Les violences meurtrières des derniers jours en Égypte commencent à inquiéter les voyagistes, qui craignent un nouveau coup dur pour le tourisme à l'amorce d'une haute saison qui s'annonçait déjà difficile.

Depuis le soulèvement populaire de l'hiver qui a conduit à l'éviction du président Hosni Moubarak, «la destination Égypte a énormément de mal à reprendre, y compris les croisières. Nous n'avons pas remonté la pente et ce qui se passe maintenant est de mauvais augure», résume le voyagiste français Fram.

Les violences ont fait depuis samedi 30 morts et des centaines de blessés. Les manifestants réclament la fin du pouvoir militaire, alors que doivent débuter lundi les premières législatives de l'après-Moubarak.

Nombre de pays ont appelé leurs ressortissants à la prudence. Évoquant une «transition politique tendue», le Quai d'Orsay conseille de rester «impérativement éloigné des rassemblements».

L'Allemagne recommande «instamment» la même chose, «surtout pour les centres urbains et la place Tahrir» du Caire, où se trouve le musée d'archéologie. Même tonalité au Royaume-Uni ou en Belgique, tandis que l'association des voyagistes français CETO invite à éviter le centre du Caire pour se rendre aux pyramides de Gizeh.

Aucune inquiétude en revanche, assure-t-on partout, concernant les séjours en Mer Rouge, dans les stations balnéaires du Sinaï comme Charm el Cheikh, ni pour les croisières sur le Nil, Louxor ou Assouan.

Certains voyagistes s'affichent sereins, comme Jetair en Belgique, pour qui «l'ambiance des vacances n'est aucunement menacée», ou le danois Star Tour selon qui nul ne songe à annuler son voyage, les clients ayant anticipé «la situation politique».

Mais d'autres voyagistes ont pris des mesures de précaution. L'allemand TUI Deutschland, le suédois Fritidresor ou encore les français Nouvelles Frontières et Marmara ont suspendu leurs étapes au Caire jusqu'à fin novembre.

Comme le dit le patron du CETO René-Marc Chikli, cette nouvelle flambée de violences «tombe au plus mal» pour le tourisme, dont vit un Égyptien sur sept: elle survient en plein démarrage de la haute saison, sur laquelle le secteur misait pour rattraper une année plombée par les défections en masse.

La chute, vertigineuse au premier trimestre avec 45% de visiteurs en moins selon l'Organisation mondiale du tourisme, a continué ensuite. Beaucoup de touristes se sont rabattus sur la Crète, le Sénégal, la République dominicaine ou les Antilles.

Le groupe américain Hilton a enregistré sur 2011 «une occupation moyenne tout juste supérieure à 50%» pour ses 18 hôtels en Égypte.

En Allemagne, le marché de l'Égypte «s'est effondré» l'hiver dernier, «les réservations restent en fort recul» par rapport à 2010, indique la Fédération des agences de voyages (DRV).

Le contingent de Suédois a été divisé par deux, car «les clients ne veulent plus aller en Égypte», en particulier au Caire, regardant plutôt vers les Iles Canaries, constate l'opérateur Apollo.

En France, «les voyagistes ont reculé de 30 à 60%» cette année sur l'Égypte, avec «en octobre des réservations inférieures de 35% à celles de 2010», explique M. Chikli: «Les Russes, premier marché en Égypte, sont revenus comme les Italiens, surtout vers la Mer Rouge. Mais les Français sont plus durs à rassurer».

Fram a vu fondre sa clientèle pour l'Égypte de 72% en un an (8700 clients contre 30 000 auparavant) et reconnaît avoir «très peu de visibilité» pour les fêtes de fin d'année.

Quant à STI Voyages, spécialiste du marché égyptien depuis 30 ans, il «met les bouchées doubles pour diversifier l'offre», car l'Égypte n'a représenté qu'un quart de son chiffre d'affaires cette année, contre 70% un an plus tôt.

Thomas Cook, numéro deux européen du tourisme, plombé notamment par l'impact des troubles dans les pays arabes, s'est effondré mardi à la Bourse de Londres sur des craintes pour sa survie. Club Méditerranée plongeait lui de 7% à 10,50 euros à la Bourse de Paris mercredi matin.