Qu'on soit à Addis-Abeba pour les vacances ou le travail, vient toujours l'envie d'une escapade loin du tintamarre de la ville. Située dans le nord-est du pays, à la frontière avec l'Érythrée, la région du Tigray est idéale pour aller chercher paix et somptueux paysages. De plus, s'y cache, dans la falaise ou au sommet de hautes montagnes, l'une des merveilles les moins explorées d'Éthiopie: les églises du Tigray.

JOUR 1

7h10

Départ de l'aéroport d'Addis-Abeba pour la ville de Mekele, capitale régionale. À travers le hublot, la verdure des hauts plateaux éthiopiens laisse peu à peu place à d'imposantes montagnes ocre rouge zébrées de canyons. Des airs d'Ouest américain, en pleine Afrique de l'Est.

8h30

Direction Wukro, petite ville qui s'étend le long de l'axe routier reliant Mekele à Adigrat. Débordant sur le trottoir de la rue principale, les innombrables petits cafés servent depuis le lever du soleil le très populaire foul: déjeuner roboratif à base de haricots blancs agrémentés d'oignons, de piments et de tomates fraîches, qu'on accompagne de pain et de thé.

10h

L'exploration des églises du Tigray oriental commence par celle de Sherkos, située à la sortie de la ville. Les experts s'entendent pour les dater entre le VIIe et le XVe siècle, mais l'histoire exacte entourant la construction de ces églises reste nimbée de mystère. La légende raconte qu'elles auraient été construites, toujours avec l'aide de Dieu, par les neuf saints fondateurs de l'Église orthodoxe en Éthiopie, arrivés de Syrie ou de Palestine au milieu du VIe siècle.

Un sentier pierreux, balisé de hauts cactus, monte jusqu'à l'église taillée dans le flanc d'une colline rocheuse. Dans la cour, sa façade de pierre orangée s'avance, impérieuse. Une fois à l'intérieur, on traverse un vestibule orné de fenêtres aveugles, avant de pénétrer dans une imposante nef. Les parois sont couvertes d'énigmatiques motifs géométriques, dont le secret n'a toujours pas été percé.

11h

À 17 km de Wukro, Abreha Wa Atsbeha règne sur un hameau de quelques centaines d'habitants. Un large escalier de pierre mène à cette église reconnue pour ses fresques somptueuses. Sur le parvis, des femmes prient, recroquevillées, le corps presque entièrement couvert de leur voile. Un chapelet de prières nous entraîne à l'intérieur.

11h30

Plusieurs églises s'offrent aux amateurs de randonnée entre Abreha Wa Atsbeha et le village de Hawzien. Le choix dépendra du degré de difficulté désiré. Un objectif de deux églises avant la soirée semble raisonnable.

> Debre Tsion: Il faut une demi-heure de marche pour faire le tour de la montagne abritant cette église. S'ensuit une ascension assez facile d'une petite heure afin d'arriver aux portes de l'église. À la suite du prêtre, gardien des clés, on pénètre dans une salle décorée de fresques aux allures de bande dessinée. Une Bible d'images destinée à une population autrefois en grande majorité illettrée.

> Abuna Yemata Guh: C'est de loin l'église demandant l'ascension la plus technique. Après 45 minutes de montée épuisante, on arrive devant une paroi sur laquelle le pas des pèlerins a creusé des prises. Pieds nus - car l'enceinte sacrée de l'église débute ici -,on entame la périlleuse escalade. Si la hauteur et l'absence de harnais de sécurité donnent des sueurs froides, la vue d'en haut, elle, vaut son pesant de frissons. Le souffle court, on entreprend une dernière marche à flanc de falaise qui nous mène à l'entrée de l'église.

> Maryam et Daniel Korkor: Ces deux églises fort différentes - une basilique sise sur un plateau et une chapelle excavée dans la falaise - sont situées à une centaine de mètres de distance l'une de l'autre au sommet de la montagne du Gheralta. Une longue randonnée, à travers des failles d'à peine la largeur d'un homme, conduit au coeur de la montagne. Les derniers mètres se parcourent le long d'une corniche étroite. Alors que notre main droite cherche à agripper la paroi, on ose quelques coups d'oeil sur la gauche où plusieurs centaines de mètres de vide nous séparent du fond de la vallée.

