Le nom de l'île évoque à lui seul une enfilade d'hôtels de luxe, des kilomètres de sable blond et des stars européennes en vacances. De DSK à Stéphanie de Monaco, en passant par Claudia Schiffer et le prince William, on ne compte plus les vedettes qui ont trempé leurs orteils dans ce décor de carte postale. Mais avec son mélange culturel unique, à la fois français, africain, indien, chinois et anglais, l'île est beaucoup plus qu'une destination soleil.

Petit confetti perdu au milieu de l'océan Indien, à un jet de pierre des Seychelles et de la Réunion, Maurice mérite assurément sa réputation de paradis tropical. Depuis des décennies, on y vient presque uniquement pour les plages et le service quatre étoiles. Le prix des billets d'avion, longtemps inaccessible, n'a fait que renforcer sa réputation de destination chic réservée aux «happy few».

Cette image de destination exclusive est soigneusement entretenue par le ministère du Tourisme, qui refuse toujours de céder au tourisme de masse. Comme le dit une porte-parole de la Mauritius Tourism Promotion Authority (MTPA): «Ici, on ne veut pas de backpackers. On tient à préserver notre image de qualité.»

Pour y avoir vécu quelques semaines, on sait maintenant que la réalité est tout autre. En effet, l'île Maurice - la vraie - possède un visage qui a bien peu à voir avec les grands hôtels et les clichés de brochures touristiques. Son mélange culturel unique, sa population trilingue, ses vendeurs ambulants et son arrière-pays méconnu en font une destination qui, sans être spectaculaire au premier abord, séduit par sa simplicité et sa convivialité.

Enfin, plus besoin d'être millionnaire pour y aller. Selon l'humeur des compagnies aériennes, qui offrent parfois des promotions séduisantes, Maurice peut devenir une destination plus abordable. Une bonne nouvelle pour les Nord-Américains qui se cherchent des alternatives à Cuba ou au Mexique...

«Quelle langue you speak aster là?»

Au début étaient les Français. Puis vinrent les esclaves africains et la main-d'oeuvre indienne, «engagés» pour l'industrie du sucre. Débarquèrent ensuite les Chinois, commerçants-nés. Enfin les Anglais, qui reprirent l'île aux Français en 1850. Cette succession de vagues migratoires a donné naissance à l'un des plus intrigants mélanges culturels et religieux de la planète. Ici, les mosquées côtoient les temples hindous, et Bouddha n'est jamais trop loin de Jésus.

Cette mixité (apparemment) idyllique fascine les anthropologues et fait la fierté du gouvernement, qui s'en sert abondamment pour faire la promotion du pays. Mais dans les faits, la cohabitation n'est pas si simple. Majoritaires (52%), les hindous ne fréquentent pas les musulmans, qui représentent 16% de la population. Les Chinois forment une classe un peu à part, tout comme les Franco-Mauriciens, qui ne forment que 1% de la population, mais détiennent plus de 60% des richesses, incluant les terres, les grands hôtels et ce qu'il reste de l'industrie sucrière. Laissés pour compte, les créoles, ou si vous préférez les Noirs, restent les parents pauvres de cet arc-en-ciel culturel, qui a gardé quelques cicatrices de l'époque de l'esclavage.

De fait, il n'y a que la langue pour lier tous ces groupes. Ici, tout le monde parle créole, un patois curieusement très proche du créole haïtien. Mais la plupart comprennent très bien le français, sans oublier l'anglais (langue de l'éducation et de l'administration) et les langues des ancêtres, comme le hakka chinois ou le bodjpuri hindou. Fascinant: les médias sont aussi en trois langues. Ainsi, il n'est pas rare de lire un article de journal qui passe du français à l'anglais puis au créole, selon les citations recueillies! «Kimanyer? Ou pa kapav' konpran? Ah bon. On parle français alors! Or English if you like.»

Pour le Québécois, cette cohabitation linguistique relativement harmonieuse prête à réflexion. Elle intrigue d'autant plus que le français a survécu sans problème, même si le pays est resté une colonie anglaise jusqu'en 1968 (année de son indépendance) - et cela, sans loi 101 ni police de la langue!

