À son arrivée au pouvoir, il avait été formel: Fidel Castro ne voulait ni statues, ni rues à son nom. Pourtant le père de la Révolution cubaine, qui a 90 ans samedi, n'a pu empêcher l'essor d'un culte de la personnalité sur l'île communiste.

Aux yeux des touristes, toujours plus nombreux à Cuba, son image est d'ailleurs l'une des grandes attractions du pays, uniquement concurrencée par celle d'Ernesto «Che» Guevara, l'autre icône révolutionnaire, exécuté il y a près de 49 ans en Bolivie.

Difficile pourtant de croiser par hasard Fidel Castro, retiré du pouvoir depuis dix ans et pratiquement inaccessible.

Il ne reçoit que de rares visites de personnalités dans sa maison à La Havane, que peu de personnes seraient capables de situer sur une carte. Plus rares encore sont ses apparitions publiques ou la publication de photos récentes de lui.

Une discrétion qui contraste avec son omniprésence pendant ses cinq décennies au pouvoir, avant de laisser la place à son frère Raul quand il est tombé malade en 2006.

Des générations de Cubains ont grandi avec l'image permanente de Fidel, même si ce dernier s'est toujours opposé à tout culte autour de lui.

«Je suis hostile à tout ce qui peut ressembler à un culte de la personne (...) et il n'y a pas une seule école ou usine, ni un seul hôpital ou bâtiment, qui porte mon nom», confiait Fidel Castro au journaliste français Ignacio Ramonet, ancien directeur du Monde diplomatique, dans un livre d'entretiens publié en 2006.

«Il n'y a pas non plus de statues et pratiquement pas de portraits à mon effigie», ajoutait-il.

Mais, qu'il le veuille ou non, son image l'a largement dépassé.

«Fidel est un modèle qui sera toujours vivant pour tous les Cubains», assure Celia Gomez, psychologue de 27 ans interrogée par l'AFP sur la place de la Révolution de Sancti Spiritus, face à une affiche avec trois photos du commandant: le jeune impétueux, le dirigeant serein puis l'homme âgé.

Une application mobile

Alors qu'il approche des 90 ans, les médias de l'île, contrôlés par l'État, ont lancé la campagne «Fidel parmi nous», rassemblant articles, photos, documentaires et entretiens.

Une université de la province de Santa Clara a poussé la dévotion jusqu'à créer une application mobile du même nom, recensant informations biographiques, petites phrases et anecdotes célèbres, en dépit du très difficile accès à internet sur place.

Parmi les 285 musées que compte Cuba, aucun n'est dédié à Fidel Castro mais il est présent dans une dizaine d'entre eux comme dans le musée de la Révolution à La Havane où il apparaît en sculpture aux côtés du «Che» et de Camilo Cienfuegos, l'autre héros de la Révolution, décédé en 1959 dans un accident d'avion.

Dans celui de la plage Giron, on trouve des armes, des uniformes et des photos de la fameuse bataille de la baie des Cochons, quand Fidel a tenu en échec l'invasion en 1961 par un millier d'exilés cubains armés par les États-Unis.

Alors que Washington et La Havane ont entamé un réchauffement diplomatique en 2015, les visiteurs nord-américains aiment chercher sur l'île des preuves de la légende autour de Fidel.

«Pendant longtemps nous avons entendu parler de Cuba et de la Révolution et nous voulions voir de nos propres yeux comment était la réalité», confie à l'AFP Jacqueline Rubio, enseignante à la retraite de 72 ans.

Pour leur premier voyage à Cuba, Diego Ceboy, 32 ans, et Lobrien Gonzalez, 31 ans, couple d'ingénieurs espagnols, ont parcouru l'île en faisant étape dans les lieux emblématiques de la Révolution: La Havane, Cienfuegos, Trinidad et Santa Clara.

«Nous venons d'un village proche de celui du père de Fidel (Lancara, ndlr), qui doit être à 50 kilomètres», explique Lobrien à l'AFP, avant d'ajouter: «Cela nous motive de savoir que (Fidel) avait des origines galiciennes».