Buenos Aires, c'est le début de l'aventure pour... l'Antarctique ! Alors, tous les jours, je fais mon magasinage. Une activité que j'ai baptisée affectueusement : «le shopping du grand frette». J'ai tellement de choses à acheter pour le voyage en Antarctique ! Je suis arrivé ici avec trois t-shirts, deux chemises, un short, deux pantalons d'été et des sandales. Pas de bas.

Pas mal, hein ? Il va faire -20 degrés dans deux semaines...J'ai donc besoin de tout. Et d'une paire de jumelles, et d'une nouvelle caméra, et d'un trépied (je vous prépare des petits films sur la croisière pour l'internet)... Je vous jure que j'en dépense, des pesos !

Mais, cela dit, il y a vraiment moyen de s'en sortir pour pas cher ici. Pour ceux qui aiment le trip auberge de jeunesse, on trouve plein d'«hostels» bon marché, et super bien situés en plus. Moi, j'ai été chanceux : par hasard, je me suis déniché un petit nid d'amour, sur un toit, en plein centre-ville, dans une espèce de maison de chambres super tranquille.

C'est propre comme un sou neuf, il y a une cuisine où on peut se faire à manger, et j'ai un petit téléviseur avec 80 chaînes pour m'endormir. Des soirs, quand le vent souffle du bon bord, je peux piquer un signal wi-fi de l'édifice d'en face, mon lit est confortable, le ventilo ne fait pas de bruit et, le plus important, j'ai un bureau pour écrire. Avec une lampe.

Tout ça pour 12 $ par jour.

Et puis, l'eau chaude est chaude. Et ma sympathique voisine, Irène, qui vient de Patagonie, est journaliste à la radio, et chaque soir, quand elle rentre du travail, on se pique des jasettes sur le perron, en buvant une petite menthe.

Je pense que je suis en train de devenir matante.

Et je me suis inscrit dans un gym, très correct, à deux portes de chez moi, pour 20 $ par mois. J'ai besoin de me remettre en forme avant le voyage en navire, parce que je sens que, physiquement, ce ne sera pas facile. Je me suis acheté de la Dramamine, contre le mal de mer, dont j'espère ne pas trop souffrir... Une seule fois, de ma vie, j'ai été quasiment malade en bateau : c'était lors du tournage de La grande séduction, un matin d'orage, quand on a essayé de quitter l'île de Harrington Harbour sur un bateau de pêcheur... On s'en était vraiment pris plein la gueule ! On avait dû rebrousser chemin, parce qu'au port, c'était mauvais au point que le capitaine ne pouvait pas trouver les deux bouées de trois mètres de haut, de couleur orange fluo...

On avait eu peur d'y rester, hein, Roger ?

Cela dit, ils parlent un drôle d'espagnol, les Argentins. Par exemple, le double « ll », comme dans calle, est prononcé ch, ici. Et ils parlent vite en maudit. Chaque fois que j'ouvre la bouche pour essayer d'expliquer quelque chose avec mes 200 mots de castillan, je vois bien dans leur visage qu'ils ont l'impression que le temps s'est arrêté.

Je les énerve. Ils veulent tous se dépêcher de terminer mes phrases. Ils marchent vite, aussi. Moi et ma vitesse de marche des Antilles n'avons pas beaucoup de succès sur les trottoirs de Buenos Aires...

En voiture, ils conduisent bien, mais rapidement. Sur les grandes autoroutes, la vitesse maximale permise est 130 km/h. On se croirait presque sur l'Autobahn...

On se croirait presque en Europe, quand j'y pense, finalement.

Au centre-ville, faut faire attention aux gamins de la rue : ils sont vite, les petits torrieux. J'ai vu deux vols de téléphone cellulaire en deux jours. Comme ils disent en Colombie : «No dar papaya !» Littéralement, «ne donner pas la papaye !», n'offre pas la chance aux voleurs de te prendre ton bien. Comme dans toutes les grandes villes.

Et le métro est trop cool. C'est un train bruyant, couvert de graffitis, et ça brasse là-dedans ! Et c'est toujours plein de monde, sûrement parce que c'est juste 30 sous le voyage... Et les hommes laissent galamment les places assises aux dames. Sont polis, les Argentins.

Beaux et polis. Un seul inconvénient, selon moi : le monde fume beaucoup trop dans la rue. Les trottoirs sont souvent étroits, et tu manques de te prendre une cigarette allumée sur la chemise tous les 10 m... Faut dire que le prix des cigarettes n'a rien pour les décourager : cinq pesos pour un paquet de 20. Et il y a quatre pesos, dans un dollar.

Allez, on se rejase à Ushuaïa, j'ai du shopping à faire.