Le tourisme en Tunisie, secteur économique stratégique, a relevé la tête en 2012 mais reste en deçà du niveau pré-révolutionnaire, et des professionnels, relevant le poids des problèmes sécuritaires, se refusent à partager l'optimisme des autorités.

Depuis le début de l'année, le gouvernement souligne que les résultats sont en ligne avec les prévisions de 2013 tablant sur un retour au niveau de 2010, l'année de référence, avec 7 millions de visiteurs et une part de 7% du PIB.

Avec 1,52 milliard d'euros de recettes (+30% par rapport à 2011), les résultats sont encore inférieurs de 10% à ceux de l'année ayant précédé la révolution qui a renversé le président Zine El Abidine Ben Ali, mais la Tunisie vise dès 2016 4,5 milliards d'euros de revenus.

Des acteurs du secteur jugent pourtant les progrès trompeurs. Selon eux, la croissance ne saura se pérenniser tant que les problèmes sécuritaires --attaques de la mouvance salafiste, affrontements politiques et conflits sociaux-- n'auront pas été jugulés.

Le nombre des entrées des Européens, premier marché pour la Tunisie, restent très loin du niveau de référence.

La clientèle européenne est en baisse de 25,9%, avec -28,9% pour les Français, -21% pour les Anglais et -38,9% pour les Italiens, égraine Hedi Hamdi, chargé de communication de la Fédération tunisienne des agences de voyages (FTAV).

«L'aspect sécuritaire a une influence énorme», souligne-t-il.

«À chaque incident, les réservations s'arrêtent avant de reprendre tout doucement. Le coup le plus dur a été l'attaque de l'ambassade américaine (par des islamistes le 14 septembre, ndlr) et jusqu'à maintenant on ne s'en est pas remis», dit-il.

Le dernier incident est tout récent avec l'incendie criminel samedi du mausolée de Sidi Bou Saïd dans le célèbre village éponyme, une affaire où la mouvance salafiste fait figure de principal suspect.

«Le message qu'on essaye de faire passer c'est oui, il y a beaucoup de troubles, la situation n'est pas reluisante, mais il faut garder à l'esprit qu'on n'a jamais touché à un cheveu d'un touriste», relève M. Hamdi.

Le Sud tunisien, spécialisé dans les excursions hivernales dans le désert, a ainsi connu une saison extrêmement difficile.

À Tozeur, site d'une célèbre palmeraie et un point de départ pour le Grand Erg Oriental et les oasis de montagne, les hôtels étaient largement vides fin décembre et début janvier et une demi-douzaine n'a même pas ouvert.

Les panneaux «à louer» ou «à vendre» s'étalaient sur de nombreux stands de souvenirs.

«On a eu pas mal de Tunisiens, un peu d'Italiens, mais ils ne dépensent pas. Les Français ne sont pas venus, ils ont peur des "barbus"», commente, en référence aux islamistes radicaux, Aziz, qui tient une bijouterie.

À une trentaine de kilomètres plus à l'ouest, à Nefta, Mohamed Laroussi, un guide, fait le même constat: «Si ça continue la région va doucement mourir», dit-il montrant les allées désertes de la Corbeille, l'oasis de la ville.

De son côté, le gouvernement, le ministre du Tourisme Elyes Fakhfakh en tête, n'a eu cesse de dénoncer «la surmédiatisation» voire «l'acharnement des médias français» qui exagèreraient les problèmes de sécurité. Il a aussi annoncé pour la mi-février des assises nationales du tourisme.

Le secteur n'est cependant pas exempt de bonnes nouvelles. Des investisseurs assurent que la Tunisie restera une destination clé.

En visite lundi et mardi à Tunis à l'occasion du deuxième anniversaire de la révolution, la ministre en charge des Français de l'étranger, Hélène Conway-Mouret, a souligné l'intérêt des entreprises hexagonales.

«Le responsable du groupe (hôtelier) Accor par exemple voit la Tunisie en pointe pour les dix prochaines années», a-t-elle indiqué à la presse.

Accor a annoncé la création d'une «vingtaine» d'hôtels dans les prochaines années, selon le cofondateur Gérard Pélisson qui inaugurait en décembre deux unités gérées par son enseigne à Tunis.