En afrikaans, le mot «apartheid» signifie «séparation», ce qui, en jargon psychiatrique, pourrait se traduire par «schizophrénie». Le Musée de l'apartheid de Johannesburg explore cette politique aujourd'hui abolie. Visite.

Dans l'Afrique du Sud d'aujourd'hui, le lègue de la ségrégation plane toujours sur la société. Pèlerinage obligé pour qui foule le sol sud-africain, le Musée de l'apartheid à Johannesburg est un vibrant devoir de mémoire et une riche leçon d'histoire pour mieux comprendre les destinées du pays.

Certes, le parcours est chargé, avec quantité de textes explicatifs, de photos, de films d'archives et d'artefacts qui reconstituent fidèlement la montée et la chute de l'apartheid, racontant ses origines au début du XXe siècle, son implantation, ses discriminations culturelles, ses massacres, ses opposants et sa mise à mort.

Nous avons commencé notre visite vers 9h30, pour ne sortir du musée que vers 15h30. Pour tout voir, une seconde journée n'aurait pas été de trop.

Oeuvre d'une brillante équipe de conservateurs, de cinéastes, d'historiens et d'architectes, le musée a été pensé de manière à incarner, tant par son contenant que par son contenu, le concept de ségrégation. La visite débute par un tirage au sort électronique fait par une distributrice de tickets qui, au hasard, détermine la classification raciale du visiteur.

Le billet d'entrée nous ayant désignés comme «Non-White», nous avons été dirigée vers la section réservée aux «Blacks», «Coloured» et non-Européens. En guise d'entrée en matière, nous avons pénétré dans une allée bordée de reproductions géantes de «cartes d'identité», ces documents que devaient obligatoirement porter sur eux tous ceux qui avaient eu la malheureuse idée de ne pas naître caucasiens.

Le pire et le meilleur de l'humanité

L'exposition permanente de ce musée établi en 2001 est constituée d'une collection d'artefacts, d'extraits d'entrevues avec des leaders de l'opposition, de saisissantes photos, comme celles du photographe noir exilé Ernest Cole, dont le livre House of Bondage a été banni pendant les années d'apartheid.

Soyez prévenu: tant de preuves d'une page honteuse de l'histoire récente glacent le sang. Les 131 cordes nouées fixées dans un plafond, qui évoquent autant d'opposants exécutés sous la loi antiterroriste, évoquent la brutalité du régime. Tout comme l'interminable liste de lois destinées à brimer la liberté des Noirs.

Le musée fait la belle part aux héros de la lutte, avec une description de l'émergence de la «Black Consciousness» selon Stephen Biko, un petit film décrivant la vie et l'oeuvre d'Albertine Sisulu, des coupures de journal rapportant les manifestations populaires de Soweto en 1976 et, bien sûr, une tonne de renseignements sur Nelson Mandela... Le parcours culmine sur le processus de libération, les premières élections démocratiques en 1994 et la commission Vérité et réconciliation sous la présidence de l'archevêque Desmond Tutu.

Lors de notre passage, une exposition temporaire célébrant la vie et l'oeuvre de Mandela occupait une vaste section du musée. Une preuve de plus que l'Afrique du Sud n'oublie pas le père de sa libération, témoin d'un pays qui a triomphé du pire.

Route Northern Park Way and Gold Reef, Johannesburg

apartheidmuseum.org/

Dans le ventre des townships

Le township le plus célèbre de l'Afrique du Sud est certainement Soweto (abréviation de South Western Township), à Johannesburg, ancien domicile de Nelson Mandela et théâtre de sanguinaires émeutes en 1976.

Avec ses comptoirs à cappucinos, ses boîtes des jazz, son festival de vin et son stade Orlando, Soweto est devenu un lieu prisé des touristes. Contrairement à Khayelitsha, on peut s'y aventurer seul. Mais pour bien comprendre la charge historique de Soweto, l'apport d'un guide qualifié est pertinent. Une de ses auberges offre des tours guidés à vélo, une façon agréable et écologique de découvrir cet endroit mythique associé à la lutte antiapartheid.

sowetobicycletours.com

Photo Sylvie St-Jacques, La Presse

Depuis une dizaine d'années, Jenny Housdon invite les touristes à découvrir Khayelistsha. Une partie des recettes de son entreprise est remise à une garderie locale.