Mutware a surgi du bosquet et a foncé sur notre Land Cruiser. Il n'était plus qu'à quelques mètres quand nous l'avons dépassé. Il nous a poursuivis sur une trentaine de mètres puis, calmé, il a tendu la trompe vers une branche dont il s'est mis à manger le feuillage, comme si de rien n'était.

Bienvenue au Parc national de l'Akagera, dans l'est du Rwanda, à la frontière de la Tanzanie. Il est 9 h et le soleil réchauffe la savane.

Mutware est un éléphant solitaire. Âgé d'une quarantaine d'années, il pèse autour de 5000 kilos. À titre d'éléphant d'Afrique, il est le plus gros animal terrestre vivant. Avec ses larges oreilles qui se déploient quand il court, il en impose.

 

Durant le génocide de 1994, il a été victime de tirs de braconniers. Mais s'il est souvent de mauvaise humeur, c'est parce qu'il a perdu ses défenses dans des combats avec ses congénères. Il a donc été rejeté par le troupeau et, pire encore, par les femelles qui ne le trouvent plus séduisant. Durant la période d'accouplement, Mutware est encore plus irascible. Et, justement, nous sommes en plein dans cette période. Nous avons été chanceux. L'état de la piste qui serpente à travers la brousse ne permet pas au véhicule de rouler rapidement. L'éléphant, lui, atteint vite les 40 kilomètres à l'heure. Merci à Anicet, notre chauffeur. Nous avons aussi été chanceux de croiser la route du pachyderme. Nous aurions pu le chercher vainement durant des jours et des jours dans ce vaste parc national d'environ 1000 kilomètres carrés. Ses apparitions publiques sont rares.

On raconte que la consule de France, en visite dans le parc, en 2004, a eu moins de veine que nous. Mutware a renversé son véhicule. Des Rwandais ont sûrement retenu avec peine un sourire. Il y a un contentieux entre le Rwanda et la France, que l'on accuse d'avoir participé militairement au génocide. Une commission se penche justement sur le sujet. Au Rwanda, on aimerait bien que la France, à tout le moins, présente des excuses. On les attend encore, 14 ans après le génocide qui, dans l'histoire de l'humanité (ou, devrait-on dire, de l'inhumanité), a fait le plus de victimes sur une aussi courte période. Entre le mois d'avril et le mois de juillet 1994, en l'espace d'une centaine de jours, environ un million de Tutsis et de Hutus jugés trop «mous» envers les Tutsis ont été massacrés.

Aujourd'hui, ce petit pays essaie de tourner la page et de bâtir son avenir. Et il compte notamment sur le tourisme pour tailler sa place au soleil.

Une source du Nil

Parmi les richesses naturelles du Rwanda, le parc de l'Akagera occupe une place de choix. D'autant plus que c'est là que coule la rivière qui lui donne son nom. C'est la plus haute source du Nil.

Dans un labyrinthe de marais, de lacs, de savane et de brousse que traverse le cours sinueux de l'Akagera, une faune variée trouve aisément sa pitance. On y croise des troupeaux de buffles, des girafes, des zèbres, des babouins, des hippopotames, des crocodiles, des impalas, des phacochères, des topis et les plus grosses antilopes du monde, les élans du Cap.

Le long des lacs, on peut y observer l'une des plus fortes concentrations d'oiseaux du continent, dont le majestueux aigle pêcheur et le neurasthénique marabout.

Camping pour intrépides

On ne peut visiter un tel parc en une seule journée. Ou alors il faut se contenter d'une seule section. Idéalement, il faut y séjourner au moins deux ou trois jours. On peut alors établir ses pénates à l'Akagera Lodge, à environ un kilomètre de l'entrée du parc. L'hôtel est fort confortable et la bière fort rafraîchissante après une journée de safari-photo.

Il existe aussi des solutions moins onéreuses, mais il faut s'éloigner du parc ou alors y entrer carrément pour y faire du camping dans une zone spécialement conçue à cette fin. Réservé toutefois aux intrépides au grand sang-froid.

Pour visiter le parc, nous avons réservé les services d'Anicet, un chauffeur de taxi de Kigali qui, pour l'occasion, servait de chauffeur de dépannage à son copain, Dany Bizimana, le propriétaire de Bizidanny Tours & Safaris, l'une des nombreuses compagnies qui offrent des services de guides, à partir de Kigali, la capitale.

Pour se mettre l'eau à la bouche, on peut visiter le site Internet de cette entreprise à l'adresse www.bizidanny.com.