Voyager en plein Mondial au Brésil risque vite de tourner au calvaire, surtout pour les étrangers du monde entier non-initiés aux joies subtiles du transport aérien local.

Il n'y a en effet pas vraiment d'alternative raisonnable à l'avion pour traverser ce pays-continent de 200 millions d'habitants aux aéroports souvent vétustes, saturés, et manquant de liaisons intérieures.

Au sol, les routes sont encombrées, souvent en mauvais état. Les trains n'existent pas. Les grandes villes sont vite ultra-embouteillées, conséquence du manque de métros et de la mise en circulation de 10 000 nouvelles voitures par jour dans le pays.

Le Brésil espère recevoir 600 000 fans de soccer étrangers pendant le Mondial (12 juin au 13 juillet), qui s'agglutineront aux trois millions de Brésiliens circulant à travers le pays.

Dictature de l'avion

Le fan voulant suivre la Seleçao pendant toute la durée de la Coupe ne va pas améliorer son bilan carbone : après le match d'ouverture à Sao Paulo (sud-est), il s'envolera pour Fortaleza (nord-est), à 2370 km de distance, puis enchaînera sur Brasilia (centre-ouest), à 1700 km.

Il peut toujours opter pour l'autobus. Mais chaque voyage prendra au bas mot 24 heures. C'est la réalité du Brésil, un pays 17 fois grand comme l'Espagne.

Et gare aux spécialités locales. Le partisan allemand ou japonais ne doit surtout pas imaginer, par exemple, qu'il pourra acheter sur place un vol intérieur par internet avec sa carte de crédit. Car au moment de cocher la dernière case, le logiciel de la compagnie brésilienne réclame avec obstination un numéro d'identification fiscale, le CPF, dont seuls les résidents sont pourvus...

Pas de CPF, pas de billet électronique. Il faut courir au guichet de la compagnie à l'aéroport. Avec le risque d'y découvrir que les vols sont complets, ou qu'ils coûtent le prix d'un aller-retour pour Paris ou Miami !

Le gouvernement tente de négocier avec les compagnies aériennes domestiques une forte augmentation de leurs rotations quotidiennes pendant le Mondial et la mise en place de nouvelles liaisons à des prix accessibles.

Nids d'éléphants

Après le tirage au sort des groupes du Mondial vendredi, «l'offre des vols sera revue», avec des prix plus bas, promet un porte-parole de l'Association brésilienne des compagnies aériennes (ABEA) interrogé par l'AFP.

L'ABEA assure que les compagnies brésiliennes «ont la capacité» de répondre à la haute demande pendant le Mondial. Et juge «pas viable», pour des raisons de coûts, l'idée de permettre aux compagnies étrangères d'assurer des vols intérieurs pendant le Mondial.

Les travaux d'agrandissement des aéroports brésiliens ont pris beaucoup de retard. Or pendant la Coupe des Confédérations de juin dernier, répétition en miniature du Mondial avec seulement 3% de partisans venus d'ailleurs, les avions étaient pleins et les files d'attente déjà très longues.

Cinq aéroports ont été privatisés. Les deux derniers, le Galeao (international) de Rio de Janeiro et celui de Belo Horizonte, ne l'ont été que le 19 novembre et le contrat de concession ne sera signé qu'en mars... Autant dire que les améliorations en profondeur seront pour... après le Mondial.

L'ambitieux plan pour le Mondial impliquait aussi une importante modernisation des infrastructures de mobilité urbaine (autoroutes, tramways, lignes de bus express, etc.).

Une dizaine de ces chantiers ont été abandonnés. La plupart sont en retard. «Car c'est un peu comme changer un pneu sur une voiture en train de rouler», a justifié en juin le ministre des Villes, Aguinaldo Ribeiro.

«Le Brésil a perdu l'occasion de repenser l'infrastructure de ses villes», analyse Chris Gaffney, un urbaniste américain qui étudie l'impact des grands événements sportifs.

Les équipes qui joueront à Recife et leurs admirateurs peuvent prier pour que soit remise en état la route reliant la ville au stade. Pendant la Coupe des Confédérations, l'Espagne et l'Uruguay y avaient souffert le martyre : deux heures pour parcourir 30 km percés de «nids d'éléphants» inondés par des pluies torrentielles, au milieu d'épouvantables embouteillages.