profonde, nous apercevons des tortues qui sont parfois très nombreuses.

Le plus étonnant? À moins de 1 km d'une des voies fluviales les plus fréquentées au monde, nous surprenons aussi des crocodiles en train de se prélasser sur les rives vaseuses.

L'un des aspects les plus spectaculaires du canal de Panama demeure néanmoins le passage des énormes bateaux dans les écluses, que l'on peut observer aux premières loges à Gatun et au Centro de visitantes de Miraflores, tout près de la capitale. Les visiteurs suivent la progression des navires centimètre par centimètre pour ensuite les voir monter ou descendre selon leur direction. Et pourquoi ne pas devenir capitaine en conduisant un bateau dans le poste de pilotage virtuel de l'intéressant musée?

Photo Digital/Thinkstock

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Le canal de Panama en bref

Ouvert en 1914. Quelque 20 000 ouvriers sont morts au cours de la construction, en presque totalité en raison de la malaria, dont la cause n'était pas connue à l'époque.

• Longueur: 77 km

• Situation: 26,5 m au-dessus du niveau de la mer

• Trafic annuel: 14 000 navires, soit 5% du trafic mondial

• Temps de transit: de 8 à 10 heures

• Main-d'oeuvre permanente: 9500 travailleurs

• Main-d'oeuvre affectée à l'agrandissement du canal depuis le début des travaux en 2007: 35 000