J'avais entendu dire que les Tunisiens étaient agaçants. Et que si l'on avait déjà visité le Maroc, ça ne valait même pas la peine de passer voir la Tunisie.

«C'est la même chose, mais en plus cher!»

À la suite de/par suite de ces plates remarques, j'avais un peu mis la Tunisie de côté. Et je l'avais oubliée...

Ce que j'aime avoir tort.

Le sud du pays est fantastique. Le paysage est inouï. Planète Tunisie! Les habitants sont honnêtes, accueillants, et les femmes, ravissantes. Et c'est un peuple qui aime bien rigoler.

J'y ai vu les plus fines et plus impressionnantes mosaïques de l'époque romaine. D'incroyables murailles de «pixels» qui valent à elles seules le déplacement. Et un Colisée mieux conservé que celui de Rome, avec cent fois moins de touristes: El Gem, c'est génial! Une heure avant la fermeture du Colisée, alors que le soleil se couche doucement sous les arches, vous aurez l'endroit à vous tout seul. Vous pourrez alors:

a) errer dans les gradins, en vous imaginant une foule en liesse hurler «À mort, à mort!»;

b) lire sur une poutre un graffiti daté de 1815, un autre de 1906, puis en laisser un vous-même et le dater de 12 av. J.-C.;

c) descendre sous l'arène, dans le cachot des gladiateurs, là où les condamnés attendaient le moment d'aller combattre les fauves et de périr.

Et j'ignore s'il s'agit de l'éclairage glauque, de la fraîcheur de la pierre ou de l'exiguïté des cellules dans lesquelles des dizaines d'hommes terrifiés s'entassaient, mais, sous terre, une ambiance effrayante vous glace les os; et le fond de l'air est électrisant, comme chargé de toute la souffrance dont a été témoin/complice ce lieu.

Moi, j'y ai vraiment ressenti quelque chose. Je ne déconne pas. Ce n'est pas mon style. J'ai véritablement ressenti quelque chose m'envahir, une vague de tristesse infinie, comme une expérience douloureuse qui rejaillissait à la surface de ma mémoire...

Croyez-vous aux vies antérieures?

Moi, avant El Gem, je n'y croyais pas. Mais aujourd'hui, plus que jamais, je pense que dans une autre vie, moi, Bruno Blanchet, j'étais la femme d'un gladiateur.

«Chéri, t'as oublié ton bouclier!

- Ah, je t'aime, mon amour.»

Parlant d'autre vie, proche de la ville de Tataouine, on peut visiter la maison de Luke Skywalker. LE Luke Skywalker de Star Wars! Suis-je un fan? Ouf! Dans une autre vie, je me déguisais en Dark Vador à chaque fête d'Halloween! Et je gardais le costume jusqu'au petit-déjeuner...

Je me suis donc précipité au musée.

Et au lieu de l'extase espérée, j'ai vécu un choc traumatisant: les fameux moteurs antigravitationnels, les tubes temporels, tous les canons au laser, toutes les poutres et les portes de fer sont en plastique. En plastique vide! Comme les grandes statues d'Oscar à Los Angeles. Comme les arbres, à Las Vegas. Comme les seins, à Hollywood.

Et ça, ça signifie une chose terrible, mes amis:

Star Wars, c'était même pas vrai.

Je suis inconsolable.

Hors des sentiers battus, avec l'équipe de l'émission télé Partir autrement, nous avons découvert l'existence de nombreuses maisons d'hôtes, gérées par les habitants, où l'accueil est personnalisé et où le contact avec l'autochtone s'effectue de façon plus «naturelle». On appelle ça le tourisme de proximité.

C'est un nouveau circuit en voie de développement, promis à un brillant avenir, mais à long terme; car tout change lentement dans un (ex?) pays totalitaire où, deux mois par année, il fait 54 degrés Celsius... Je l'ai vu au thermomètre! Avec cette chaleur, lorsque le vent se lève, on dit que c'est le diable qui s'amuse à te souffler dans le visage! Un midi, nous avons enfoncé le véhicule dans le sable, jusqu'à l'essieu, dans le désert près de Ksar Ghilane, et j'ai pu enfin très bien apprécier la blague:

«Une chance qu'il ne neige pas icitte.

- Pourquoi?

- Il ferait chaud en tab... pour pelleter!»

Bref, c'était surtout rassurant de constater qu'il existe en Tunisie d'autres choix pour les voyageurs que les stations balnéaires de Djerba et les grandes chaînes d'hôtels. Et qu'il s'ajoute, en Afrique, un autre lieu magique et bon marché à explorer.

***

Mon garçon m'attendait à Bangkok, sur Soi Rambuttri, assis à une terrasse. Je me suis approché discrètement et je l'ai observé pendant un moment, en catimini. Un beau grand petit homme, que mon Boris! Sept mois que je l'ai vu, mon amour de ma vie... Entouré d'amis sur le party, il affichait cette belle insouciance de jeune backpacker avec une once de liberté, un peu de sous en banque, et beaucoup de vie devant lui. Le chanceux! J'en étais presque jaloux... Cette suave insolence qui m'habitait il y a de ça des décennies, alors que je traversais le Canada sur le pouce avec trois dollars en poche, je la revoyais, là, en chair et en os, dans mon Boris, qui avait l'air tellement cool que j'avais peur de le déranger. Il m'a aperçu.

«Hey, le gros!»

Le gros.

Ça, c'est moi.

Photo: Bruno Blamchet, collaboration spéciale

Le père de Boris en Tunisie