Un cocktail à base d'eau-de-vie de raisin a le rang d'institution au Pérou. Inscrit au Patrimoine culturel national, servi aux réceptions d'Etat, moteur des exportations de spiritueux, il est même célébré pendant une très officielle «Journée du Pisco sour».

Chaque premier week-end de février depuis 2003, de grandes dégustations publiques à travers le pays, une fontaine géante sur une place de Lima, fêtent ce cocktail sucré et acidulé, qui se trouve au coeur de la stratégie touristique de développement d'une «marque Pérou».

Concocté à base d'un alcool, le pisco, de jus de citron, sirop de canne, blanc d'oeuf et angostura (concentré d'épices), le «Pisco sour» a sa légende. Un barman américain inspiré, émigré au Pérou, aurait adapté dans les années 20 le «Whisky sour» aux produits locaux.

Il a aussi ses images sépia : les stars hollywoodiennes John Wayne marié à une Péruvienne, Ava Gardner, Orson Welles, arrimées au bar du Grand Hotel Bolivar dans le Lima glamour des années 1940-50.

Il a surtout ses enjeux commerciaux : malgré une petite contraction en 2009 due à la crise, les exportations du pisco ont augmenté de 215% en valeur sur cinq ans, générant 1,34 million de dollars l'an dernier, avec les Etats-Unis comme premier marché.

De 40 à 45% d'alcool

Le pisco, eau-de-vie de 40 à 45 degrés, est originaire de... Pisco, un port à 300 km au sud de Lima. La première référence à cet alcool remonte au tout début du XVIIe siècle, sous la colonisation espagnole.

«Le pisco fait partie de notre identité, il se fabrique au Pérou depuis plus de 400 ans, et le Pisco sour, le cocktail qui l'utilise, est devenu une boisson emblématique, un symbole national», déclare à l'AFP Luis Chicoma Lucar, vice-ministre de l'Industrie et des Petites et moyennes entreprises.

Le pisco «a déjà été inscrit au Patrimoine culturel national (en 2007). La prochaine étape est de le voir reconnu, avec notre gastronomie, au Patrimoine culturel immatériel de l'Unesco», poursuit-il.

Sous la présidence d'Alejandro Toledo (2001-2006), il a remplacé le vin et le mousseux aux réceptions officielles.

L'offensive de l'Etat sur le pisco se mène sur tous les fronts. Comme à l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) pour se voir reconnaître seul titulaire de l'appellation d'origine, aux dépens du voisin et rival andin le Chili, également producteur et gros exportateur.

La campagne pisco popularise le produit



La «campagne pisco» a porté ses fruits, et d'abord auprès des Péruviens eux-mêmes, qui l'ont redécouvert. La production a quadruplé en sept ans, passant à 6,7 millions de litres en 2009.

«Il y a 10-15 ans dans nos restaurants, on servait en moyenne un Pisco sour pour dix whiskys. Aujourd'hui, c'est l'inverse», explique à l'AFP Gaston Acurio, porte-drapeau d'une vague de chefs péruviens qui essaiment la gastronomie du Pérou à l'étranger.

Mais le «boum» du pisco a ses limites, en raison du manque d'infrastructures et de moyens des 300 producteurs, en majorité de petites unités, qui ont du mal à s'attaquer à l'export. Deux des plus grandes haciendas viennent d'être achetées par un consortium américain.

Le ministre n'en prévoit pas moins une croissance continue du pisco, et la création de milliers d'emplois.

Pour le tourisme péruvien, sonné par la fermeture de la citadelle inca du Machu Picchu, rendue inaccessible pour deux mois par des pluies et des glissements de terrain, la «Journée du Pisco sour» tombe à pic.