Longtemps retranchées dans un isolement volontaire aux confins du sud de l'Ethiopie, les tribus guerrières telles les Hamer ou les Mursi sont aujourd'hui menacées par le développement du tourisme et le prosélytisme religieux.

Assise jambes croisées sur le sol de latérite, Warka Magi, les cheveux couverts d'argile rouge, vend l'artisanat de sa tribu Hamer, éleveurs nomades de la vallée de l'Omo à forte tradition guerrière.Comme de nombreux autochtones de cette région ouverte depuis peu au tourisme et située à deux jours de route d'Addis Abeba, Warka a en partie abandonné ses traditions depuis trois ans: «il y a des hauts et des bas, mais je suis très contente parce que je gagne plus d'argent maintenant», confie-t-elle à l'AFP.

Selon les chiffres officiels, sur les 400 000 visiteurs entrés en Ethiopie l'an passé, 15 000 ont visité la vallée de l'Omo.

Cette industrie touristique est largement encouragée par le gouvernement, mais les tribus du sud du pays risquent gros.

«Personne ne voudrait voir disparaître ces traditions très riches, mais on ne peut pas construire une barrière et abandonner toute forme de développement», estime l'administrateur local, Nigatu Dansa.

«Nous travaillons pour qu'ils aient davantage accès à la santé et à l'éducation. Je vous assure que nous n'avons pas oublié la question des traditions», dit-il à l'AFP, reconnaissant de fait la volonté des autorités de sédentariser autant que possible ces populations.

Traditionnellement animistes, ou dans une moindre mesure musulmanes, les tribus de la région sont aussi la cible des évangélistes: «il y a trois ans je suis entré en contact avec des croyants qui m'ont convaincu que le christianisme est la bonne voie. Aujourd'hui, on se convertit de plus en plus dans ma tribu», témoigne Oybula Oymure, un notable Bure.

Les Hamer, comme 16 autres tribus de la région, sont réputées pour leurs cérémonies traditionnelles comme «le saut de buffle», un rituel où les jeunes sautent au-dessus de bêtes alignées, pour marquer leur entrée dans l'âge adulte.

Les Mursi, connus pour insérer des disques d'argiles dans la lèvre inférieure de leurs femmes et la pratique de scarifications complexes, constituent aussi une grande attraction, unique en Ethiopie.

«Il y a une véritable histoire d'amour entre les touristes étrangers et la culture ici (...) très différente des traditions orthodoxe ou musulmane du reste du pays», relève Zerihun Ambaye, chef de l'Association pour la recherche et le développement des pastoralistes éthiopiens (Eparda).

Les tribus, qui s'affrontent encore violemment pour les rares pâturages ou le vol de bétail, sont encouragées à se réconcilier, notamment grâce au dialogue mis en place par l'Eparda et aux rencontres régulières entre chefs et anciens.

«Les conflits sont appelés à disparaître parce que les groupes apprennent à se connaître», espère M. Nigatu.

Il y a dix ans, ces tribus étaient quasi inaccessibles et n'hésitaient pas à menacer les touristes. Aujourd'hui, elles dansent pour le plaisir des visiteurs dans les petits centres urbains de la région, comme Turmi.

Une promiscuité discutable, selon certains experts.

«Vous pouvez observer que le pagne de cuir n'est plus aussi répandu qu'avant. Ils adoptent rapidement un style de vie différent», déplore Tafesse Mesfin, chercheur sur la région depuis plus de 30 ans.

«Ils sont soumis à une forte pression: par exemple, ils ont été dissuadés par des gens venus de l'extérieur de consommer la viande d'âne qui faisait partie des plats traditionnels», souligne-t-il.