En Éthiopie, dans une région autrefois ignorée des touristes, une association de guides touristiques locaux tente de préserver ce qui reste de la forêt en proposant des treks écoresponsables.

Voilà, près de trois heures que l'on marche. Le souffle coupé par l'altitude, nous peinons à franchir les derniers mètres qui nous séparent du sommet. L'air est frais, mais le soleil des montagnes nous terrasse. Ayano, le guide du trek, fait un signe: c'est la pause.

Autour de nous, les sommets nus des montagnes du Balé surplombent les magnifiques forêts tropicales que l'association Bale Trek travaille à préserver. Située à 400 km au sud-est d'Addis-Abeba, la capitale éthiopienne, la chaîne de montagnes s'étend sur plus de 2000 km2. Il s'agit de la plus importante étendue alpine du continent et un des derniers grands poumons verts du pays.

«Quand j'étais jeune, il n'y avait que de la forêt ici, se désole Ayano en pointant une série de champs à flanc de montagne. Les habitants utilisent le bois des arbres pour se chauffer, cuisiner, construire leurs clôtures ou le vendre au marché de la ville.»

Les montagnes ressemblent, en effet, à un grand fromage gruyère. Séparées les unes des autres de quelques kilomètres, des clairières viennent trouer la forêt. Elles abritent des habitations isolées, huttes de terre et de paille entourées d'une sommaire clôture de bois, mais surtout des champs et des pâturages. Des familles, que la surpopulation de la vallée pousse à s'établir toujours plus haut dans la montagne, y cultivent de quoi survivre, entraînant peu à peu la disparition de la forêt.

Préservation

Ayano travaille depuis 12 ans au sein de l'association d'écotourisme Bale Trek. Las de voir la forêt de la région disparaître malgré ses efforts, le gouvernement éthiopien s'est associé en 1995 avec l'ONG allemande GIZ et a lancé une nouvelle initiative: le Forest Management Program. Ils délimitent communément une zone boisée à protéger, amorcent la plantation de nouveaux arbres et, surtout, travaillent à développer de nouvelles activités économiques durables épargnant les forêts.

Parmi celles-ci, l'association Bale Trek. L'idée est simple: mettre en place une activité touristique écologiquement responsable dont toutes les étapes, de l'établissement des tracés à l'hébergement, seraient gérées par les populations locales. Dès la fin des années 90, la GIZ a travaillé de concert avec les communautés pour mettre en place l'association, construire les gîtes et former de jeunes hommes sans emploi au métier de guide de montagne. Puis, en 2007, l'ONG allemande a quitté la région, confiant l'ensemble de la gestion aux Éthiopiens.

Ayano siège aujourd'hui au conseil d'administration de l'association. Il fait partie d'une équipe de 14 guides qui, à tour de rôle, accompagnent près de 100 touristes par année. Un chiffre impressionnant considérant que cette partie des Balé ne recevait aucun visiteur avant la mise en place du projet.

Rencontres inoubliables

«Chut! Regardez!» À quelques centaines de mètres en dessous de nous, un troupeau d'antilopes Nyala se repose à l'abri des prédateurs. Ce n'est pas la seule espèce endémique que nous croiserons aujourd'hui. Quelques kilomètres plus loin, un loup éthiopien, l'espèce canidé la plus rare au monde, surgit devant nous pour rapidement disparaître entre les rochers, laissant un furtif souvenir blanc et brun dans nos mémoires.

«Ces rencontres se font de plus en plus rares, nous confie Ayano avec regret. L'activité humaine pousse les animaux sauvages de plus en plus loin. Près des sommets, les pasteurs brûlent illégalement de grandes surfaces de sol afin de créer des pâturages pour leurs bêtes et éloigner les prédateurs». Comme pour lui donner raison, quelques mètres plus loin, un troupeau de chèvres broute l'herbe disséminée entre des souches d'arbustes calcinées. Deux enfants, la dizaine à peine, les surveillent du coin de l'oeil.

La journée de marche achève. Nous arrivons en vue du gîte, l'un des cinq refuges éparpillés dans les montagnes. Derrière une clôture de bois, la hutte au toit de paille trône à flanc de colline, offrant une vue imprenable sur la région. À l'intérieur, un aménagement rudimentaire, mais confortable. Deux chambres de quatre lits jouxtent une pièce commune contenant tout le matériel de cuisine nécessaire.

À l'extérieur, une jeune fille s'affaire à chauffer l'eau des douches. Mandatée par la communauté, sa famille assure l'accueil des visiteurs, l'entretien des lieux ainsi que l'approvisionnement en bières, un luxe toujours bien apprécié après une longue journée de marche. En échange, elle perçoit 80% du coût d'une nuitée, reversant la balance à la communauté.

Repères

Départ de Dodola

Le trek part de la ville de Dodola. D'Addis-Abeba, on la rejoint en prenant un premier minibus au terminus de Kality, au sud de la ville, en direction de Shashemene. Le trajet dure de 5 à 6 heures et coûte autour de 7$. Puis, un second minibus lie Shashemene à Dodola (en une heure, 2$).

Les tarifs

Le bureau de l'association se trouve à l'entrée de la ville, en diagonale de la station d'essence. Les frais d'entrée sont de 3$ et il en coûte 10$ par jour pour le guide. Le gîte est 3,50$ par nuitée en hutte ou 2,50$ en tente. Il est conseillé de s'octroyer l'aide d'un porteur et son cheval pour 5,50$ par jour.

La meilleure saison

Il est généralement conseillé de visiter les Balé durant la saison sèche, entre novembre et mars. Le ciel y est clair et les journées assez chaudes. Prévoir des vêtements chauds pour les nuits très fraîches. Entre juillet et août, les averses quotidiennes sont compensées par une nature florissante.

Info: www.baletrek.com

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