Capitale de l'Alsace, septième ville de France, cité internationale par excellence, Strasbourg représentait la Nouvelle Europe avant même que celle-ci n'existe. Mais celle qu'on surnomme «Capitale de l'Europe» est d'abord une ville à visage humain où il fait bon s'arrêter.

Jour 1

10 h : La cathédrale rose

On ne peut pas se perdre à Strasbourg, dit-on, car on n'a qu'à lever les yeux vers le ciel pour voir la flèche de la cathédrale. Jusqu'au XIXe siècle, Notre-Dame de Strasbourg était, avec ses 142 mètres, l'édifice le plus haut de la chrétienté. En fait, c'est quand on en est le plus proche qu'on ne voit plus la cathédrale, cachée par ces hautes maisons aux toits pentus troués de multiples ouvertures et où on stockait le grain à l'époque où la ville était marécageuse. Puis, au détour d'une de ces rues étroites de la Vieille Ville, on LA retrouve, majestueuse, unique, rose comme si elle était gênée d'être si belle. Un «prodige du gigantesque et du délicat», disait Victor Hugo. Si l'extérieur impressionne, l'intérieur aussi. Le mécanisme d'automates de la célèbre horloge astronomique est stupéfiant. Pour ne pas déranger la messe, le mécanisme a été retardé d'une demi-heure. À 12 h 30, le spectacle complet s'ébranle avec le Christ bénissant les 12 apôtres et les quatre âges de la vie défilant devant la Mort. Puis le coq chante trois fois pour rappeler la trahison de Saint-Pierre. Une version réduite est présentée aux quarts d'heure. Catholique, protestante, française, allemande, la cathédrale a connu une histoire agitée, subissant des incendies au Moyen Âge, des tirs d'obus prussiens au XIXe siècle puis un bombardement allié en 1944. Il ne faut pas partir sans caresser le petit chien du prédicateur, sculpté dans la pierre et censé nous porter chance.

11 h : Par les rues de la Vieille Ville

Entourée par les deux bras de l'Ill, la Vieille Ville est située sur une île où il fait bon se promener, à pied, en tram ou à bicyclette. Les noms sont évocateurs: rue du Vieux Marché aux poissons, des Orfèvres, des Juifs, des Pucelles, du Bain aux plantes, du Maroquin, des Charpentiers, la rue des Soeurs qui croise évidemment la rue des Frères ou encore cette étonnante place du Marché aux cochons de lait! Et hop, on revient toujours, comme s'il s'agissait d'un aimant, tout près de la cathédrale. Mais même s'il fait bon flâner par ces ruelles si typiques, pas question d'être à Strasbourg sans voir l'autre incontournable, la Petite France.

12 h : De Schweitzer à Gutenberg

Le chemin entre la cathédrale et la Petite France regorge de belles surprises. Ici, l'église Saint-Nicolas, dont Albert Schweitzer était pasteur. Ailleurs, la place Gutenberg, car c'est ici que l'inventeur a mis au point l'imprimerie. Puis, l'église Saint-Thomas, la plus imposante après la cathédrale ou l'ancienne Grande Boucherie devenue le Musée historique. Déjà, on est sur les bords de l'Ill, mais il reste quelques rues avant d'atteindre la Petite France. En chemin, on apprend que ces étranges lucarnes aménagées dans les toits s'appellent des chiens assis.

12 h 30 : Pinot gris et Tire-bouchon

Avant d'attaquer la Petite France, un arrêt au Tire-Bouchon pour goûter à ses spécialités alsaciennes. Ce n'est pas pour rien que Brillat-Savarin a dit un jour: «C'est une des régions où j'ai le plus salivé.» Petit resto typique, avec ses nappes à carreaux et ses longues tables, le Tire-Bouchon est le prototype des bistros alsaciens sympathiques. On doit laisser un peu du jambonneau rôti au munster, trop copieux avant un après-midi à marcher. Mais tout en goûtant le magnifique Pinot gris, on lorgne tout de même du côté des assiettes des copains qui dégustent un jambonneau-choucroute ou cette étrange bibelaskäse, un plat de fromage blanc assaisonné.

