J'ai dû l'entendre mille fois. «Quoi? Toi la gourmande, tu t'en vas à Cuba? Tu sais que tu vas mal manger...» «Cuba, ohhhh, pas exactement gastronomique!» «Une critique de resto à Cuba, la pire combinaison possible...» C'était une sorte de conspiration. Un choeur entonnant le même refrain: Cuba = mal manger. C'est donc ravie à l'idée de faire une cure de désintox pour mon foie et mon estomac, presque prête au jeûne thérapeutique, que je suis partie à l'hiver pour l'île de Fidel. Enfin, me disais-je, de vraies vacances.

Erreur. Quelques jours avant mon départ, je passe un coup de fil à Robert Beauchemin, ex-collègue et grand gourmet connaisseur de La Havane. «Ce n'est plus du tout vrai, me dit-il. Prends la peine de chercher, tu vas voir, tu peux bien manger.»

Quoi? Je vais devoir faire mes recherches, trouver, dénicher? Courriels ici et là à des Cubains que j'aime bien, dont une artiste qui me revient avec une liste de bons restos à essayer. «Et n'oublie pas de faire des réservations.» Et comme de fait, je me retrouve devant des restos pleins, des adresses adorables et des bouchées bien délicieuses.

Cuba, vous l'aurez compris, est en train de se transformer. Et la scène gastronomique à La Havane n'est plus le désert de mauvaises conserves qu'elle était aux yeux de beaucoup il n'y a pas si longtemps. On peut maintenant manger tout à fait correctement. Et même pas mal bien dans des restaurants parfois totalement typiques, parfois contemporains.

Voici ceux que j'ai préférés: 

Paladar Dona Eutimia

Dona Eutimia est un paladar, donc un de ces restaurants démarrés dans une maison privée, établissements tolérés à côté des restaurants officiels étatiques. De toutes les tables que j'ai essayées, c'est là que j'ai le mieux mangé. Des crevettes, du poulet grillé, du riz, des pois chiches ou des haricots en sauce particulièrement savoureux. C'est de la cuisine traditionnelle, voire ménagère, qui n'essaie pas d'être chic ou moderne, mais qui se donne la peine d'être délicieuse, avec assez de sel, de piment, d'herbes, de mijotés, de cuissons à point. On peut manger sur la terrasse dans la rue - le restaurant est au fond d'un cul-de-sac assez pittoresque, à deux pas de la magnifique place de la Cathédrale.

Callejon del Chorro # 60-C

Plaza de la Catedral

Habana Vieja

El Cocinero

On est dans le quartier Vedado, loin du quartier le plus touristique, et on se croirait à Miami tellement cet espace d'art et de gastronomie, installé dans une ancienne usine et dominé par une haute cheminée, est moderne et à la page. Qu'on mange au bar sur le toit ou à la terrasse à l'étage, c'est absolument charmant, notamment en raison du mobilier contemporain ou des oeuvres d'art sur les murs. La cuisine est moderne, fine, mais préparée à partir d'ingrédients locaux comme l'avocat ou les crevettes. On peut choisir un vin sur la carte proposant surtout des crus latino-américains, mais on peut aussi se limiter aux mojitos classiques, frais, qui accompagnent très bien la nourriture tropicale. Ce qui est charmant, c'est aussi d'aller faire un tour, avant ou après le repas, à l'espace culturel adjacent, la Fabrica de arte cubano, une sorte de combinaison de l'espace d'exposition, de boîte de nuit, de souk de design actuel, de lieu de performance, où se retrouve la jeunesse havanaise souriante et heureuse de pouvoir s'y éclater.

Calle 26

Quartier Vedado

Téléphone : +53 7 8 382 260

D'Camino

Il n'est pas facile de trouver les fameux sandwichs cubains à Cuba. Pourquoi? Parce que ce n'est pas facile de commercialiser le cochon de lait de façon rentable avec de tels sandwichs, nous a-t-on expliqué... Il faut donc chercher un peu pour en trouver, mais au bout de quatre jours, bingo ! un chauffeur de taxi a su lire dans nos pensées et nous mener exactement au bon endroit pour déguster cette combinaison de pain moelleux, de porc rôti, de fromage fondu et de sauce au piment. Le lieu s'appelle D'Camino, dans le quartier Vedado. C'est tout ouvert façon casse-croûte en plein air, avec comptoir et un simple toit pour protéger de la pluie ou du soleil. On s'assoit sur des tabourets ou alors on commande pour emporter. Parfois, il faut attendre un peu parce que le lieu est populaire. Qu'importe.

Avenida 41 e/30 y 32

El Floridita

Je ne vais pas vous surprendre avec cette recommandation, mais elle demeure valable. Le bar préféré d'Ernest Hemingway demeure l'un des endroits très sympathiques de la capitale, touristique certes, mais néanmoins chouette, où l'on s'arrête pour prendre le cocktail ou un verre après le repas. On aime la déco pré-communisme, figée dans le temps, les musiciens qui jouent des classiques commerciaux latino-américains - du Buena Vista Social Club à Juan Luis Guerra - et les daïquiris en tous genres.

Obispo No 557

à l'angle de Monserrate

http://www.floridita-cuba.com