Tout près de la ville des Cayes, dans le sud-ouest d'Haïti, se trouve une petite île d'à peine 15 km de large. L'Île-à-Vache est un coin de paradis tranquille, authentique et sans voiture. Elle est toutefois le point de mire des investisseurs, qui veulent en faire une destination touristique de luxe et de masse. Visite, avant qu'il ne soit «trop tard».

Aux Cayes, nous prenons le bateau de l'hôtel au port, plutôt décrépit et sale. C'est peut-être en partie pour ça que les instigateurs du projet tiennent tant à leur aéroport international. En arrivant dans la baie de l'hôtel Port Morgan, nous apercevons le bâtiment principal de style gingerbread, emblématique d'Haïti. Sur place, il y a pour le moment 24 chambres, dans le bâtiment principal et dans quatre maisonnettes climatisées juchées sur le haut de la colline, avec vue sur la baie.

Le propriétaire, Didier Boulard, Français d'origine, s'est retrouvé dans l'île par hasard, lors d'un voyage en voilier. «Après trois nuits de tempête, l'accueil de la population et le calme de l'environnement nous ont donné le goût de rester plus longtemps. Il y avait un charme particulier ici, complètement différent de ce que nous avions visité pendant 18 mois dans le reste des Antilles», raconte-t-il. C'était il y a 26 ans. Il aura fallu une dizaine d'années pour construire l'hôtel, qui a maintenant 15 ans.

L'art de ne rien faire... ou presque

Entre la piscine et les quelques transats de l'autre côté de la baie, nous en profitons pour bouquiner, nous laisser flotter dans la mer et faire la sieste au son des vagues sur une plage qui n'est pas encore bondée de touristes.

Par une belle matinée, nous prenons une pause de notre farniente et marchons jusqu'à l'autre hôtel de l'île, Abaka Bay, à l'anse Dufour. Sur le petit chemin de terre, tout le monde nous salue doucement, sans tenter de nous vendre quoi que ce soit.

Un autre matin, nous sillonnons une partie de l'île à vélo jusqu'à Madame-Bernard, la «ville» de l'île, à environ 5 km à l'est de Port Morgan. Sur notre chemin, quelques habitants sont rassemblés sous un manguier pour discuter du fameux projet d'exploitation touristique, qui risque de les déloger ou les déposséder d'une partie de leurs terres.

Plus ça change, moins c'est pareil

L'Île-à-Vache compte actuellement deux hôtels confortables, ainsi que quelques bungalows modestes au bord de l'eau. Au total, donc, moins de 100 chambres. Le projet Destination Île-à-Vache devrait être réalisé d'ici deux ans, selon la ministre du Tourisme, Stéphanie Balmir Villedrouin. Quelque 1000 chambres et 2500 villas s'ajouteront à l'offre. Une route bitumée d'un bout à l'autre de l'île et un aéroport international seront aussi construits.

Une pétition contre le projet circule actuellement parmi les habitants, qui mènent une vie paisible, rythmée par la pêche, l'agriculture et l'élevage. Les représentants de l'État assurent qu'ils se préoccupent de leur sort. «Le gouvernement mettra en place un ensemble de projets sociaux susceptibles de favoriser l'implication de tous les habitants dans l'exécution de ce vaste plan de développement», a déclaré Rosanne Auguste, ministre chargée des droits de l'homme et de la lutte contre la pauvreté extrême, en conférence de presse en mars dernier.

Paroles de politiciens ou actions concrètes? Quoi qu'il en soit, il faut aller maintenant à l'Île-à-Vache pour jouir de son indéniable charme tranquille.

S'y rendre

De Montréal, Air Canada et Air Transat offrent des vols directs vers Port-au-Prince.

Un taxi de Port Morgan peut venir vous chercher à l'aéroport pour 25$US. Il faut prévoir 110$US la nuit par personne, trois repas inclus, pour une chambre standard ventilée. Boissons, taxes et pourboires en sus.

www.port-morgan.com