La suite des aventures de Bruno, à bord du bateau Professeur Molchanov.

JOUR 31

Île Ascension. Le soir, sur la plage, d'énormes tortues vertes venues du Brésil pondent leurs oeufs. La scène est plutôt loufoque : une dizaine de personnes, à plat ventre, prennent des photos d'un péteux de tortue de 175 kg.

Le lendemain, on assiste au carnage.

Des bébés tortues, qui tentent de gagner l'océan, se font attraper par les habiles frégates, qui les ramassent comme on cueille des fraises. Seule une tortue sur mille survivra. La nature a ses raisons...

Plus de 20 passagers descendent à Ascension pour prendre l'avion en direction du Royaume-Uni. Et de ce nombre, un de mes colocs, Graham.

Je suis triste. Parce que, après notre totale «incompréhension» du départ, nous avions appris à communiquer, Graham et moi ; d'abord par signes, comme des gorilles ; puis, dans un anglais situé quelque part entre le Rez et le Yorkshire ; et, petit à petit, il s'était forgé entre nous une solide amitié.

Entre autres choses, nous nous étions découvert une passion commune pour les mêmes groupes punk et, au petit-déjeuner, nous nous amusions à essayer de chanter, dans l'ordre, toutes les chansons de l'album Another Kind of Blues, du groupe UK Subs. Au grand désespoir des autres passagers.

Puis on riait. Beaucoup. Tout le temps.

Avant de partir, pendant que Graham bouclait ses valises, je traînais dans la cabine. Il s'est retourné et il m'a dit :

«Bruno, si tu vivais près de chez moi, je te demanderais d'être mon meilleur ami.»

Je n'ai pas su quoi répondre. Je me suis même un peu étouffé.

C'était sans doute le plus beau compliment de toute ma vie.

JOUR 32

Direction les îles du Cap-Vert.

À un moment très précis, près de l'Équateur, le soleil sera au zénith, et il n'y aura pas d'ombre sur le bateau. Excitant, hein ?

Mais auparavant, une cérémonie navale est de mise. Pour la traversée de l'Équateur, tous les occupants du bateau sont priés de se déguiser en une créature marine de leur choix, afin d'obtenir le droit de passage de la part du «roi des mers» lui-même...

À bord, inutile de vous préciser que c'est limité en termes de déguisements ! Alors, je me découpe des rondelles dans du papier blanc, que je colle sur mes vêtements noirs les plus moulants ; puis, je fabrique une grande bouche avec de petites dents, que je fixe sur ma cagoule ; finalement, je me cache derrière de grosses lunettes fumées et, comme par magie, je deviens une murène tachetée.

Je sors sur le pont, en mimant la nage de la murène. Glou glou glou, glou glou glou. Les gens s'écrient «Oh, le beau phoque léopard !» Je ne m'obstine pas.

«Merci !»

Albert, un des meneurs, apparaît vêtu en roi Neptune, avec sa femme, Daniela, à son bras. Il prend place sur son trône et nous engueule comme du poisson pourri.

«Qu'est-ce vous venez faire chez moi, minables ?»

Vous devez alors vous agenouiller à ses pieds et lui demander la permission de traverser l'Équateur... C'est la comédie !

Au bout d'un moment, il accepte votre argument, vous baissez le pantalon et il vous étampe la fesse. Smack!

Ensuite, c'est la fête. On stoppe le bateau à 0 degré pile, on se déshabille et on se jette à l'eau, sur une ligne imaginaire, au beau milieu de l'océan... Dans 3500 mètres de profondeur !

Imaginez le délire.

C'est comme être en apesanteur.

JOURS 33, 34, 35, 36 et 37

On arrive au Cap-Vert. Et c'est fini.

Je vous coupe ça dru, hein ? LOL ! Faut passer à autre chose. Désolé ! J'aurais aimé vous parler des soirs, au bar, quand Walter, l'Allemand de l'Est, jouait l'air d'Irish Spring à l'accordéon, accompagné de Bruce, au pipeau... J'aurais voulu vous parler des frisettes de Véro, des dessins de Lucie, de la passion pour la radio amateur de Michel, et j'aurais voulu vous expliquer les règlements du Foufouclacla ! J'aurais adoré vous jaser de la folie de Bruno R., de l'érudit Claude, de tous les gentils organisateurs, des couchers de soleil, du flash vert, de la belle Sue, des photos de Sharon, de l'île de Bob Flood, du rire d'Andy, et j'en oublie...

Mais, je vous promets que, si l'on devait publier un livre incluant ces chroniques du Molchanov, j'étofferai le récit. Et j'y ajouterai même un peu de folie ! Comme je viens tout juste de le faire avec les chroniques du Tome 3 de La frousse, qui paraîtra peut-être cette année, en format 4D.

À surveiller.

Puis, pour vous amis internautes, il y aura un bonus : j'ai tourné au moins 15 heures de matériel vidéo sur le bateau, qui se retrouveront sous forme de capsules sur le web, quand je trouverai le temps de tout assembler...

Bon, maintenant, le Sénégal. Puis un peu de Tunisie, dans le décor de Star Wars. Et plus tard, au Cambodge, place aux grandes retrouvailles : c'est le retour du Big Pete, et de mon fils Boris !

Photo: Bruno Blanchet, collaboration spéciale

La fête de la traversée de l'Équateur à bord du Professeur Molchanov.