Une cuisine multiple

À l'image de sa population, la cuisine mauricienne offre un improbable mélange de saveurs. Ses influences vont de la gastronomie chinoise à l'indienne, mais plusieurs plats ont été adaptés à la sauce créole, ce qui rend cette cuisine unique à bien des égards. Il y en a donc pour tous les goûts, mais aussi pour toutes les bourses.

Pour les petits budgets, la bouffe de rue est de loin le meilleur choix. Il y a des marchands ambulants à tous les coins de rue, avec toutes sortes de petites bouchées, comme le dipin frire (pain frit), le gato pimen (farine frite) ou les populaires dholl puris faratas, équivalents mauriciens du roti caraïbéen (crêpe avec curry aux légumes). Pas très léger, mais idéal pour boucher un coin, à moins de 1$.

Un cran au-dessus, les restaurants chinois peuvent donner dans le très chic. Mais la plupart se limitent à deux ou trois plats populaires, comme les «mines» (plats de nouille) et le «bol renversé», classique sino-mauricien à base de riz et de sauce à la viande ou aux légumes.

Pour une cuisine locale de qualité, on conseille toutefois les menus créoles, c'est-à-dire d'origine africaine, qui se spécialisent dans les plats en sauce (rougaille, notamment), généralement du poulpe (appelé ourite), des langoustes ou du poisson frais acheté sur la plage le matin même. La vraie cuisine mauricienne est là.

Pour les desserts, enfin, retour dans la rue, où vous trouverez un choix abondant de pâtisseries sans prétention comme le mascarin, la napolitaine ou le puits d'amour à la noix de coco. Si vous êtes du genre santé, rabattez-vous plutôt sur les fruits frais, abondants, qu'on vend un peu partout. Ananas, mangue, jamalac, longan... Ajoutez-y du sel et de la sauce piquante, vous n'en serez que plus mauriciens!

Avis aux intéressés: Montréal compte un restaurant mauricien, les Délices de l'île Maurice, au 272, rue Hickson, dans l'arrondissement de Verdun. On y sert d'excellents bols renversés...

Au dodo!

On a découvert l'an dernier, dans une grotte, le premier squelette complet d'un dodo. Cet oiseau mythique, qu'on ne trouvait qu'à l'île Maurice, est devenu l'emblème des espèces disparues depuis son extinction complète, au XVIIe siècle.

Récipiendaire de ce triste honneur, Maurice tente aujourd'hui de redorer son blason. Après plusieurs décennies de laisser-faire, le pays déploie de grands efforts pour protéger ce qu'il reste de ses espèces endémiques. Il abrite donc quelques réserves naturelles qui feront le bonheur des randonneurs, ornithologues et autres amoureux de la nature. Ne manquez pas la vallée de Ferney, avec ses troupeaux de cerfs de Java, ou l'île aux Aigrettes, qui abrite une trentaine de tortues géantes et des oiseaux rarissimes, comme le pigeon rose, dont il reste moins de 100 spécimens dans toute l'île.

En ce qui concerne le dodo, mieux vaut se rabattre sur les magasins. Maurice offre toute une gamme de produits qui font la promotion du gros oiseau disparu: des oiseaux «gossés» en bois aux serviettes de plages dodo en passant par les gougounes dodo et les allumettes dodo. Disparu, mais bien vivant!

Sea, sun and sega

Sortir des sentiers battus, d'accord. Mais on n'allait quand même pas vous laisser sans une petite séance de bronzage. Bien que Maurice ne se limite pas à ses plages, il est clair que celles-ci contribuent à la réputation de l'île. Imaginez: plus de 200 km de sable blond; une eau turquoise comme dans le film Le lagon bleu; des palmiers et des filaos comme sur les cartes postales... Soleil et chauds clapotis de l'océan Indien, il faudra beaucoup de mauvaise volonté pour ne pas apprécier ces petits coins de paradis tant vantés par les brochures touristiques. Pointez-vous le dimanche, quand des bandes de Mauriciens, rhum à l'appui, dansent le séga au son du ravane, la grande tambourine traditionnelle de Maurice. Essayez de trouver les plages cachées: il y en a des tonnes. Certains hôtels essaieront de vous faire croire qu'elles sont privées, mais c'est faux. Toutes les plages de Maurice sont publiques.

