Un voilier de 50 pieds, un équipage et des passagers québécois, la mer des Caraïbes, les îles Vierges britanniques et... des cocktails tous les soirs. Le décor est planté pour une semaine paradisiaque dans la «capitale mondiale de la voile».

«Prenez le temps de défaire vos valises et de vous installer dans vos cabines. Quand vous serez prêts, on vous attend dehors avec un petit cocktail d'accueil.»

C'est le premier contact avec le couple Michel Guerra et Michèle Riva, les propriétaires de Vacances sous voiles. Les Montréalais ont démarré leur entreprise dans les îles Vierges britanniques il y a sept ans.

Nous embarquons aujourd'hui pour une semaine à bord du Bleu Turquoise, un voilier de 50 pieds, quatre cabines et autant de salles de bains. Michèle agit comme hôtesse et cuisinière. Michel porte le titre officiel de capitaine.

Un couple de la région de Montréal sera aussi à bord; comme moi, ils ont réservé «à la cabine».

Il y a essentiellement trois moyens de fonctionner avec Vacances sous voiles: on peut réserver comme ça, à la cabine, auquel cas on passe le séjour avec des inconnus - qu'on apprend forcément à connaître. On peut aussi réserver le voilier en entier, en groupe. Par exemple, le coût pour six personnes avec équipage est d'environ 10 000$, nourriture et alcool compris, pour la semaine.

Enfin, ceux qui ont les compétences nécessaires peuvent louer un bateau sans équipage.

Vers l'île au trésor

Le cocktail ce premier soir est le Painkiller. C'est une délicieuse mixture de rhum brun, de jus d'ananas, de crème de coco et de muscade. On dit qu'il a été inventé ici, dans une île que l'on doit visiter plus tard cette semaine: Jost Van Dyke.

Chaque soir, à l'apéro, Michel et Michèle servent un cocktail différent dans le cockpit du bateau. Tandis qu'on regarde le soleil descendre, Piña Colada, Sea Breeze, Margarita, marquent les jours qui passent trop vite.

Ce premier soir, les passagers se présentent. Et tandis qu'on sirote nos verres, nos hôtes dressent en gros le portrait du déroulement de la semaine. Chaque fin de journée, explique Michel, on se positionne pour le lendemain matin. Par exemple, il est presque 18h. Exceptionnellement, nous allons nous rendre à moteur à notre destination, Norman Island, et prendre un mouillage dans la belle baie de The Bight.

Norman Island est une grosse butte de verdure avec de nombreuses grottes qui trouent ses côtes, idéales pour faire de la plongée en apnée.

Notre plan pour le lendemain: plongée en en matinée et voile en après-midi, histoire de se diriger lentement vers la destination du deuxième soir.

Vacances sous voiles mise sur une clientèle principalement québécoise. «Quand on a lancé notre compagnie, c'était quand même un défi: les îles Vierges britanniques n'étaient pas aussi connues des Québécois», explique Michèle Riva.

Sept ans plus tard, ce n'est toujours pas la destination la plus populaire chez les vacanciers de la province. «Je dirais que 60% de nos clients actuels sont des gens qui reviennent. Donc, c'est encourageant», dit-elle.

Michel Guerra a fait carrière dans la vente de matériel médical. Michèle Riva travaillait dans le domaine du marketing, de la publicité et des relations publiques. Friands de voile, amateurs des îles Vierges britanniques où ils venaient chaque année pour louer des voiliers, l'idée de démarrer leur propre compagnie leur est apparue comme l'évolution logique de leurs passions et intérêts communs.

Mais le territoire outremer du Royaume-Uni est reconnu comme étant la «capitale mondiale de la voile»; obtenir l'autorisation de démarrer une autre entreprise de location n'a donc pas été chose facile.

«En fait, après plusieurs mois, ça a débloqué quand nous avons rencontré le premier ministre, explique Michel. Nous lui avons expliqué que nous voulions nous adresser à des gens qui venaient très peu ici. Dès que nous avons dit ça, ses yeux se sont allumés...»

Carte postale

Comme chaque matin depuis presque une semaine, j'ouvre les yeux vers 8h. Après avoir pris le temps de bien me réveiller dans la couchette de ma cabine, à l'avant du bateau, je sors sur le pont et je plonge à l'eau.

C'est l'avant-dernière journée de la croisière. La mer est calme. Le café et le déjeuner attendent sur la table quand je sors de l'eau. Ce matin, ce sont des oeufs durs, des toasts et des fruits. Depuis une semaine, la cuisine est excellente et variée: saumon au barbecue, wraps de poulet avec cari et pommes, salades de couscous... Un bon mélange de goûts à la fois exotiques et familiers, jamais trop loin du réconfort des plats maison.

Avant de prendre la mer, on décide de faire une petite excursion sur la terre ferme, à la distillerie Callwood. L'entreprise familiale se targue d'être la plus ancienne fabrique artisanale de rhum des Caraïbes. Au milieu des champs de canne à sucre et de cocotiers, ça sent la fumée: les propriétaires distillent encore leur rhum en faisant des feux de bois.

Notre destination aujourd'hui est Jost Van Dyke, une île qu'on peut voir, pas trop loin à l'horizon. En ligne droite, ça nous prendrait à peine une heure pour nous rendre. Mais le vent s'est levé... Pourquoi faire une heure en ligne droite quand on peut en faire trois en zigzags, toutes voiles levées?

«C'est le gros avantage des îles Vierges britanniques et c'est la raison pour laquelle il y a tellement de gens qui viennent faire de la voile ici: c'est superbe, tout est rapproché, mais on a aussi de l'espace pour naviguer, si on en a envie», souligne le capitaine.

Notre élan est coupé par une averse torrentielle. La première vraie pluie de toute la semaine. Quand on arrive à Sandy Spit, un minuscule îlot de sable entouré d'eau turquoise, le grain est déjà passé et le soleil brille à nouveau. On passe l'après-midi dans un décor de carte postale.

Un dernier Painkiller

Le Soggy Dollar Bar, sur la plage de White Bay à Jost Van Dyke, tient son nom des dollars humides avec lesquels les plaisanciers paient leurs cocktails. C'est ici que le Painkiller aurait été inventé, dans les années 70.

Bordée de bars, de restaurants, d'hôtels et d'un terrain de camping, la plage est très populaire auprès des yachters qui sillonnent les îles, sans pour autant perdre son charme. Même en basse saison, vers la fin du mois de juillet, les bateaux à l'ancre sont nombreux près du rivage. «En hiver, c'est incroyable, note Michel. Il faut arriver tôt!»

Dans quelques minutes, on reprendra la mer pour notre dernière traversée. Ce sont nos dernières heures passées ensemble, nos derniers moments de navigation et tantôt, notre dernier souper... Demain matin, on se sépare.

À ce stade-ci, un dernier Painkiller apparaît comme le remède tout indiqué. Les deux pieds dans le sable et la tête sous les palmiers.