Des voyageurs intrépides nous racontent leurs histoires. Elles sont parfois rocambolesques et même difficiles à croire. Parfois, aussi, leurs aventures ont surtout d'extraordinaire qu'elles les ont mené plus loin. Dans tous les sens du terme.

Qui?

Julie Ménard, conceptrice-rédactrice web, en route vers le paradis.

Quoi?

Un long week-end d'expédition, lors d'une mission en coopération internationale.

Où?

En Afrique, de Dakar à Cap Skirring au Sénégal.

***

J'arrive seule avec mon sac à dos à la gare routière de Dakar, au Sénégal. Il est 9h et je dois me trouver un taxi qui va à Ziguinchor, la capitale de la Casamance.

La Casamance est au Sénégal un peu ce que le Québec est au Canada: la bête noire du pays. Le Nord, où se trouve la capitale Dakar, majoritairement wolof et musulman, est une contrée aride qui détient le pouvoir économique.

La Casamance, dans le Sud, est une zone tropicale luxuriante majoritairement dioula et catholique.

Avant les années 90, cette région était une destination vacance prisée des Européens. Elle est maintenant contrôlée par les rebelles indépendantistes qui sèment la terreur de manière ponctuelle depuis 20 ans.

La veille de mon départ pour la Casamance, un conflit a éclaté entre le Sénégal et la Gambie, pays enclavé au centre du Sénégal, concernant la construction d'un pont sur le fleuve. Le dictateur gambien décide de ne plus laisser entrer de véhicule en provenance du Sénégal sur son territoire. Je suis donc contrainte de faire le grand tour par la ville de Tambacounda. Au lieu de 5 heures de route, il en faudra 27...

Je suis la cinquième à acheter un billet pour l'unique taxi-brousse, ce qui veut dire que j'ai un siège pour le moins inconfortable à l'arrière de la voiture. Le taxi prend la route seulement quand les sept places sont comblées. Il est 10h30.

Après 10 heures de route dans les nids-de-poule et la poussière, la nuit commence à tomber. Notre chauffeur arrête la voiture à Kolda. Il n'ira pas plus loin. Il craint les rebelles. Je m'enflamme. J'ai payé pour me rendre jusqu'à Ziguinchor qui se trouve encore à deux heures de route. Le chauffeur n'y comprend rien. Il ne parle pas français. Un traducteur finit par me trouver un second taxi, payé par le premier chauffeur.

Nous continuons de rouler même s'il est extrêmement dangereux de circuler la nuit avec les rebelles qui coupent la route pour dévaliser les voyageurs à la pointe de leurs fusils. J'aurais peut-être dû me taire et rester à Kolda pour la nuit. Je commence à avoir la trouille. J'ai mon passeport, ma carte de crédit, ma caméra, mon ordinateur, tout mon argent sur moi. La belle affaire!

À 21h30, le chauffeur s'arrête. L'armée barre la route pour la nuit pour notre propre sécurité. Nous repartirons seulement le lendemain à l'aube. Près de 200 personnes s'entassent dans la rue principale. Des lits s'improvisent sur le sol poussiéreux, le long de la canalisation des égouts. Les femmes étendent leurs nattes et se blottissent contre leurs enfants pour les protéger des moustiques.

Je loue une chambre dans un campement pour passer la nuit. Il y a des crottes de souris sur le sol, les draps sentent la sueur, il n'y a pas de ventilation, les toilettes sont infestées de cafards. Je n'ai pas dormi de la nuit. Mais, j'essaie de me convaincre que c'est probablement mieux que le trottoir. Le propriétaire du campement m'offre une couverture de laine. J'essaie de lui expliquer qu'il fait au moins 50 degrés dans la chambre et qu'un ventilateur serait plus approprié. Mais tous les ventilateurs sont brisés. Je me suis passée de la couverture...

Le lendemain, enfin arrivée à Ziguinchor, je prends un autobus jusqu'à Cap Skirring. Puis, je marche un kilomètre sous le soleil cognant de midi pour me rendre à l'Auberge de la Paix.

Et puis... une forêt tropicale s'étend devant moi. Des rizières, des palmiers, des fleurs éclatantes, l'océan, du sable blanc à perte de vue.

Ce que l'on dit sur Cap Skirring est bien vrai. Je me trouve sur l'une des plus belles plages de l'Afrique de l'Ouest. Les oiseaux multicolores gazouillent dans les branches. Les Casamançais sont trop gentils, généreux et accueillants. L'un m'invite à manger avec sa famille. Un autre m'offre une noix fraîchement cueillie du cocotier. Je regarde la partie de soccer qui se joue sur la plage installée sur ma chaise longue, une bière fraîche à la main. Le temps semble s'être arrêté ici. Le voyage en valait la peine.

Je suis au paradis!

Vous avez une aventure à nous raconter ? voyage@lapresse.ca