Viva la muerte! Les 1er et 2 novembre, tout le Mexique fête ses morts. Dans la région du lac de Patzcuaro, au centre du pays, les célébrations, de nuit comme de jour, sont empreintes d'une féérie particulière entretenue par les Indiens purépechas. Tour du lac, des villages pittoresques et des cimetières festifs... ainsi que de quelques endroits à éviter.

Contempler à la lueur des cierges les visages des Indiens purépechas agenouillés sur les tombes de leurs ancêtres, sur les tapis de fleurs orange qui donnent à l'obscurité une splendeur particulière, et admirer, dans les volutes d'encens et de copal, l'authenticité poignante et immuable de cette veillée des défunts: c'est vivre la nuit des Morts à Patzcuaro.

Observer, le lendemain, le ballet des voitures débordant de couronnes en route vers le cimetière, la procession des femmes voûtées sur les offrandes, la valse des musiciens au milieu des tombes, que les familles nettoient et repeignent en des couleurs toujours plus vives, avant de s'y installer confortablement pour un festin qui durera jusqu'au soir: c'est vivre le jour des Morts à Patzcuaro.

Autour de cette petite ville de 50 000 habitants de l'État du Michoacán, se déroule chaque année la magie de la fête mexicaine des morts, peu à peu remplacée par l'Halloween anglo-saxonne dans le reste du pays. Dévaler les ruelles escarpées de Patzcuaro, se faufiler entre ses façades blanches aux toits rouges, arpenter la belle place Vasco de Quiroga et s'extasier devant l'artisanat local n'est que la première étape du voyage. La deuxième, qui demande une certaine vigilance, consiste à ne pas vous laisser entraîner, le soir du 1er novembre, dans la classique excursion dans l'île de Janitzio.

Depuis quelques années, il semble qu'il y ait une décision de canaliser les touristes vers cette île que les locaux ont désertée. On les comprend: l'an dernier, près de 20 000 visiteurs ont envahi cet espace peuplé de 2500 habitants! Ambiance au cimetière de Janitzio: hordes de touristes piétinant les tombes et les offrandes. C'est la manière la moins authentique d'assister à ces célébrations, normalement intimes et solennelles. En outre, dans la nuit, il n'est pas aisé d'apprécier le spectacle que les pêcheurs locaux donnent sur le lac en faisant virevolter leurs filets.

La réussite de votre nuit des Morts réside dans votre capacité à vous éloigner de Patzcuaro, Janitzio et des excursions organisées, pour vous perdre dans les villages des alentours. Pour les moins aventureux, certaines «visites guidées alternatives» font leur apparition, plus respectueuses des traditions. Hasardez-vous dans les cimetières des patelins qui bordent le lac. Laissez-vous gagner par cette atmosphère ténébreuse et fascinante, laissez-vous hypnotiser par la gravité de l'instant, ces vivants unis en prières à leurs morts.

À Tzintzuntzan, village qui fait honneur à son nom festif, vous pouvez assister en pleine nuit à un festival de danses et musiques folkloriques, avec la comique danza del viejito (danse du petit vieillard). Le lendemain, jour des Morts, préparez-vous à une explosion de couleurs autour du lac et dans les campagnes. Les arches de fleurs et de fruits du cimetière d'Ihuatzio vous laisseront pantois.

À Tzintzuntzan, visitez le jardin des oliviers du monastère franciscain et achetez des poteries sur le marché. Respirez l'enchantement rural de Santa Fe de La Laguna et suivez le défilé des habits chamarrés qui convergent vers le cimetière. À Erongarícuaro, paisible village où l'écrivain André Breton avait trouvé refuge, les autels en honneur aux défunts débordent des portiques sur la place.

Un peu partout vous entendrez les gens rire, vous verrez des orchestres jouer sur les tombes des airs de mariachis ou de musique norteña... À Patzcuaro, dans le contraste entre le recueillement nocturne et les réjouissances de la journée, transparaît la relation complexe, pleine d'humour et de respect, que les Mexicains entretiennent avec la mort.

Autels des morts: fleurs, photos et crânes en sucre

Les altares de muertos sont l'une des traditions les plus impressionnantes du jour des Morts. Les racines préhispaniques de cette fête, célébrée depuis plus de 3000 ans, imprègnent encore aujourd'hui les rituels.

L'hommage aux ancêtres défunts du calendrier aztèque a été fusionné à la célébration chrétienne. De ce même syncrétisme provient la coutume de disposer des autels en mémoire des morts dans tous les foyers, installations qui mêlent cosmovision préhispanique et symboles chrétiens.

Un autel peut s'élever sur différents niveaux, le plus commun étant l'autel à sept niveaux, qui symbolisent les étapes que l'âme doit franchir avant de trouver le repos.

Un autel de base doit comporter: une photo du défunt, une image de la Vierge ou du saint de prédilection du défunt, des cierges, une croix de sel pour purifier les esprits et une croix de cendres pour aider les âmes à sortir du purgatoire, des fruits, des infusions d'herbes aromatiques et de la résine de copal, le pan de muerto (le pain des morts) et les incontournables crânes en sucre. Il doit être entièrement décoré de papiers de couleur aux motifs de squelettes découpés et de cempoalxochitl - les «fleurs des morts» -, avec lesquels on peut confectionner une arche qui surmonte l'autel.

Fin octobre, sur les places des villes et des villages mexicains ont généralement lieu des concours d'autels.

Repères

Comment se rendre à Patzcuaro?

Patzcuaro se trouve à seulement 53 km de Morelia, magnifique capitale de l'État du Michoacán. En arrivant de Mexico, il est recommandé de louer une voiture ou d'emprunter l'une des confortables lignes d'autocars qui partent de la gare d'Observatorio et qui vous emmènent à Morelia et Patzcuaro en quatre heures. L'excursion autour du lac fait environ 60 km.

Patzcuaro étant située à 2140 m d'altitude, il faut s'attendre à des nuits fraîches en novembre (entre 7 et 10 degrés), même si la température grimpe facilement au-dessus des 20 degrés durant les journées ensoleillées.