17h30

Bâti par deux Italiens amoureux de la région, le Gheralta Lodge est un arrêt incontournable sur la route des églises. Sur une colline isolée, entourée de pics rocheux, des maisonnettes de pierre inspirées de l'architecture locale accueillent couples et familles. Au crépuscule, l'horizon parfaitement dégagé laisse voir le soleil se glisser lentement derrière les falaises du Gheralta.

À la nuit tombée, on s'installe sur la terrasse du Lodge pour siroter un cocktail italo-éthiopien, surprenant mélange de vin de miel local et de Martini Rosso.

JOUR 2

5h15

Réveil à l'aurore pour assister à la première messe de la journée. Dans la noirceur de la nuit, on se joint aux nombreuses ombres drapées de blanc qui se dirigent silencieusement vers l'église Tekle Haymanot, située tout près du Lodge. Certains s'installent dans la nef alors que d'autres préfèrent prier dehors. Au retour, confiture de papaye maison et miel artisanal nous attendent sur la table du petit-déjeuner.

8h30

Direction le complexe de Teka Tesfai. Il faut demander au chauffeur de nous laisser sur le bord de la route principale, près du panneau indiquant l'église de Paulos&Petros. Une boucle à pied d'un peu plus de cinq heures à travers champs et maisons de pierres jaune paille nous ramène à l'asphalte. Scènes champêtres sur fond de décors de westerns.

10h

On aperçoit d'en bas la façade blanche de Petros et Paulos perchée à mi-falaise. Une des rares églises du Tigray désertée par la communauté orthodoxe. On y accède par un échafaudage branlant, à mi-chemin entre l'échelle et l'escalier. Entre deux barreaux de bois brisés, les marques de l'ancienne voie d'escalade se devinent.

Une porte de la taille d'un enfant donne accès à la pièce principale de l'église. La faible lumière extérieure illumine par un jeu de clair-obscur de belles peintures. Une deuxième porte ouvre sur une terrasse offrant une vue imprenable sur les paysages de la région.

13h

Passage par Mikael Melehayzenghi et ses fresques d'inspiration orientale, puis dernier arrêt à l'église de Medane Alem Adi Kasho. Après une ascension d'une heure sous un soleil ardent, pause sous les gros arbres en attendant l'arrivée du prêtre. On y croque des sandwichs achetés au Lodge en observant le passage furtif des singes dans les branches, juste au-dessus de nos têtes. Puis, retour à Wukro.

14h

La mission catholique St. Mary de Wukro mérite qu'on s'y arrête, rien que pour celui qui l'incarne depuis 20 ans: le père Angel Olaran, ou abba Melaku comme on l'appelle ici, espiègle bonhomme de 70 ans tombé amoureux du Tigray.

Partie d'un projet de construction d'une école il y a 20 ans, la mission, qui ne fait pas dans le prosélytisme, a étendu ses oeuvres à l'ensemble de la communauté. Elle prend sous son aile des centaines d'orphelins, a mis sur pied plusieurs projets de reforestation, ou encore construit des aqueducs et des puits pour les fermiers. Et tout cela dans une région où moins de 1% de la population est catholique.

15h

Dans les forêts qui ourlent la ville de Wukro, une association d'apiculteurs produit un miel curieusement blanc, peu sucré et très aromatique. Dans sa petite boutique située à deux pas de la station de minibus, la jeune apicultrice Asqkul se fera un plaisir de vous tendre une grosse louche dégoulinante du doux nectar pour que vous y trempiez le doigt. Un délice que les habitants achètent ici... par kilos.

16h

Après un détour par l'impressionnant marché de la ville, où se vendent en gros café, coton et sel, trésors de la terre éthiopienne, on s'arrête à la terrasse du Blue Café. Perchée au premier étage de l'hôtel Yordanos, c'est un point d'observation idéal pour regarder vivre la rue Selam, l'une des plus animées du centre.

Puis, en attendant de retourner à l'aéroport, on déguste à la petite cuillère un loz, spécialité régionale. Servie brûlante dans une tasse à café, cette crème de beurre d'arachide naturel nous permet de terminer l'aventure en douceur.