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>Quand et comment y aller?

Maurice est situé dans l'hémisphère Sud. Par conséquent, son hiver est notre été et vice versa. Dans les faits, ça ne change pas grand-chose: là-bas, il fait toujours chaud. Les mois de décembre, janvier et février sont particulièrement torrides. On préfèrera juillet et août, un peu plus supportables... et compatibles avec nos vacances estivales.

>Combien ça coûte?

Il peut en coûter jusqu'à 2300$ pour faire le trajet de Montréal à l'île Maurice. Pas donné. Air France propose parfois des billets à 1300$ dans le cadre de ses campagnes «achetez tôt», mais les occasions sont rares. Tout en affirmant que ces promotions sont «temporaires», la compagnie souligne que l'intérêt pour la destination forçait l'entreprise à «revoir son offre structurelle avec des tarifs plus attrayants en toutes périodes». On verra. En attendant, les billets les moins chers sont à 1860$... pour janvier 2014.

>Des noms de ville poétiques

Héritage de la colonie française, les noms de villes et villages mauriciens sont un régal en soi. Notre top 10.

-Baie du Tombeau

-Trou aux Biches

-Riche en Eau

-Flic en Flac

-Beaux Songes

-Bois des Amourettes

-Pointe aux Piments

-Mont Fertile

-Le Morne

-Nouvelle-France

>À éviter...

Grand'Baie: cette plage autrefois fréquentable a été gâchée par le tourisme à outrance et le développement sauvage. Quand le paradis vire au cauchemar.

La Caudan: grande fierté de la capitale Port-Louis, ce complexe commercial est un chef-d'oeuvre d'asceptisation. Dans le même genre, Cascavelle et Bagatelle ne sont pas plus authentiques. Les pires exemples de la bétonisation de Maurice, de plus en plus dénoncée.

>À essayer...

La conduite à gauche est un sport extrême, surtout à Maurice. Ici, les nids-de-poule sont énormes, et la plupart des villes n'ont pas de trottoirs, ce qui exige une attention de tous les instants. De plus, les indications routières sont nulles. Si vous êtes perdus, faites appel au «GPS mauricien», c'est-à-dire à un passant! Enfin, n'oubliez pas que Maurice fait à peine 1860 km2. Vous en aurez fait le tour en moins d'une journée et l'aurez traversé du nord au sud en moins de trois heures si vous prenez l'autoroute.

>Diversifier le tourisme

Pendant longtemps, Maurice a été une destination fétiche pour les Européens. Mais le pays veut maintenant séduire les Indiens et les Chinois. Le nombre de touristes chinois a ainsi augmenté de 38% en 2012, alors que les traditionnels contingents français et italiens ont enregistré un recul de 13 et 24%. L'inauguration d'un tout nouveau vol Maurice-Shangaï, en janvier 2013, devrait accentuer la tendance.

Ce changement provoque une petite révolution dans le tourisme mauricien. Contrairement aux Européens, qui ne juraient que par les hôtels et les plages, ces nouveaux visiteurs veulent plus qu'un simple bain de mer. «Ils désirent voir le pays et rencontrer les gens», souligne Amrita Craig, porte-parole de la MTPA.

Sans renier l'«image de qualité», la MTPA a donc lancé une politique de diversification qui s'ouvre à la culture, à l'écotourisme et au logement chez les particuliers.

Maurice, pays d'un peu plus de 1 million d'habitants, s'est donné l'objectif ahurissant d'accueillir 1 million de visiteurs en 2013. Le tourisme constitue l'une des économies principales de ce paradis tropical, avec le sucre, les nouvelles technologies... et les paradis fiscaux.

>Maurice à Montréal

Le Montréal mauricien compte quelque 3000 personnes. Cette immigration, qui a débuté dans les années 60, est essentiellement constituée d'étudiants, d'enseignants, de gens qui travaillent dans le tourisme, l'hôtellerie, la restauration, les assurances ou la santé. Comme dans l'île, les Mauriciens de Montréal se côtoient plus ou moins, sauf en de rares exceptions, comme la fête de l'Indépendance.

>Plus d'infos: Association Québec île Maurice, www.aqim.org