Aussi poussifs que charmants, les célèbres funiculaires qui gravissent depuis plus d'un siècle les collines de Valparaiso sont en péril, désarmés l'un après l'autre, joyau touristique du Chili survivant par le seul amour de machinistes.

La courte montée dans les «ascensores» de métal et de bois, au plancher couinant sous les pas, est un «must» de touristes, offrant une vue imprenable sur la baie de Valparaiso («la vallée du Paradis») et une élévation dans le quartier historique aux ruelles colorées, au charme bohême.

Ces vieux wagonnets sont un symbole du site, inscrit en 2003 au Patrimoine mondial de l'Unesco: un «témoignage exceptionnel» du «développement urbain et architectural de la fin du XIXe siècle en Amérique latine». Valparaiso était alors le premier port sur le Pacifique, l'escale après le Cap Horn.

Des 30 funiculaires qui fonctionnaient au tournant du 20e siècle, il ne reste que 15, six seulement en service, explique à l'AFP le chef des Funiculaires municipaux, Luis Segovia. Et tous font leur âge, requérant des soins quotidiens, «comme aller chez le gériatre».

Jadis hydrauliques, puis à vapeur, à présent électriques, ils ont gardé une la mécanique d'origine, «allemande, française, ou anglaise, mais c'est nous qui fabriquons les pièces de rechanges», faute évidemment de marché, dit Segovia.

Les «ascensores» de Valparaiso sont classés Monuments historiques du Chili, mais leur statut hybride les menace.

Neuf d'entre eux -dont trois en service- appartiennent au privé, la Compagnie des Ascenseurs de Valparaiso, parmi eux le doyen, le «Concepcion», âgé de 127 ans. Un autre, hors service depuis un incendie, appartient à un particulier.

Les cinq autres -deux à l'arrêt- sont propriétés de la municipalité, et une une subvention leur permet de ne charger que 100 pesos (21 cents CAN) «l'ascencion» (de 170 m au maximum). Ils ont reçu il y a peu 3,06 million de dollars CAN d'un Fonds de réhabilitation urbaine, qui devrait les relancer.

Les privés, eux, font payer 300 pesos (62 cents CAN). L'entretien mensuel d'un ascenseur, selon le gérant de la compagnie privée, Juan Esteban Cuevas, coûte 3,5 millions de pesos (7169 dollars CAN).

Et si les funiculaires les plus courus par les touristes peuvent élever 900 passagers par jour, ceux des quartiers populaires, moins rentables, ont été les premiers à fermer.

«Chaque ascenseur qui s'arrête est compliqué à remettre en marche», explique Segovia. «L'État devrait être capable de les récupérer, car ils font partie de notre identité. Mais s'il ne se bouge pas, ils vont continuer à disparaître».

«Ils ont survécu grâce à l'amour de leurs machinistes, mais ce soin, bien qu'attentionné, reste très informel», s'inquiète Camilo Vargas, coordinateur des Travaux du Bicentenaire (du Chili) sur Valparaiso.

«Il faut totalement redessiner le système, reformuler les manuels, les protocoles de sécurité. Mais avant, il faut résoudre la question de leur propriété, par cession ou expropriation», pose-t-il. La facture globale de réhabilitation, évaluée à 20 millions de dollars CAN, fait sans doute réfléchir.

Bien sûr, les habitants de Valparaiso se sont habitués à gravir les collines en bus ou minibus. Mais comme dit Carola Salin, à bord du funiculaire «el Peral» qui la hisse chaque jour à la verticale en moins d'une minute vers son lieu de travail, «ce n'est pas la même chose».