Des plages de sable blanc bordées de forêts luxuriantes, des îles quasi-désertes: la Sierra Leone a tout pour attirer les touristes et dix ans après être sortie d'une guerre particulièrement sanglante, elle veut devenir une destination privilégiée de villégiature.

L'Allemand Henner Hildebrand et son épouse font partie des rares étrangers qui s'aventurent pour l'instant en vacances dans cette ex-colonie britannique d'Afrique de l'Ouest, qu'ils ont visitée pour la première fois en 1976.

«C'est un endroit extraordinaire! Pour être honnête, ce n'est pas vraiment évident d'y voyager», affirme M. Hildebrand, bronzé et souriant, sur la plage de Tokeh, près de Freetown. «On doit aimer organiser son voyage soi-même. Mais une fois que vous avez découvert cette plage, par exemple, vous ne pouvez pas ne pas revenir!»

C'est qu'en dépit des atouts de la nature, la Sierra Leone, qui se relève d'une guerre civile de onze ans (1991-2002), a encore des infrastructures à rénover ou reconstruire pour favoriser un réel essor du secteur touristique.

Ainsi, pour gagner Freetown, le touriste qui débarque à l'aéroport international de Lungi, séparé de la capitale par un estuaire du fleuve Sierra Leone, a le choix entre environ quatre heures de trajet par la route ou la traversée du fleuve à bord d'un vieux ferry ou d'un «bateau-taxi», traversée périlleuse en cas de mauvais temps... Il fut un temps où le transfert était possible par hélicoptère, mais ce moyen de transport, plus rapide, a été abandonné en 2011.

Faire de la Sierra Leone une destination privilégiée pour les touristes «est un défi majeur», reconnaît Cecil Williams, chef de l'Office national du Tourisme. «Mais c'est aussi une occasion d'attirer les investissements dans ce secteur: des bateaux plus performants et plus rapides ou un meilleur réseau routier qui fera apprécier la beauté du paysage», déclare M. Williams.

Selon lui, le pays doit aussi «lutter contre une image de pays dévasté par la guerre», car avec quelque 120.000 morts et des milliers de civils mutilés, ce conflit «a été très horrible».

Voilà plus d'un décennie, le pays était en proie à une guerre civile, l'une des plus atroces de l'histoire récente en Afrique, avec meurtres, enlèvements, viols systématiques et amputations en grand nombre.

L'ancien président du Liberia Charles Taylor a été condamné mercredi par la justice internationale à 50 ans de prison pour avoir fourni armes et munitions aux rebelles sierra-léonais en échange de diamants. Il a été jugé responsable d'avoir «aidé et encouragé, ainsi que planifié, certains des crimes les plus haineux de l'histoire de l'humanité».

«Nous privilégions l'éco-tourisme»

«Nous devons sans cesse rappeler aux gens et aux autres pays que la guerre est terminée!», confirme Samuel Small, athlétique homme de 34 ans qui se présente comme un guide touristique... sans aucun touriste en vue sur la plage de Bureh, potentiel paradis pour surfeurs à environ 40 km de Freetown.

Depuis la fin de la guerre, «il n'y a pas eu trop de touristes. Juste (les employés) des ONG», dit Small, qui espère vivement une inversion de tendance.

D'après l'Office national du tourisme, les arrivées d'étrangers sont passées de 33.000 personnes en 2008 à 52.000 en 2011, mais seul un de ces étrangers sur cinq était un vrai touriste. Autant dire pas grand-monde, alors qu'avant la guerre, il y a eu jusqu'à 100.000 touristes par an, pour la plupart des Français.

Malgré tout, «nous voyons le tourisme dans les cinq prochaines années comme l'industrie qui rapportera le maximum de revenus pour le développement socio-économique de ce pays», assure Cecil Williams.

«Notre nouvelle stratégie est de passer d'un tourisme de gamme moyenne à un tourisme haut de gamme. Nous ne voulons pas d'un tourisme de masse qui détruit l'environnement, notre culture et ne rapporte pas assez d'argent. Et pour atteindre cet objectif, nous privilégions l'éco-tourisme», explique-t-il.

En plus des offres tournées vers le balnéaire ou la faune sauvage, un tourisme culturel peut aussi être développé, notamment autour du patrimoine historique de Freetown (la ville libre), fondée au XVIIIe siècle par des esclaves affranchis.

Des chaînes internationales s'intéressent à la Sierra Leone et commencent à s'y installer. Des nationaux sont déjà présents dans le secteur comme Ali Basma, un homme d'affaires libanais né en Sierra Leone. Il a rouvert en 2010 la station balnéaire de Tokeh, qui appartenait autrefois à sa famille et avait été pillée durant la guerre.

Hors du pays, «les gens pensent que la Sierra Leone est instable» mais «nous sommes très heureux ici. Autrement, nous n'aurions pas investi autant d'argent», affirme-t-il, optimiste.