14 h 30 : Au coeur de la Petite France

Quelques pas et voici la Petite France, ancien quartier des tanneurs, meuniers et pêcheurs. C'est le Strasbourg des cartes postales, avec les maisons à colombages qui se reflètent dans les eaux de l'Ill. Pourtant, son nom n'a rien de poétique. À l'époque, c'est ici qu'on soignait les soldats du roi de France atteints de la syphilis, surnommée «la petite française». L'hôpital avait d'ailleurs été baptisé «À la petite France». Le nom est resté. Bien loin de l'origine de son nom, la Petite France demeure une carte postale vivante. Les points de vue sont tellement jolis qu'on ne sait plus où donner de la tête ni de l'objectif.

Après ces petites maisons collées les unes aux autres, quelques édifices imposants. Construite au XIVe siècle, l'ancienne Commanderie des Chevaliers de Saint-Jean a servi d'hôpital, de prison et est maintenant le siège de l'ENA (École nationale d'administration). Tout près, les ponts couverts dont il ne reste que trois immenses tours carrées. Tout au bout, le barrage Vauban, immense ouvrage à 13 arches, enjambe l'Ill. Derrière, la façade vitrée du Musée d'art moderne et contemporain atteste la cohabitation de l'ancien et du moderne à Strasbourg.

19 h : Au royaume de la choucroute

Pour un souper bien arrosé, rien de mieux que la maison Kammerzell, bâtie au XVe siècle et qui semble sortie d'un conte de fées. C'est la voisine parfaite pour la cathédrale de grès rose. L'intérieur sombre, décoré de fresques de Léo Schnug, celui-là même qui a orné le château du Haut-Koenigsbourg, confirme la taverne chic. Dans une des pièces privées, un groupe chante des airs traditionnels. Visiblement, on y fait bonne chère et on s'y amuse. On nous servira un des plats alsaciens les plus reconnus, la choucroute au poisson. Succulent, sauf ces pommes de terre (sans doute une petite erreur en cuisine) qui semblent avoir trempé dans la saumure. Oups!

Jour 2

9 h : Tant à voir

Quel dilemme! À peine une demi-journée et tant à faire et à voir. On pourrait magasiner rue des Grandes Arcades; ou alors, retourner tout près de la cathédrale au palais Rohan et à ses trois musées (archéologique, des Beaux-arts et des arts décoratifs); il y a aussi le quartier de l'Europe. Siège du Conseil de l'Europe dès 1949, du Parlement européen et de la Cour européenne des droits de l'homme entre autres, Strasbourg n'est pas surnommée «Capitale de l'Europe» pour rien. Le quartier impérial est tentant avec ses grandes avenues qui contrastent avec les ruelles de la Vieille Ville. Mais pas de temps à perdre, je me laisse tout simplement guider par mon instinct.

9 h 30 : La Marseillaise alsacienne

D'abord, une toute petite promenade rue de la Mésange. De la place de l'Homme de fer, nommée ainsi à cause d'une armure qui ornait une pharmacie, on trouve tout de suite la rue de la Mésange qui mène vers la place Broglie où se tient chaque année le célèbre marché de Noël. C'est ici que Rouget de Lisle composa en 1792 le Chant de l'Armée du Rhin, destiné à devenir l'hymne national français. Comment un chant de guerre, composé en Alsace par un militaire né dans le Jura, a-t-il pu devenir La Marseillaise? Quelques mois après sa création, il fut repris par les troupes marseillaises. À son entrée dans Paris, le Bataillon des fédérés marseillais chantait cet air enlevant qui fut surnommé La Marseillaise. Il devait devenir l'hymne national en 1795 avant d'être interdit puis repris encore.

10 h 30 : Jardinet gothique

Comme il reste fort peu de temps avant le départ, c'est le Musée de l'oeuvre Notre-Dame qui nous retiendra, sans doute à cause de son jardinet gothique. Eh oui! on a tous nos dadas! C'est aussi ici qu'on garde certains des vitraux originaux de la cathédrale. On aura même un peu de temps pour du lèche-vitrine dans les petites rues de la capitale alsacienne. Le bonheur!