Notre petit avion nolisé survolait l'archipel des Exumas dans les Bahamas. Le pilote jouait au guide du circuit des gens riches et célèbres. Nous n'avions pas assez d'yeux pour tout voir. «À votre gauche, vous verrez bientôt l'île de Johnny Depp. À droite, celle où vivent Faith Hill et son mari Tim McGraw. L'immense complexe devant nous appartient à Nicolas Cage».

Puis, il enchaîna avec l'île de Corey Hart et de Julie Masse, celles de David Copperfield, d'Eddie Murphy et de Michael Jordan et le repaire de Bill Gates. Il n'en finissait plus d'attirer notre attention vers de petites îles anonymes qui, du coup, devenaient presque familières.

 

Côté jet-set, l'archipel des Bahamas est bien pourvu. Sans doute parce que ce coin de la planète a un côté paradisiaque. Les lagons sont turquoise, les plages blanches sont à perte de vue et les îles se comptent par centaines. L'ensemble des Bahamas en a 700, la chaîne des Exumas, 360 à elle seule, dont la plupart sont inhabitées ou n'abritent que quelques résidences exclusives. Pas étonnant que les bien nantis l'aient adoptée.

Il y a 30, 40 ans, plusieurs des Québécois qui pouvaient s'offrir des vacances hivernales au soleil choisissaient Nassau et Freeport, les deux plus grandes villes des Bahamas. Mais avec la prolifération des destinations-soleil au Mexique, à Cuba et en République dominicaine, l'archipel a été délaissé au profit des tout-inclus. Si les Canadiens du Rest of Canada aiment encore s'y retrouver, les Québécois se font plus rares.

Le bureau de l'Office du tourisme des Bahamas a compris le message. Pour se démarquer, il vise une clientèle privilégiée. Exit donc le tourisme de masse, et bienvenue aux nantis. Le bonus? Selon Petherina Hanna, responsable des communications, le côté exclusif et isolé de ses îles. «Nassau attire encore les touristes, surtout des Américains. La ville accueille plusieurs navires de croisière, mais le chapelet de cayes du sud de l'archipel est réservé aux gens qui ont les moyens de s'isoler.»

Jusqu'à récemment, peu de touristes s'y aventuraient. Ce qui en faisait le refuge idéal pour les vedettes qui fuyaient les paparazzis. L'Office du tourisme aimerait ajouter une nouvelle catégorie de visiteurs en vantant à la fois les lieux pour favorisés et les autres, plus abordables. On mise donc sur l'apparat sans éclat, sur la préservation de la beauté sauvage et sur quelques villages authentiques où on ne trouve ni salle de cinéma ni feu de circulation.

Malgré les efforts de démocratisation, ce luxe a un prix. Le Club Peace and Plenty, petit hôtel charmant et vieillot de George Town dans l'île Great Exuma (population: 1000 personnes), coûte environ 2200 $ par semaine pour deux, repas et nage en apnée compris mais excluant le vol.

Même chose à Staniel Cay (on prononce «qui»), où une semaine dans un des petits chalets multicolores du Staniel Cay Yacht Club coûte 2500 $ selon la même formule.

À Fowl Cay, par exemple, une petite île privée qui dispose de cinq chalets et un héliport, il faut débourser 10 500 $ par semaine pour le plus petit chalet. On profite alors d'une plage bien à soi, d'une voiturette de golf et tous les repas sont compris. Le soir de notre séjour, deux familles partageaient la salle à manger du chalet commun. L'une d'elles, cinq enfants de 9 mois à 14 ans et leurs parents, mangeait sagement autour de la grande table. Le jeune père (qui restera anonyme) est un joueur de hockey de la Ligue nationale, dont le contrat signé avec son équipe vaut 30 millions. Parions qu'il n'a eu aucun mal à débourser les 19 500 $ par semaine que coûtait son cottage familial de trois chambres.

Il aurait pu également s'offrir la maison Kayu Maya de Staniel Cay. Une grande construction située au bout de l'île, complétée il y a deux mois. Ici, le luxe n'a pas de bornes. Les cinq chambres surplombent la mer. Le bois, sculpté à la main par des familles de Bali, orne les murs et les plafonds. Les salles de bains, uniques, possèdent des éviers en nacre ou en cuir. Le prix: 35 000 $ la semaine pour le chalet, repas et chef non inclus. Le yacht, par contre, est compris, tout comme la maison d'invités.

À l'aéroport international de George Town, on accueille les vedettes et autres célébrités quotidiennement à ce temps-ci de l'année. Cachés derrière leurs lunettes de soleil, ils débarquent de l'avion avec leur entourage (chef, gardienne, chauffeur) pour s'engouffrer dans leur avion nolisé qui les amènera vers une des pistes d'atterrissage de l'archipel. Un capitaine de yacht les attendra pour les amener à leur île privée. Le luxe, quoi.

 

Les Bahamas à prix abordable

On peut aussi s'offrir les îles et ses récifs de corail à moindre coût. Yves Chamard et Rachel Delisle, jeunes cinquantenaires de Québec, le font chaque année à bord de leur voilier de 37,5 pieds. Navigateurs accomplis, ils quittent en auto le Québec en octobre et filent vers la Caroline-du-Sud où est entreposé leur Hunter Legend durant l'été. Ils naviguent dans le chenal jusqu'à Fort Lauderdale puis mettent le cap vers George Town. Deux jours plus tard, ils sont prêts commencer leurs vacances de six mois. Coût, excluant celui du bateau: de 10 000 $ à 12 000 $ pour la durée de leur séjour. En avril, ils reviennent au Québec où ils travaillent pendant six mois. «On a toujours hâte à l'automne, pour revenir.» Ils sont des dizaines de Québécois à se retrouver ainsi à profiter des lagons et du soleil.

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Les frais de ce voyage ont été payés par l'Office du tourisme des Bahamas.